Voici l'histoire d'un retour, qui a défaut d'être en fanfare, surprend. En effet, le destin de Yétisports m'évoque les passages les plus épiques du film d'animation Kenshin Le Vagabond. Lorsque Battosaï Himura, épuisé par de douloureux combats et un déchirement psychologique erre dans des landes enneigées à la recherche de Tomoe, sa bien-aimée. Subissant les assauts meurtriers de ninjas et mercenaires divers, notre valeureux rônin poursuit sa progression, miné par des blessures dessinant de vastes arabesques dans la neige fraîche. Aucun obstacle ne semble pouvoir arrêter sa volonté. Ce n'est plus un corps mais une force pure qui se déplace vers un but, malgré le mur d'incertitude enserrant ses pas. Les aventures du yéti le plus sportif du monde sont un peu de cet acabit.
Mais oui, souvenez-vous, ça ne fait pas si longtemps que ça. Vous devez avoir quelques traces dans votre mémoire du premier jeu qui avait réussi à transformer un jeu gratuit et sympathique en un titre payant et vide d'intérêt. Cherchez bien. Bien sûr, je parle de Yetisports Deluxe, dont certains essayent encore de découvrir la légitimité d'une telle appellation. Pour ceux qui n'avaient pas suivi les précédentes tribulations de l'homme des neiges mercantile, et ceux qui sont dans une phase d'oubli conscient (désolé pour eux), je vais vous rappeler le fond du problème. En fait, Yétisports est au départ un jeu développé en flash et destiné au monde ouvert d'internet, livré au bon vouloir de tous sans restrictions. Mettant en scène le légendaire homme des neiges visiblement tout émoustillé de sa rencontre récente avec un certain Tintin, ce divertissement a connu des jours de gloire assez imposants de par l'engouement des joueurs avides de défis. Effectivement, le principe reposait sur une sorte de mélange entre le base-ball et le golf, au sens où vous deviez, en suivant le bon timing et le bon angle, envoyer un pingouin le plus loin possible en le frappant avec une batte. Les records fleurirent alors sur la toile, et les versions un peu plus évoluées également. Un succès d'estime donc, qui attira l'oeil de Jowood aboutissant à l'idée saugrenue de vendre un programme gratuit et accessible immédiatement en arguant des changements majeurs. Au lieu de cela, on se retrouva à s'essayer à des digressions inintéressantes au goût de copié-collé. Qu'en est-il donc aujourd'hui avec cette "suite" rehaussée pour l'occasion d'un pompeux "World Tour" ?
Et bien en fait, on ne peut s'empêcher d'y retrouver une grande fidélité à ses précédents acquis et une continuation dans la logique. Comme vous l'aurez sans doute compris avec ces quelques mots, vous allez être encore un peu victime du célèbre : "On prend les mêmes et on recommence", avec toutefois une toute petite nouveauté que je m'en vais vous exposer de bon coeur. En effet, et dans sa volonté d'aller toujours de l'avant dans l'innovation, Jowood s'est tout de même décidé à rajouter quatre nouveaux modes à sa sauce. C'est à dire deux modes déclinés en deux versions chacun. Et encore, il n'apparaît pas vraiment que l'originalité soit de la partie, lorsque l'on se rend compte que la partie nommée Flamingo Drive n'est en résumé rien d'autre que le Pingu Throw originel, simplement retranscrit au sein d'un autre univers. Vous devez donc toujours éjecter un pingouin innocent à grands coups, non de batte cette fois-ci, mais de... flamant rose. La seule véritable modification à part l'arrivée d'un palmipède de couleur rosâtre, se trouve être le système de propulsion qui s'apparente ici bien plus au golf. Vous devrez en fait gérer la force de frappe et le degré de pénétration dans l'air (l'angle plus prosaïquement) via une jauge appropriée. Néanmoins la finalité est équivalente, au sens où il vous incombera de faire parcourir la plus grande distance à votre pingouin de compétition. On notera par ailleurs le plus grand défaut de ce mode dans son évolution, jouant sur l'interaction avec d'autres animaux, vous permettant d'aller plus loin dans un cas, et vous ralentissant pour les plus fourbes dans l'autre. Une idée agréable donc mais qui cache un effet fort déplaisant, à savoir une inertie complètement idiote de votre projectile, rebondissant sur le moindre rocher et repartant souvent plusieurs dizaines de mètres en arrière dans un laps de temps, très, mais alors très long. Pour vous donner une idée, on se croirait un peu au fond d'un lac, ou sur la lune. Toutefois, on ne peut faire l'impasse sur Seal Bounce, qui amène un fantastique vent de fraîcheur dans le monde d'un yéti pourtant glacé.
Ce mode vous permet en effet de participer à la même épreuve que celle nommée Flamingo Drive, mais à la verticale. C'est un peu schématique, mais l'esprit y est. Plus précisément, il vous faudra propulser une nouvelle fois votre oiseau dans les airs, en essayant de trouver la direction la plus appropriée à une montée sans accrocs. Ensuite, il vous incombera de vous servir des animaux disséminés tout le long de la paroi rocheuse bordant la "cheminée" dans laquelle vous éjectez votre compagnon à plumes, afin de lui faire gagner de l'altitude. Pour se faire, il suffit de cliquer au moment précis où le pingouin touche la tête d'un phoque ou d'un macareux. Enfantin et amusant quelques minutes. C'est d'ailleurs là le plus gros écueil de ce Yetisports. En effet, et si l'on enlève le déjà-vu Pingu Dart, et le sympathique mais limité Albatros Overload, on se place face à des réutilisations plus ou moins déguisées du concept premier, gratuit rappelons-le. On a donc souvent l'impression d'exécuter des challenges identiques dans une lassitude qui point au bout d'une seule petite heure. Certes, la possibilité de jouer à quatre parvient à développer un tantinet la durée de vie, mais l'absence d'innovation tient à distance. Le goût du défi sert de pivot à ce titre, il est vrai, mais cette donnée ne suffit pas pour le rendre honnête. Bourré de répétitions et sans aucune recherche, je viens même d'apprendre que Flamingo Drive existait déjà sur le net. Décidément, malgré une réalisation assez correcte et des animations amusantes, le titre de Jowood tire beaucoup trop sur la ficelle du marketing et lasse par son bégaiement imaginatif. Simple remise à jour du précédent opus, et pourtant vendu au même prix, Yetisports World Tour se porte aux mêmes reproches que son prédécesseur et n'effectue pas d'évolution, même minime. Je n'ai rien contre les jeux à concept, loin de là, étant un grand fan de Rez, mais on est face à de l'acharnement dans une ligne de conduite viciée. Pourquoi ? Espérons que les développeurs ne soient pas pris en otage.
- Graphismes6/20
Alors qu'une jolie 2D aurait suffit, le titre tente de justifier le fait qu'il soit payant en proposant une sorte de rendu 3D désagréable, aboutissant à un effet à la Killer Instinct en plus baveux. Heureusement que les décors colorés et assez fins, associés aux animations relativement souples rattrapent un tout petit peu l'apparence effrayante du héros aux poils blanc. De même, le design général du jeu n'est pas du tout attractif, semblant sortir des plus belles pages internet dédiées à la promotion de couteaux Ginzu.
- Jouabilité12/20
Simple mais efficace, le gameplay se résume à utiliser un seul bouton de la souris via un timing et une précision affinée. L'accessibilité est donc de mise, ce qui est plutôt normal pour un titre au départ dédié à être expérimenté dans l'instant. Malheureusement, l'absence de toute variante mine le soft de bout en bout, impliquant l'arrivée d'une immense lassitude au bout d'une heure de jeu. De plus la manie de réutiliser une prise en main identique au gré des épreuves manque vraiment d'honnêteté.
- Durée de vie11/20
Ce brave Yétisports World Tour amputé ici de ses possibilités online, se trouve bien dépourvu. De plus, et malgré la présence d'un choix permettant la présence de quatre joueurs dans chaque mode, vous ressentirez un manque cruel de renouvellement au gré des parties, jsuqu'à délaisser le yéti définitivement.
- Bande son6/20
La chanson d'ouverture seule vaut un détour, cruel certes, mais un détour. En effet, vous allez entendre un monument de ridicule, semblable à du Carlos de la grande époque. Si seulement ça avait pu être du second degré. Les bruitages sont quant à eux vraiment quelconques, et le nombre de pistes présentes demeure véritablement trop faible. La répétition s'installe rapidement.
- Scénario/
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A ce point précis, ce n'est pas du courage, mais de la folie. Yétisports World Tour essaye désespérément de remonter une pente extrêmement glissante sans même trouver une justification à son sacrifice. Ne modifiant en rien les lacunes du précédent volet, et osant même réutiliser certains modes de ce dernier, le titre de Jowood légitime encore moins son statut de jeu payant. Limité, inintéressant et n'apportant aucune once d'originalité, Yétisports WT sombre avec son compagnon dans les abîmes vidéoludiques. Quand on pense que Tintin et Tchang n'ont pas fait un geste pour empêcher ça.