Resident Evil 4 est une véritable poupée russe. Vous pensez savoir ce qui se trouve à l'intérieur et plus vous avancez dans la découverte, plus vous allez de surprise en surprise, les scènes chocs se multipliant à l'infinie. Avec ce titre Capcom marque un tournant dans l'histoire de la saga qui semble prendre un chemin où l'action dirige tout. On peut alors se demander légitimement si Mikami n'a pas dénaturé son bébé en le poussant jusqu'à l'extrême limite. Question difficile dont la réponse variera en fonction de la perception que vous avez de la série. Pour ma part, je pense que cette évolution s'inscrit dans une certaine logique née du caractère foncièrement nerveux de Biohazard. Mais pour l'heure, je vous invite à découvrir le "quatrième" épisode de la saga qui dénote d'une maîtrise totale et sans concession de développeurs de génie qui ont réussi avec cet opus à faire revivre une série qui semble prête à affronter le 21ième siècle en toute sérénité.
La plupart du temps, quand on désire quelque chose de toute son âme, la déception est souvent au rendez-vous. Dire que Resident Evil 4 était attendu tient de l'euphémisme tant ce titre se devait de faire renaître la saga de Capcom afin que celle-ci ne s'enlise plus dans des suites qui n'auraient eu que pour seul attrait l'aspect esthétique. La beauté, Resident Evil 4 l'a bel et bien mais c'est surtout la profondeur du titre qui fait de lui ce qu'il est : un chef-d'oeuvre. Bien sûr, je ne vous dirai pas que le quatrième épisode de Biohazard est un modèle d'originalité ou qu'il réinvente les règles de tout un pan de l'industrie vidéoludique. Pourtant ce qui fait la force de ce titre tient en premier lieu à sa construction sans failles qui vaporise à intervalles réguliers des myriades de petites idées qui mises bout à bout forment un tout étonnant, un tout détonnant. Ce qui est également intéressant est que RE 4 est gouverné par l'action et ce du début à la fin. Dès lors, comment provoquer la surprise chez le joueur qui attend malgré tout une ambiance et surtout des frissons ? Et bien c'est très simple puisque si l'émotion est toujours véhiculée par la mise en scène riche en cinématiques de qualité, elle l'est aussi par le jeu en lui-même qui devient certes plus éprouvant mais aussi plus flippant par le fait de pouvoir passer de vie à trépas en un clin d'oeil. Enorme évolution à mon sens, sachant que je n'avais jamais éprouvé un tel sentiment en jouant à un Resident Evil. Ainsi, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le surplus d'action apporte bel et bien un malaise, ou plutôt un sentiment d'insécurité qui amène une peur bien réelle.
Pourtant, toute cette agitation est véhiculée par un scénario qui représente un des rares points négatifs du soft. Attention par contre car je parle ici de l'histoire et non des cinématiques qui sont des plus somptueuses. Ainsi, le synopsis nous conte l'histoire de Leon S. Kennedy (introduit dans Resident Evil 2) qui est mandaté par le président des Etats-Unis en personne pour aller secourir sa fille Ashley, kidnappée par un groupuscule qui a trouvé refuge en Europe, en Espagne plus précisément. Si le tout fait quelque peu penser au scénario de New-York 1997, il n'en reste pas moins que le tout est peu crédible et donne quelque peu dans le déjà-vu. On pourra alors se dire que la présence de Ada (personnage qui avait noué contact avec Leon dans Resident Evil 2 également) va faire décoller le tout mais ce n'est pas vraiment le cas. En effet, dépassé le stade relationnel (aussi bien avec Leon qu'avec le joueur), Ada se veut très effacée et n'apporte pas grand chose à l'intrigue, si ce n'est de réjouissantes perspectives pour les opus futurs, mais je ne vous en dis pas plus. Que dire également de Krauser, un personnage secondaire qui n'est là que pour servir d'exutoire à Leon avec qui il a des comptes à régler. Maintenant, ce fameux Krauser a tout de même pour lui d'apporter un des combats les plus intéressants du jeu ainsi qu'une cinématique interactive totalement jouissive. Comment ça des cinématiques interactives ? Eh oui, à l'instar de MGS 3, vous devrez à certains moments appuyer sur des boutons pour effectuer des actions durant les scènes cinématiques. Ceci ira du simple mouvement d'esquive jusqu'à des attaques directes, tout ceci induisant la suite de la cinématique. Idée purement géniale, d'autant qu'elle incite le joueur à ne jamais lâcher la manette, puisque vous devrez être constamment sur le qui-vive. Enfin, si le scénario a de fortes lacunes, on ne peut nier que l'ambiance européenne apporte énormément en termes de couleurs, d'environnements ou tout simplement en termes de sensations.
La construction du jeu, elle, n'évolue pas énormément. Vous serez toujours convié à arpenter de vastes niveaux infestés d'ennemis et devrez aller d'un point A à un point B en ramassant des armes, des munitions ou plusieurs types d'objets. Rien ne change pour ainsi dire, si ce n'est que les niveaux sont désormais beaucoup plus longs et qu'il vous faudra entre 15 et 20 heures pour terminer le jeu, ce qui s'avère phénoménal pour un survival-horror. De plus, vous pourrez débloquer deux autres défis, le premier vous permettant de diriger Ada qui devra récupérer des échantillons avant de rejoindre un hélicoptère. Le tout renvoie bien entendu au mini-jeu de Hunk dans RE 2 mais se veut bien plus prenant et riche en possibilités. L'autre mode à débloquer se présente sous la forme de quatre environnements cloisonnés (dont un inédit qui doit beaucoup au film Waterworld) dans lesquels vous devrez tuer un maximum d'ennemis afin d'atteindre un certain score. Une fois atteint un rang bien précis, vous aurez la possibilité de débloquer un des quatre autres personnages disponibles, à savoir Ada, Krauser, Hunk ou Wesker ! A ce sujet, je précise que chaque personnage débloquable est rattaché à un décor bien précis que vous devrez choisir en début de partie. Notez également qu'en plus des ennemis à éliminer, vous pourrez récupérer des sabliers qui vous rajouteront de précieuses secondes. Bref, le tout est très sympathique et rajoute encore à la durée de vie du soft qui se laissera terminer plusieurs fois tant il se veut addictif.
Comme je le disais, les niveaux sont cette fois beaucoup plus vastes et il est d'autant plus intéressant de constater qu'il n'y a quasiment pas d'allers-retours, à l'inverse des autres épisodes. Bien que le cheminement soit linéaire, il est malgré tout parfaitement réglé. On peut ainsi scinder le soft en trois parties distinctes : le village, le château et enfin la base militaire. Si la dernière partie dénote un peu en termes d'influences graphiques, il est tout bonnement impossible de ne pas rester ébahi devant la qualité esthétique du jeu. On ne peut même pas dire que le jeu est truffé de moments d'anthologie puisque le jeu en lui-même est un véritable morceau d'anthologie gorgé de prouesses en tout genre. Ici aussi, on ne peut qu'être surpris, le jeu ne nous laissant aucun répit et nous abreuvant de passages dantesques au travers de combats contre des boss ahurissants ou des moments où l'action atteint un tel degré d'intensité qu'elle en devient hallucinante.
Titre aux influences variées (Le Seigneur des anneaux, Massacre A La Tronçonneuse, Assaut...), RE 4 bénéfice pourtant d'une cohérence surprenante. Tout contribue à vous exploser les rétines. Les décors par exemple sont d'une beauté sans nom, le summum de la qualité intervenant lors de votre visite dans le château médiéval qui est sidérant de détails architecturaux. Le village et la base militaire ne sont pas en reste car supportés par des effets spéciaux (météorologiques notamment) ou un bestiaire qui amorce un changement dans la continuité. Vos ennuis se matérialiseront sous la forme de villageois amorphes (mais pourtant très véloces dans leurs déplacements), des chiens génétiquement modifiés, d'insectes mutants, d'"ogres" géants, de monstres marins, j'en passe et des meilleurs. On retrouve donc l'influence des zombies ou des Hunters mais rendons grâce à Mikami qui a tout de même su renouveler le stock d'adversaires. La bande-son ne fait nullement pâle figure devant cette débauche de qualités visuelles. De compositions nuancées (en fonction de ce qui se passe à l'écran) à un échantillonnage de sons qui sont synonymes de bruitages réalistes ou angoissants, la partie sonore participe à l'immersion du joueur qui vivra plus que jamais ce qui se déroule de l'autre côté de son écran.
Le gameplay a lui aussi subi une refonte plus ou moins complète. On retrouve toujours le système de sprays ou d'herbes qu'on peut combiner pour se soigner et les objets ou clés pour résoudre les énigmes sont encore là, de même que les petits mémos qui vous en apprendront un peu plus sur le fin mot de l'histoire. En parallèle de ça, le personnage que l'on dirige est maintenant situé à gauche de l'écran et représenté à la mi-taille. Ceci permet d'avoir une meilleure visibilité pour viser les ennemis, ce qui est particulièrement important compte tenu de la gestion localisée des dégâts. Vous devrez alors privilégier les Head-shots pour en terminer rapidement ou utiliser les actions mises à votre disposition. Ces actions seront de plusieurs types et vous permettront par exemple de décocher un coup de pied pour faire valdinguer vos ennemis, de briser une vitre pour sortir d'une maison, de monter à une échelle, etc. De plus, des combinaisons de touches seront là pour éviter des attaques ennemies (idée mise en exergue lors des affrontements contre les boss), mais il faudra vous montrer très rapide pour les effectuer. Ensuite, hormis les cinématiques interactives qui se reposent aussi sur cette idée, quelques passages vous demanderont d'appuyer frénétiquement sur des touches pour courir rapidement afin d'échapper à un danger pressant. Dommage que ces scènes ne soient pas plus nombreuses mais c'est un détail, tout comme le fait qu'on ne puisse pas strafer lorsqu'on tire.
Enfin, entre autres nouveautés, vous pourrez aussi vous rendre chez un marchand ambulant pour acheter des objets, des cartes au trésor, des armes ou faire évoluer ces dernières. Tout ce marchandage se fera avec l'argent que vous pourrez récolter dans les niveaux ou en vendant ce dont vous n'avez plus besoin. A ce sujet, sachez vous séparer des objets encombrants pour faire de la place dans votre mallette qui ne peut contenir qu'un nombre bien précis d'objets qui prendront plus ou moins de cases qui constituent votre valise. Le gameplay est donc à l'image du reste et s'il comporte quelques oublis, il apporte un dynamise et un confort certain. Inutile d'épiloguer, Resident Evil 4 est un chef-d'oeuvre, un jeu qui vous retournera dans tous les sens et une étape décisive dans le domaine du survival-horror et du jeu d'action. Sidérant de qualités et définitivement culte.
- Graphismes18/20
Un des plus beaux jeux du Cube, si ce n'est le plus beau et ce malgré la présence d'énormes traces d'aliasing. Les décors, tout en 3D, sont quasiment aussi riches en détails que les décors pré-calculés des autres opus et on ne cesse de s'émerveiller devant les boss gigantesques ou la mise en scène léchée. Que dire également des effets spéciaux si ce n'est que c'est parfait, Capcom ayant semble-t-il trouvé le moyen de rendre la lumière malléable.
- Jouabilité18/20
Beaucoup d'idées provenant des autres épisodes ont refait surface mais le côté action apporte avec lui un gameplay remanié. Si Leon reste parfaitement maniable, on regrettera tout de même quelques manques notamment au niveau du strafe. Cependant, le système d'actions rapides dynamise drôlement le jeu du chat et de la souris auquel vous vous adonnerez très souvent avec vos ennemis. L'astuce qui consiste à acheter et vendre des objets chez un marchand est également bien vu.
- Durée de vie16/20
Entre 15 et 20 heures. Franchement, vous avez déjà vu ça dans un survival-horror ? Qui plus est, Resident Evil 4 est clairement le type de jeu qu'on refait plusieurs fois sans se lasser. De plus, hormis les nouveaux costumes à débloquer, deux modes bonus feront leur apparition à la fin de l'aventure. Capcom ne nous a pas trompé sur la marchandise d'autant que les allers-retours ne sont pas si nombreux que ça.
- Bande son17/20
Les bruitages sont réalistes au possible, le doublage anglais est dans le ton et les thèmes musicaux sont parfaitement adaptés aux situations. D'ailleurs, l'ambiance musicale est très élaborée dans le sens où les musiques laissent souvent la place à de longues plages de silence, quand le besoin s'en fait sentir. En découle une atmosphère sonore limpide qui doit autant à des partitions nerveuses qu'à des morceaux plus ténébreux.
- Scénario12/20
On ne peut nier que les cinématiques sont superbement mises en scène mais l'histoire en elle-même laisse un goût amer dans la bouche. Ada n'est pas exploitée au maximum, Krauser et plusieurs seconds-couteaux sont uniquement là pour apporter un surplus d'action et au final si le jeu profite d'une ambiance européenne, l'architecture scénaristique est quasiment identique à tous les autres Resident Evil, compte à rebours final compris. Pour ma part, je vois davantage le scénario de RE 4 en tant qu'amorce pour un futur épisode qui devra être à la hauteur de ce que laisse suggérer la fin du jeu.
Resident Evil 4 est une oeuvre fragile qu'il convient de manier avec une extrême précaution. Joyau intarissable ne cessant de dévoiler des surprises toujours plus incroyables aux joueurs, le titre de Capcom est un hommage au plaisir vidéoludique né d'un graphisme et d'un gameplay frôlant la perfection. Tout contribue à ce que vous ne passiez pas à côté de ce jeu, qui non content d'apporter un vent de fraîcheur sur la série réussit son pari d'innover en conservant une certaine logique tournée vers l'action. Un monument d'intensité et de plaisir continu, rendons grâce à Mikami Shinji...