Dans les récits d'Héroic-Fantasy, il est souvent (voire toujours) question d'un grand démon désireux de détruire le monde pour des raisons souvent peu fondées, quand elles ne sont pas arbitraires. A grand coup d'armées de squelettes et de monteurs de loups, le régent des ténèbres en place s'arrange tout le temps pour mettre le feu et faire naître des maladies un peu partout afin de vivre dans son propre chaos mental. Une attitude puérile, et surtout peu élégante, du fait de l'absence de consultation des villageois sur cette prise de position. Imaginez que certains n'aient pas été d'accord... Scandant des "misérables humains" d'un côté et des "craignez ma puissance" de l'autre, le général en chef des armées obscures poursuit ses méfaits en riant à gorge déployée d'une manière forcée. Jusqu'à ce qu'un groupe de cinq humains décide de mettre un terme à cette mascarade. Heureusement, grâce à l'animation et aux RPG japonais, la donne s'est un peu modifiée pour nous présenter des trames moins manichéennes. D'ailleurs The Roots en est un excellent exemple... Ah ben non, désolé, j'ai confondu.
En effet, tout commence par la présentation d'un contexte scénaristique empreint de vengeance et de la folie meurtrière du Seigneur Démon qui "défie les lois de l'univers", rien que ça. En sus de cette occupation déjà prenante, il souhaite asservir le monde et profiter de ce pouvoir incommensurable pour se complaire dans sa cruauté. C'est alors que le destin réunit cinq guerriers aux aspirations diverses et variées, allant de la volonté de rédemption, à la quête d'une force démesurée, en passant par la simple mission confiée. Bien entendu, chacun d'entre eux appartient à une classe particulière, permettant une complémentarité essentielle à une quête bien menée. Dans le désordre, vous pourrez incarner un voleur, un paladin, une sorcière, un magicien, ou encore une sorte d'amazone. A vous de définir votre choix lors de la création d'une nouvelle partie. Malheureusement, en solo, vous n'aurez pas vraiment le "choix des armes". Effectivement, votre aventure ne comptera la présence que d'un seul homme sans aucune possibilité de former une quelconque équipe ou d'embaucher des mercenaires. C'est à vous et à vous seul d'éliminer les hordes de créatures malfaisantes s'étendant sur le monde. Néanmoins, vous aurez l'occasion de pallier à ce manque en vous réunissant à deux, trois ou quatre autour de votre liaison Bluetooth. Et d'ailleurs, cette étape est plus que conseillée si vous désirez profiter un tant soit peu du jeu. Il sera en fait aussi compliqué de dépasser le premier environnement que de soi-même affronter une meute de balrogs quelque peu énervés. Un écueil qui survient surtout lorsque l'on expérimente le fait que The Roots est un Hack'n Slash à la Baldur's Gate, et que l'on doit impérativement chercher le contact pour espérer conférer des dégâts à son adversaire. Sauf bien sûr quand on choisit habilement d'être un archer...
Et bien que nenni ! J'en ai fait la cruelle expérience. En fait, dans le titre de Cenega, le "job" d'archer s'apparente à la vision qu'en a Legolas dans la série de longs métrages de Peter Jackson. C'est à dire que dans sa logique étrange, un archer se doit d'attaquer au corps à corps. Mais là où réside une différence c'est dans le choix que possède ce membre de la communauté. En effet, ce dernier a la possibilité de tirer de loin. Pas dans The Roots. Ici, même si vous apercevez un guerrier-squelette ou un vieux dragon, et que vous êtes sûr de pouvoir le frapper avec la furtivité d'une grande distance, vous serez quasiment obligé de vous faire repérer pour avoir le droit d'utiliser votre arme, dont vous n'êtes pas sûr de la précision que ce soit à courte distance ou non. Un point de gameplay très énervant donc, qui disparaît logiquement avec le choix du paladin comme personnage de départ, ce que je vous conseille ardemment de faire. De plus, les différents ennemis que vous rencontrerez s'avèrent terriblement puissants, parvenant à vous massacrer en moins de 10 secondes, même avec un ou deux niveaux de plus que l'évolution logique du personnage à un point donné. Dans le même ordre d'idées, il vous arrivera souvent de vous faire encercler par huit opposants, ce qui n'est pas forcément insurmontable, mais surtout accompagné d'un mage, alias l'incarnation de la frustration dans un jeu de rôle. Devant ses sortilèges la fuite est votre seul recours, car dans le cas contraire vous pourriez bien finir empoisonné sans aucun moyen de vous soigner, oppressé par vos adversaires et vidant désespérément vos réserves de potions rouges afin de remplir votre barre de santé. Un cas de figure qui arrivera très souvent, et qui a tendance à sérieusement remettre en cause le plaisir de jeu. Proposer une difficulté évolutive est un principe évident dans l'espoir d'accrocher le joueur jusqu'aux derniers instants, mais l'effet inverse s'opère dès qu'un challenge trop élevé se confronte à lui. D'autant que dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, la difficulté fait partie d'un tout.
Effectivement, si il n'y avait qu'elle, le commun des mortels pourrait s'en tirer sans trop de heurts. Mais comme un malheur n'arrive jamais seul, il est suivi d'un système de stockage dramatique et d'un système général de jeu décevant, voire agaçant. Pour commencer, on se trouve rapidement face à une incohérence totale au niveau de l'équipement. En fait, alors que vous atteignez péniblement le niveau cinq, quelle n'est pas votre surprise en remarquant que depuis un grand moment vous ne découvrez que des armures nécessitant le niveau 10 minimum pour être revêtues. Vous vous dîtes que ce n'est pas grave, que vous allez les conserver en attendant, mais vous commencez à trouver ça étrange de ne pas avoir d'outils défensifs vous correspondant. Une impression qui se poursuivra longuement par ailleurs, et qui empêche toute joie lors de la découverte de trésors que l'on laisse souvent au sol sans s'y intéresser vraiment. Après un petit tour au village du coin (un village par monde, à la manière d'un Dungeon-RPG), vous vous apercevrez qu'il est possible d'expédier le trop plein de son inventaire dans un coffre situé dans un château. Une initiative plus qu'intéressante à la vue de la limitation de votre inventaire, mais qui vous oblige à faire des allers-retours incessants entre les zones de combats et le village. Je m'arrête d'ailleurs sur ce point, en vous précisant que le monde dans lequel vous évoluez se compose de cinq "zones" ou mondes au sein desquels vous aurez la joie de découvrir un petit hameau regroupant commerces et villageois entourés par des routes conduisant à divers lieux de combat. Une progression extrêmement linéaire donc, qui n'autorise pas vraiment de recherche, et handicape grandement le côté aventure. Pour continuer donc, il vous sera bien peu aisé de supporter à longueur de temps les kilomètres parcourus inutilement. Un problème lié, comme je l'évoquais ci-dessus, à la taille très réduite de l'inventaire, et surtout à un système de classement totalement mal pensé. En effet, chaque arme ou objet vous coûte un point d'emplacement, sachant que vous en avez 36 en tout et pour tout, imaginez les sacrifices à consacrer afin de survivre. Sachant qu'il faut emmener au moins 8 potions rouges pour ne pas mourir et au minimum 5 potions bleus afin d'utiliser la magie contre les boss, tout en étant équipé de 6 pièces d'armures, il ne reste plus énormément de marge pour récolter les divers objets laissés par les monstres.
D'autant qu'il vous est possible de gagner des équipements très intéressants en ramenant des ustensiles particuliers au représentant d'une guilde, qui vous échangera par exemple une très bonne épée contre quatre essences de spectres et huit pattes d'araignée. Tout en sachant bien évidemment que chaque élément prend une place dans votre sac, et que ce que je viens de prendre comme illustration représente vraiment le minimum demandé. A vous, de ce fait, les trajets inintéressants jusqu'au village, ou l'abandon d'items spécifiques pour une vague tête de sorcier-squelette. Et si on ajoute à cela la difficulté de gagner de l'argent, l'obligation de recommencer huit à neuf fois un niveau pour espérer arriver au gardien final, et l'idée fantastiquement intelligente de permettre aux ennemis de vous attaquer lorsque vous vous trouvez dans le menu d'équipement ou lorsque vous vous renseignez sur une chose par le biais d'une manipulation peu pratique, on aboutit à une amère déception. Heureusement, et pour une fois, la jouabilité ne souffre pas vraiment de la croix directionnelle du N-Gage et l'on peut essayer de massacrer du sbire des ténèbres relativement facilement. Dans le même esprit, la prise en main est on en peut plus intuitive, proposant même des raccourcis concernant les sorts que vous avez appris. Autre point positif, l'évolution de votre héros, qui gagne des points de caractéristiques à redistribuer à chaque niveau atteint, entre différents critères et une spécialité définie au tout début de l'aventure. Graphiquement le titre demeure assez convaincant, même si l'on note parfois une certaine confusion dans l'incrustation des opposants dans la végétation ou quelques sombres dédales effrayants. Les effets "spéciaux", quant à eux, demeurent corrects et suffisamment impressionnants pour donner envie de poursuivre l'apprentissage de la magie. Mais cela est-il suffisant pour justifier les errances de The Roots ? Je ne le crois pas, et le Seigneur Démon non plus.
- Graphismes13/20
Assez joli, The Roots a le mérite de proposer des environnements différents et diversifiés, tout en affichant une 3D d'une qualité acceptable, exposant une modélisation des décors réussie et des personnages relativement bien réalisés. Toutefois, on peut noter rapidement la présence de "murs invisibles" parfois très gênants, et surtout de cut-scene dessinées sans vraiment de conviction, ne parvenant pas à dynamiser et accompagner l'action ainsi que le scénario.
- Jouabilité8/20
Autant la jouabilité "technique" est sans défaut, permettant de terrasser des hordes de zombie à l'aide de trois boutons idéalement placés, autant le gameplay général souffre grandement d'un manque de précision générale. La mauvaise gestion de l'inventaire, le manque cruel d'un côté intuitif, le système d'aide intéressant mais mal intégré, ainsi que l'obligation de revenir sans cesse dans les villages nuisent grandement à l'assise du jeu. Le tout en devient soudainement bancal.
- Durée de vie15/20
Les cinq mondes à explorer se révèlent vraiment étendus, et vous aurez fort à faire si vous désirez retrouver tout ce que vous demandent les guildes dans l'optique d'acquérir des pièces d'équipement de qualités. De même, la difficulté assommante du soft vous obligera à passer de longues heures à tenter une pénétration dans les lignes ennemies, en recommençant à chaque fois votre progression plus en avant. Heureusement que les adversaires disparaissent pour de bon. La quête à quatre est de ce fait bien plus agréable.
- Bande son9/20
Les différents thèmes peuplant le soft sont vraiment bien construits, mais tournent malheureusement vite en rond, et surtout reviennent à intervalles trop réguliers. Les effets sonores, quant à eux, assez rares rendent bien compte des combats, et dynamisent un peu le tout qui a tendance à devenir un tantinet soporifique.
- Scénario10/20
Toujours la sempiternelle lutte d'un groupe de héros contre le mal incarné, sans une véritable once de recul. Les personnages sont extrêmement stéréotypés et victimes d'une psychologie quasi inexistante. Maintenant, je ne suis pas allé suffisamment loin pour dénicher un rebondissement de situation intéressant, d'où cette note réservée.
Amusant la première heure, The Roots devient rapidement exaspérant de par la faiblesse de son gameplay et son air de déjà-vu. Défoulant et rappelant parfois le plaisir ressenti à l'essai d'un Baldur's Gate, il se laisse pourtant emporter par les démons de la redondance et laisse le joueur assez perplexe devant l'absence d'un côté épique ou solennel dans cette quête pour la paix. On a un peu l'impression de massacrer pour le simple plaisir de le faire, ce qui ne pousse pas vraiment à la poursuite de l'aventure. Reste l'ambiance envoûtante et la réalisation honnête. Mais ça ne fait pas tout.