En 2065, Hong Kong n'est plus la mégalopole lumineuse et attractive qu'elle est aujourd'hui. Champ de ruines fumant et tapis de corps sans vie, cette belle cité s'est muée en un macabre théâtre d'affrontements à la violence inégalée. Développant une guerre civile latente, ce combat destiné à la sauvegarde d'une certaine liberté s'enracine dans les rues humides et glauques autant que dans les esprits. Les soldats ne sont que des pantins tombant sous le feu ennemi sans espoir de gagner la moindre parcelle de terrain. Devant cette calamité, les hommes tombés au combat vont servir de cobayes involontaires à des scientifiques cherchant à fabriquer des super soldats en leur implantant des ajouts cybernétiques. Vous êtes l'un d'entre eux, Nathan Frost, engagé depuis quatre ans dans les forces de la Coalition de la liberté et déclaré mort sur le champ de bataille.
Se déroulant dans un futur pessimiste, relayé par une ambiance cyber-punk s'exhalant tout au long de votre quête, l'aventure de Project Snowblind se fond littéralement dans un contexte éminemment prenant, dans son inhumanité et ses lueurs de désespoir. Véritable ode à la destruction de tout ce qui définit l'être humain extérieurement et matériellement, votre course inconsciente vers un dénouement qui sera de toute façon funeste, se pare d'une construction scénique approfondie, apportant une degré de fascination assez imposant. L'admiration de ces rues désertes, seulement emplies de carcasses de voitures et de flaques d'eau verdâtre plonge immédiatement dans une ambiance qui va peser sur le plaisir ludique jusqu'à la conclusion de l'histoire de Nathan. On se trouve réellement emporté par ce background S-F rappelant énormément la ville tentaculaire de Blade-Runner dans une évolution moindre évidemment, mais surtout l'atmosphère spécifique s'écoulant dans la fameuse série Deus Ex. Froide, ténébreuse, mêlant habilement aspects futuristes fort imaginatifs et réalité dure et crédible, cette dernière n'émane pas de Snowblind par hasard. En effet, au départ, ce titre aurait dû être une déclinaison sur le thème de l'univers propre au jeu de Warren Spector (Ion Storm). D'où les quelques similitudes de ton et de cadre. Néanmoins, le soft de Crystal Dynamics parvient à se détacher de son illustre mentor en changeant le point de vue du joueur. Nous ne sommes plus désormais dans une lutte solitaire, mâtinée d'enquête et pétrie de complots, mais au sein d'un conflit terrifiant et titanesque, ne demandant pas les mêmes capacités d'appréhension. Spectaculaire et volontairement cinématographique dans son traîtement, Snowblind s'apparente en fait davantage à un Killzone ou à un Medal Of Honor futuriste et urbain. Et cela jusque dans la gestion des actions scriptées et dans la mise en place de l'I.A (surtout concernant MOH).
Effectivement, tout est fait dans le titre d'Eidos pour plonger le joueur au coeur même, éreintant et épouvantable, d'un conflit confiné et inquiétant. Néanmoins, cela n'empêche pas pour autant le gigantisme, et la focalisation sur la surprise et la contemplation du joueur à grande échelle. Une "méthode opératoire" étincelante, qui a fait ses preuves maintes et maintes fois, continuant sa marche triomphale au sein du jeu qui nous intéresse aujourd'hui. La limite entre le cinéma et le divertissement vidéoludique ne tient donc plus qu'à la manette, seule témoin du statut d'acteur agissant. En effet, submergé de toute part par les explosions et les cris surgissant d'endroits inconnus et difficilement identifiables, vous ne pourrez que vivre pleinement les charges héroïques dont vous serez le participant. Sans oublier les duels face à un char d'assaut apparaissant soudainement au détour d'une étroite ruelle pour prendre votre groupe à revers, les surprenantes phases de tentative d'évasion devant le feu nourri d'un hélicoptère se postant sans crier gare en face de la fenêtre par laquelle vous guettiez un signe de vie, ou encore les traquenards organisés par les troupes de fantassins ennemies. Etre tiré de sa concentration par des fenêtres qui se brisent tout autour de soi, ou par l'arrivée fortuite d'une grenade sortie d'on ne sait quelle direction demeurent sincèrement des moments intenses de stress et d'excitation. Toutefois, ce parti-pris apporte aussi son lot de problèmes inhérents à ce dernier. Le plus commun demeure sans doute la mise en place de scripts, certes agissant pour créer un rendu filmique et un semblant de direction imprévisible des évènements, mais obligeant le joueur à revoir sans cesse des scènes analogues si tant est qu'il doive recommencer un passage soumis à ces scripts. On perd donc rapidement le principe de l'étonnement, ancré dans les évènements, pour observer une lassitude face à des méthodes d'action que l'on connaît désormais sur le bout des doigts.
Dans le même registre l'I.A souffre de quelques ratés, aboutissant à l'exposition de soldats parfois un peu limités dans leurs "réflexions". En effet, surgir devant l'un d'entre eux et attendre trois bonnes secondes avant qu'il vous tire dessus se révèle assez frustrant, tout comme la propension de ces derniers à ne pas rester cachés, ou à tirer dans un endroit où vous n'êtes plus depuis un petit bout de temps. De même, peu affolés par vos grenades, ils n'essaieront même pas de vous les renvoyer ou de se mettre à couvert. Heureusement qu'ils disposent d'une précision suffisante pour permettre de conserver un challenge correct. A propos des armes d'ailleurs, vous noterez leur grande variété, disposant toutes d'un second mode tir et pour la plupart d'une possibilité de zoom bien pratique. Entre le pistolet électrique, la carabine, qui est en fait un énorme pistolet mitrailleur pouvant lancer des grenades (erreur de traduction ?), ou encore le lance-mines en passant par le "pic à glace" autorisant les piratages informatiques, vous dénicherez forcément un style qui vous convient. D'autant qu'à part ces outils offensifs, vous disposerez de capacités physiques particulières vous conférant un grand avantage durant vos péripéties. A l'image du héros de Deus Ex, vous avez subi nombre de modifications corporelles influant sur votre perception et sur votre mobilité. Répondant à une jauge de bio-énergie, ces dernières vous fourniront par exemple une carapace électromagnétique permettant de résister aux balles (protection balistique), ou bien la capacité de vous rendre invisible aux yeux de votre opposant (camouflage), tant que la susdite jauge n'arrive pas à son terme. Mais n'ayez crainte, vous pourrez mettre votre main bionique sur des objets régénérants de façon assez régulière. Une légère originalité qui peut apporter des compléments intéressants dans l'absolu, mais qui se révèle au final trop transparente pour vraiment se fondre dans le corps du jeu. Dommage. D'autant que l'on aurait bien apprécié un renouvellement dans le cheminement assez formaté du soft. Vous n'aurez bien souvent qu'une seule manière d'arriver à vos fins, et même si vous pouvez essayer de vous la jouer furtif, ce sera par le biais de l'I.A douteuse de gardes qui regardent un de leur ami s'écrouler à dix mètres sans réagir. Un petit bémol donc, mais qui n'enlève rien au dynamisme flamboyant du titre, ne vous laissant pas un seul moment de répit, sauf durant ces moments bénis où vous pourrez pénétrer dans les circuits d'un ordinateur et de ce fait prendre le contrôle d'une tourelle ou d'un robot afin de faciliter votre tâche. Un concept mis en forme intelligemment, mais trop rare pour être totalement jouissif.
Enfin, et malheureusement, Snowblind propose une qualité graphique bien en deçà des sorties PC actuelles malgré une configuration recommandée assez lourde de conséquences pour les personnes ne possédant pas un budget conséquent dédié au jeu. Tout le monde ne dispose pas d'un processeur de 2,4 GHZ minimum et d'une carte graphique aux spécifications plus que solides. D'autant plus que cela ne servirait pas à grand chose, dans la mesure où Snowblind connaît parfois des ralentissements sur un Pentium 4 de 3,2 GHz avec 1 Go de Ram. Ahurissant ? Je ne vous le fais pas dire. Complètement injouable sur un "modeste" 2 GHz, il ne profite étonnamment pas des capacités de plus en plus étoffées des PC "modernes". Certes, le titre d'Eidos n'est pas risible graphiquement parlant, affichant des décors relativement fins et une profondeur de champ plus que correcte, mais il pèche grandement sur les textures du sol et sur l'apparence des visages, bien trop simples et cubiques pour convaincre. De plus, l'absence de reflets sur les armes et les objets fait immédiatement penser à un portage vite fait, ce que les salles de sauvegarde ne font que préciser. En effet, oubliez les enregistrements automatiques. Néanmoins, les effets d'explosions et les différentes expositions de bris de verres, de fragmentation de caisses s'avèrent surprenants de précision à la vue de l'ensemble. Il faut également noter la possibilité enivrante de détruire tout ou presque dans le décor, aboutissant à des spectacles de murs entiers s'écroulant lestement. Mais rien ne semble justifier le recours à une telle gourmandise matérielle. Au final, donc, Snowblind ne parvient pas vraiment à convaincre. Malgré de très bonnes idées, un design intéressant, et une atmosphère autant artistique que musicale prenante, le soft s'empêtre dans un potage malvenu, amenant son lot de bugs handicapants. Pas un mauvais jeu, mais bien loin de faire face à la concurrence sur PC.
- Graphismes13/20
Nécessitant un PC de furieux, Project Snowblind ne justifie pas vraiment ses exigences de grand noble, exposant un rendu général en deçà de nombreux titres datant d'un ou deux ans. Néanmoins, de par son design, son ambiance générale et la possibilité agréable d'influer sur le décor, il s'extirpe quelque peu du marasme où il aurait pu plonger. Les effets relatifs aux pouvoirs de Nathan sont on ne peut plus réussis, et contrastent donc vraiment avec des textures simplistes et des visages assez pauvres, bien qu'expressifs.
- Jouabilité15/20
Proposant de très bonnes idées quant à la gestion des différentes capacités bioniques de Frost, le titre de Crystal Dynamics ne les privilégie malheureusement pas, et laisse passer l'action pure et dure par delà des possibilités stratégiques intéressantes. S'apparentant du coup à un FPS des plus classiques, Snowblind peine à remonter la pente de l'originalité. Mais le destin joue en sa faveur avec l'instigation d'un système de piratage informatique assez sympathique permettant de prendre le contrôle de robots et autres machines offensives.
- Durée de vie14/20
Pas très long à terminer, le jeu vous réserve quand même des passages relativement ardus et nécessitera parfois plusieurs tentatives afin de comprendre les tenants et les aboutissants d'une phase particulière. En outre, vous pourrez vous mesurer à de valeureux adversaires dans un mode online proposant les classiques "Deathmatch" seul ou en équipe, CTF, ou encore Assaut Tactique, seule véritable innovation ici. Divertissant mais pas vraiment abouti.
- Bande son15/20
Les différentes compositions sonores, toujours très mélodiques sont en adéquation parfaite avec les situations rencontrées, tout comme les effets sonores, probants et crédibles, participant à une immersion instantanée. Le doublage est en revanche plus discutable tant certains personnages semblent complètement extérieurs aux évènements.
- Scénario13/20
Le contexte est vraiment intéressant, proposant un futur possible pessimiste et relativement effrayant, offrant un background asiatique changeant un peu des softs de guerre basée sur le second conflit mondial. Les personnages gravitant autour de vous sont assez nombreux, mais ils ne participeront pas forcément beaucoup à la trame somme toute assez classique. A noter une atmosphère très immersive.
Bonne surprise sur console de salon, Project Snowblind perd sur PC toute la crédibilité précédemment acquise. Victime d'un portage sauvage et vraiment mal pensé, il se noie dans des bugs et des retours sous Windows trop présents. Vecteur de très bonnes idées, d'une ambiance renversante et d'un gameplay efficace, il souffre grandement des lacunes énoncées ci-dessus, et ne permet pas au joueur de déceler son intérêt profond. D'autant que la concurrence est autrement plus rude sur PC que sur consoles.