C'est vrai qu'il est difficile de trouver une quelconque source d'inspiration en regardant déambuler un char d'assaut dans des plaines plus ou moins fertiles. D'une part, il fait du bruit, et d'autre part, il est possible, sous réserve, qu'il tue des personnes. De ce fait, il n'apparaît pas en tête de liste lorsque l'on tente de faire un classement des objets symbolisant la plénitude et la beauté. Pourtant, n'est-ce pas émouvant d'apercevoir un canon dans la lueur du petit matin, de respirer les odeurs d'essence tout juste revenu d'un tour dans des bois à moitié détruits par les tirs intempestifs d'un bon vieux Panzer ? On ne peut, dès lors, réfuter le fait que de nombreux poètes ont sublimé les tanks. Qui a oublié ces célèbres vers : "Ô Tank, suspends ton vol, et vous guerres propices, suspendez votre cours. Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours !" Une ode justifiée pour une machine de rêve et de paix.
Ce qui surprend dès le départ, mis à part le titre-même du jeu, s'avère être l'affichage du menu principal. Tout en restant sincère et mesuré, on se croirait au rendez-vous annuel pris avec son opticien. En effet, abordant une grosseur de caractères d'environ 40 ou 50, les quelques mots présents dans l'optique de proposer les différents modes font peur. On se sent réellement agressé par ces lettres énormes occupant tout l'écran et semblant destinées à un public de mal-voyant. On peut se dire que c'est une action louable, et que l'accès aux divertissements vidéoludiques va connaître une démocratisation encore plus avancée. Mais ce serait s'avancer bien trop vite, et mettre de côté l'aspect illogique et pas très réfléchi se cachant derrière. Est-ce que cela découle d'un pari raté, d'une pointe d'humour, ou simplement d'un trip "plus j'écris gros et plus j'ai l'impression que ça a de l'importance" ? Une question bien difficile à éclaircir, mais qui demeure au centre des conversations de toutes les personnes ayant vu cette "chose". Néanmoins, là n'est pas le plus surprenant. Effectivement, désarmé par cette entrée en matière brutale, on ne s'attend pas à chuter sur un écueil encore plus important. On sautille lestement et naïvement entre les différentes arborescences du jeu, et à ce moment précis, on aperçoit le terme Tactics, juste derrière un petit bosquet d'arbre en fleur. Bien trop confiant et emporté par son émoi, n'importe qui se serait laissé tenter. Cruelle erreur.
Ce que les fous qui auront bravé les interdits ne savent pas, c'est qu'ils pénètrent désormais dans un monde différent, une dimension arborant ses propres règles, annihilant tout ce que l'homme conçoit comme certain. Dans ce vortex où la polarité n'est qu'une notion sans histoire et où les atomes ne se structurent plus, les valeurs s'inversent et exposent des objets terrifiants. Ici, les pixels saillants sont rois et semblent l'étape finale de la construction d'un être ou d'un outil. Même les chars à la beauté mythique et racée sont réduits à un amas indistinct d'arêtes et de couleurs ternes. Et que dire des pauvres hommes perdus dans ces étranges contrées en déliquescence. Affublés de deux animations, composées du mouvement d'un bras et d'une jambe, puis des deux autres alternativement, ces tristes hères semblent atteint d'une secrète maladie atteignant le système nerveux. Essayant de courir malgré ce handicap, ces soldats en deviennent touchant, surtout lorsqu'on les voit disparaître au gré des textures simplistes et sans relief s'appliquant sur un sol dont la résistance aux obus reste une donnée dépassant les limites de la pensée. N'espérez pas laisser une trace de votre passage en creusant des cratères à l'aide de vos munitions lourdes, vous seriez plus que déçu. A peine digne d'une PSone, les graphismes semblent tout droit surgir du milieu des années 90 dans une compression temporelle inquiétante. Un aspect pas forcément gênant en soi, mais quand il s'accompagne de pertes de la vitesse d'affichage alors qu'il n'y a, justement, pas grand chose à proposer, on peut aisément se dire qu'un léger problème sous-tend le soft. Toutefois, Panzer Front est axé simulation, ce qui sous-entend que son propos ne se tourne pas vers les graphismes, mais en direction du gameplay. Ce rebondissement de dernière minute va t-il lui permettre d'obtenir la faveur des jurés, ou bien en prendra t-il pour dix ans sans possibilités de libération conditionnelle ?
Et bien, on peut sans hésiter dire que non, même si quelques petites subtilités valent le coup d'oeil. Effectivement, durant chacune des missions, et après avoir défini son camp et le véhicule d'assaut que vous dirigerez personnellement, vous pourrez facilement définir un plan d'attaque à l'aide d'une carte en 3D affichant la position de vos troupes et bien entendu celle de l'ennemi. Une fois dans cette configuration, vous aurez accès à un menu vous proposant diverses commandes à effectuer. Au nombre de cinq vraiment utiles, ces dernières sont réparties dans des domaines aussi complémentaires que la demande de ravitaillement en munitions, d'un support aérien dont vous ciblerez la zone d'action, d'un soutien de l'artillerie fonctionnant sur le même principe, ou encore la possibilité de s'enfuir lâchement, en boitant comme tout le monde ici. Un éventail assez intéressant, qui vous permettra, qui plus est, de donner des ordres à vos coéquipiers en leur offrant le pouvoir, soit de se débrouiller par eux mêmes, soit de verrouiller une cible ou un lieu donné. Pour finir, en cliquant sur votre char, alias le tank leader (ça le fait déjà plus), vous pourrez modifier la formation générale du groupe, fournir un ordre global aux unités, ou augmenter le degré de risque du terrain. En vrai tacticien, vous aurez donc accès à tout l'attirail d'un bon état-major, nécessaire à la capitulation de l'ennemi. Mais encore faudrait-il supporter la lenteur désastreuse du tout, et la maniabilité complètement anémique de votre tank rutilant. De même, devant l'absence de réaction coupable de vos compagnons et leur conception assez originale de la "couverture", vous en arriverez au point de non-retour assez rapidement. Partant seul contre une colonne de Mark IV, que vous détruirez sans trop de heurts d'ailleurs, vous ne recevrez jamais d'indications utiles, comme par exemple le fait que l'on vous attaque de dos. Une absence de communication dramatique qui aboutit à des situations tragiques. Si la seconde guerre mondiale s'est déroulée de cette façon, on comprend la défaite de certains pays. Tout ça pour dire que Panzer Front est un peu le Maze Action du jeu de chars, ayant l'outrecuidance de séparer le maître Tank Elite de sa couronne de lauriers défraîchie. Contenant quelques idées sympathiques, mais suprêmement laid, lent, et surtout comblé de clipping, le titre de 505 Gamestreet ne parviendra même pas à vous divertir ne serait-ce qu'une heure. Heureusement, le manuel contient des informations sur le profil du front africain. Tant mieux.
- Graphismes2/20
Totalement stupéfiants sur une PS2, les graphismes de Panzer Front rappelle tantôt une mauvaise exploitation de la PSone, tantôt un jeu 32X dernière génération. Doté d'une absence de fluidité conférant un effet "bullet time" constant, et d'une profondeur de champ de 40 mètres, Panzer Front rappelle parfois Maze Action, parfois Tank Elite. Fort heureusement, les modèles de tank sont fidèlement retranscrits... dans la mesure du possible.
- Jouabilité4/20
Poussive, raide, et mal calibrée, la jouabilité est vraiment l'aspect du soft qui rebute le plus rapidement. Arguant dans le sens de la simulation, le gameplay ne parvient pas à offrir une précision et un intérêt suffisant pour justifier sa présence. On se retrouve souvent perdu en plein désert ou campagne en tentant de résister à une horde de tanks tout seul, car l'aide extérieure s'avère assez lacunaire. Quelques bonnes idées rehaussent néanmoins le tout.
- Durée de vie11/20
Vue la lenteur générale du titre, et l'imprécision des missions à accomplir, il est évident que la durée de vie s'avère correcte. Cette note reflète donc cet aspect. Maintenant, devant les immenses défauts et la platitude somnolente qui agissent au sein du titre, reste à savoir combien de temps vous tiendrez.
- Bande son5/20
Le constat est simple, vous n'aurez le droit à aucune composition sonore. A côté de ça, les divers effets sonores se révèlent suffisamment travaillés, sans toutefois s'avérer vraiment différents entre les nombreux chars. Une ambiance soporifique se dégage donc des affrontements sans action véritable et sans bruit d'explosion convaincant.
- Scénario/
Vous pourrez le trouver dans un livre d'histoire. Néanmoins, il est bon de noter la fidélité du jeu au contexte historique.
Dans la lignée de titres mythiques comme Tank Elite, ou encore Seek and Destroy, Panzer Front expose d'innombrables défauts de gameplay qui viennent ternir, voire détruire les rares bonnes idées incluses. Pétri de ralentissements, de clipping, exposant une qualité graphique de très basse tenue et un gameplay problématique, le titre d'Enterbrain ne peut espérer se sortir d'un marasme où il va s'engluer lentement. Espérons que les développeurs pourront passer ce cap et couvrir un autre projet plus ambitieux. Panda wartet auf die Folge schon.