Toujours dans le style aventure, mais dans un tout autre registre que Syberia, MC2 nous convie à traquer un tueur en suivant deux enquêtes parallèles. Si les lieux et les époques sont différents pour chaque affaire, une chose est sûre, toutes deux mènent bien vers le même criminel. Saurez-vous remontez sa piste ?
Chicago, décembre 2005. Alors que les guirlandes lumineuses accrochées aux façades des maisons scintillent de milles couleurs, un épais manteau neigeux recouvre peu à peu les rues de la ville. Les fêtes de fin d'année approchent doucement, tout le monde s'y prépare depuis un moment déjà. Victoria n'a pourtant pas la tête à ça. Cela fait quelques semaines qu'un inconnu s'amuse avec ses nerfs. Les meurtres se sont enchaînés ces derniers temps, la laissant, elle et ses collègues du bureau, totalement impuissants face à la barbarie du tueur. Un cinquième cadavre vient d'être découvert dans un squat miteux d'un quartier malfamé. La victime est retrouvée nue dans sa baignoire, prisonnière d'une eau rougeâtre, gelée par le froid hivernal. De multiples lésions sur son corps montrent que l'assassin est monté d'un cran dans sa sauvagerie et qu'il s'amuse avec ses victimes en suivant un rituel dont lui seul a le secret, se permettant même de narguer les forces de l'ordre en laissant des messages écrits avec le sang de ses proies. Sous la pression d'un boss détestable et face à une équipe tout aussi dépassée qu'elle, Victoria trouve tout de même un peu de réconfort auprès de son père, bien au chaud dans la maison familiale. C'est là qu'elle tombe sur les mémoires de son grand-père, Gus McPherson, détective privé de son état. Plongée dans les écrits de son aïeul, elle découvre un autre temps, une autre ville, mais une enquête qui présente d'étranges similitudes avec la sienne.
Prague, 1920. Un corps vient d'être découvert sur la berge. Encore une prostituée. Une de plus se dit la police. Une de trop, se dit Gus McPherson. Fraîchement débarqué de Paris où il avait déjà enquêté sur d'étranges meurtres (voir Post Mortem, le jeu qui avait introduit ce personnage), McPherson ne souhaitait pas reprendre son activité de détective. Pas maintenant en tout cas. Mais comment pouvait-il refuser de venir en aide aux filles, lui qui sort maintenant avec l'une d'elles ? Ses vieilles habitudes reprennent alors le dessus. Il sait qui aller voir, il sait quelles genres de questions il va devoir poser. Il sait aussi qu'il ne peut faire confiance à la police et qu'il va falloir faire vite s'il ne veut pas avoir à supporter une nouvelle fois la vue d'un cadavre mutilé. Les interrogatoires se multiplient, les indices se recoupent, petit à petit McPherson esquisse le profil du tueur et s'empêtre dans une affaire qu'il aurait effectivement dû décliner.
Diamétralement opposées dans le ton et la manière d'être menées, les deux enquêtes de StillLife auraient pu conduire à deux jeux différents s'il n'y avait eu ce lien pour les unir, ce petit quelque chose qui va aider Victoria à y voir plus clair et l'amener sur la voie de son tueur. La réunion des deux histoires permet non seulement de multiplier la durée de vie (tout de même pas énorme) mais surtout d'apporter plus de richesse et de profondeur au scénario en variant les ambiances. On ne peut, pour ainsi dire, pas parler d'une ambiance propre à StillLife, mais d'ambiances au pluriel avec d'un côté le présent glacial, perturbant, et presque déshumanisé de Victoria, et d'un autre le passé plus humain, peut-être aussi plus attachant de Gus. La forte utilisation de tons sépia confère au parcours de Gus une forme de nostalgie que n'a pas le quotidien de Victoria, bien plus centré autour de l'horreur des crimes et du jeu macabre qu'entretient le tueur avec la police. L'aventure, découpée en sept chapitres, alterne ainsi régulièrement entre ces deux atmosphères, donnant finalement un cachet unique au jeu dans son ensemble.
Les différents climats sont bien sûr mis en valeur par des décors somptueux gorgés de détails, mais également par une bande-son impeccable sur toute la ligne. Les musiques d'ambiance instaurent au choix des sentiments d'inquiétude, de doute et de mystère à mesure qu'avancent les enquêtes. On passe en douceur de nappes sourdes et entêtantes à des thèmes plus gais lorsque Victoria se retrouve au calme chez elle. Mais les musiques ne sont pas les seules à être dignes d'intérêt, le doublage français se montre d'une rare qualité, aussi bien pour les textes que pour le jeu d'acteurs. Les dialogues se veulent naturels et n'hésitent pas à user de termes grossiers et d'expressions disons... très imagées. C'est bête à dire, mais cela donne du crédit à l'intrigue. Les personnages n'y sont pas de simples stéréotypes, mais s'expriment comme le ferait n'importe qui, surtout en de pareils situations.
Avec une telle ambiance, StillLife part donc sur de très bonnes bases, reste à voir si tout cela tient la route de bout en bout. En grande partie calqué sur la série Syberia, dont il reprend le moteur, le nouveau jeu de MC2 se présente sous la forme d'un point and click classique. Sur PC, on balaie l'écran avec un curseur pour trouver objets à ramasser et personnages avec qui papoter, tandis qu'on contrôle directement les héros à la manette sur Xbox. Cette petite différence mise à part, les deux versions se ressemblent comme deux gouttes d'eau et offrent une aventure combinant aussi bien la recherche d'indices que des puzzles à résoudre. Globalement, StillLife est assez facile, ceci dit la progression est régulièrement entravée par quelques énigmes bien retorses. Si certaines méritent pas mal de réflexion, mais procurent en contrepartie une réelle satisfaction lorsqu'elles sont enfin déjouées, d'autres, par contre, semblent de trop. On se serait, par exemple, passer de la séquence dans laquelle Victoria doit cuisiner quelques biscuits pour son père à partir d'une recette vraiment peu explicite. Qu'à cela ne tienne, ce genre de passage n'est pas représentatif de la qualité globale de StillLife et on préfère en retenir l'intrigue qui, à la manière d'un bon polar, nous tient en haleine jusqu'à la fin. En attendant la suite.
- Graphismes14/20
Le design fouillé offre des lieux crédibles et inquiétants aussi bien à Chicago qu'à Prague. Les détails y sont nombreux et nous aident à apprécier l'univers de Victoria, de Gus, et de toutes les personnes qui les entourent. La modélisation et les animations des protagonistes sont un peu en dessous, même si globalement cela reste joli.
- Jouabilité14/20
Si StillLife reprend le schéma classique du Point and click, on est parfois surpris de trouver des énigmes plus proches d'un Myst-like et donc assez compliquées. On a également droit à un petit hommage au classique Indiana Jones Et La dernière Croisade avec une exploration à l'aveugle des égouts de Prague. Malheureusement, l'inventaire manque souvent de souplesse puisqu'il faut souvent s'approcher d'un endroit spécifique pour pouvoir utiliser un objet.
- Durée de vie12/20
De la même manière qu'il alterne entre Chicago et Prague, StillLife navigue entre le très simple et le plutôt difficile. La durée de vie (située en dessous de la dizaine d'heures) doit donc beaucoup aux deux ou trois puzzles bien compliqués, éparpillés au gré des sept chapitres. Notez que vous pouvez aussi participer à un jeu sur le site officiel de StillLife. Vous y apprendrez quelques informations supplémentaires sur l'univers de Victoria McPherson.
- Bande son17/20
A l'image des deux héros Victoria et Gus, les personnages ont tous un caractère bien défini et ne se gênent pas pour dire les choses qui leur passent par la tête. Matures, les dialogues collent ainsi avec le contexte "adulte" des enquêtes. Côté musique, on est gâté avec de superbes nappes qui servent réellement l'intrigue.
- Scénario16/20
Ecrit autour de deux enquêtes similaires, StillLife parvient à éviter les gros clichés du genre comme on peut en voir au cinéma. Si on connaissait déjà Gus McPherson, on est heureux de faire connaissance avec sa petite-fille, Victoria, au caractère bien trempé. Nul doute qu'on la retrouvera prochainement dans une nouvelle production...
StillLife nous fait immédiatement plonger dans un univers sombre et inquiétant grâce à une réalisation soignée et un scénario qui ne se dévoile que par petits bouts. En fait, on y joue de la même manière qu'on lit un bon polar avec des personnages qui débordent de naturel et qui deviennent alors vite attachants, avec aussi un tueur aux méthodes atroces, et une ambiance pesante jusqu'au dénouement final.