Le billard est un petit peu le symbole de la fuite salutaire. Imaginez-vous entre amis dans un bar animé, observant du coin de l'oeil divers verres encore humides du liquide présent il y a encore deux minutes. Soudain la discussion démarre sans crier gare et les esprits s'éveillent, cherchent à saisir les moindres bribes de conversation. Une situation éphémère qui se solde sous peu par un silence gêné et des toussotements, voire des bâillements. C'est alors le moment idéal de lâcher un sympathique : "Ca vous dit un billard ?". Et à cet instant la joie renaît, les personnes se détendent et le cours de la soirée reprend ses droits. Des rires, des insultes, des petits pics énervants se succèdent jusqu'à la victoire ou la défaite. Néanmoins la pièce de deux euros laissée en vue sur le côté du billard ne laisse pas de doute, ce divertissement ne fait que commencer. Et sur Xbox, est-ce bien différent ?
Et bien en un sens pas vraiment. Effectivement, les titres axés sur cette discipline spécifique demeurent l'une des catégories les plus frustrantes du domaine vidéoludique. Assez austères dans leur ensemble et difficiles d'accès, les jeux de "snooker", pour faire classe, permettent de créer un pont entre la réalité et le virtuel assez probant. Ne misant pas sur le spectacle ni sur les effets spéciaux, ces derniers vous donnent l'occasion d'être aussi mauvais dans un monde fantasmé que dans le cruel univers matériel. On ne trouve donc pas cette joie passagère que peut représenter une reprise de volée acrobatique dans PES 4, ni la montée d'adrénaline d'un virage pris à 200 km/h dans GT4 au volant d'une Viper. On touche là à une impuissance aussi grande que dans un bistrot enfumé un samedi soir vers minuit. Mais ce n'est pas cet aspect qui va porter préjudice au dernier titre de Sega. Axé sur la simulation, ce dernier tente en effet de se rapprocher le plus possible de la réalité tangible en exposant un enrobage fait d'une sobriété parfois un peu trop clinique. On voyage ici dans un univers respectueux et confiné, où les joueurs portent un petit col blanc et le pantalon de Tintin. Style vestimentaire dont vous devrez d'ailleurs choisir les différentes teintes lors de l'engagement du jeu, au moment de la création de votre avatar. Un passage obligé qui vous donnera déjà une légère idée de l'ambiance générale du soft. Une fois prêt au combat, vous aboutirez sur le menu principal offrant un choix assez conséquent.
Défilent alors devant vous les modes Exhibition, The Tour, Champion's Trophy et Trickshots appartenant à la catégorie générale nommée Snooker. Une belle brochette assez énigmatique mais proposant une richesse assez conséquente. Le premier mode, comme son nom l'indique vous donne accès à une partie classique, seul contre un glorieux larron, dirigé par l'ordinateur ou par l'un de vos amis qui en a assez de payer les parties le samedi soir. Le second quant à lui s'apparente à une sorte de tournoi dans lequel vous devrez passer des qualifications, indispensables à votre entrée au sein des différents matches. Champion's Trophy vous met lui dans la situation d'un championnat classique, tandis que le surprenant et véritablement prenant Trickshots, vous place face à des petites épreuves axées sur la précision et la réflexion. Tenant un tantinet du billard artistique, ces dernières vous demanderont par exemple de faire rentrer telle boule en un nombre limité de bandes, ou encore d'adjoindre un effet à votre coup dans le but de contourner un obstacle. Fonctionnant sur le principe du challenge sans cesse renouvelé et contenant un côté ludique supplémentaire, ce mode apparaît clairement comme l'un des plus intéressants. Et si l'envie vous prenait d'affiner vos compétences, vous pouvez également vous plonger au creux du mode "Coaching" destiné à vous enseigner les rudiments du snooker. Pas très didactique et assez obscur, ce dernier demeure peu enclin à vous apprendre tout simplement les bases. Il s'agit plus d'un mémo que d'un véritable tutorial. De plus, et en sus du choix général "Snooker", vous aurez le pouvoir d'expérimenter le mode "Extra Games", regroupant l'ensemble des variations sur le thème du billard, dont l'apport du double, autorisant la présence de quatre joueurs. Une exhaustivité de très bon aloi qui suit une réalisation graphique convaincante, non pas au niveau de l'animation des personnages et des décors, relativement cubiques et peu détaillés, mais de la modélisation des boules et de leur physique.
Brillant de tous leurs feux, ces dernières épousent de bien belle manière les diverses sources lumineuses, et accèdent pratiquement à un sentiment de photo-réalisme. Toutefois, le plus étonnant demeure la gestion de la trajectoire et des réactions entre chacune d'entre elles. Précis et réaliste, le moteur permettant de définir les agissements des boules présentes oblige à calculer sérieusement chacun de ses coups, le hasard n'ayant pas sa place ici. On se retrouve de fait face à un gameplay qui sans être intuitif, s'avère suffisamment simple d'accès et permissif pour que l'on prenne ses marques en douceur sans toutefois expérimenter de lassitude rapidement. Gérer un effet, changer l'angle de caméra pour mieux apprécier la distance, visualiser les courbes et les destinations s'exécutent avec une facilité louable. Pourtant il demeure un écueil assez imposant se situant dans le changement de cible. Effectivement, dans les modes mettant en scène le principe de jeu "Snooker", où il vous est offert la possibilité d'axer votre coup sur chaque boule, il est clairement problématique de choisir sa proie justement. En effet, il vous incombe de naviguer avec le stick gauche au sein de l'amas de boules dans le but avoué de cibler celle qui vous servira à progresser dans votre jeu. Le problème étant que l'on ne sait jamais vraiment où se place la visée, à cause principalement de l'absence de curseur. Et si vous pensez qu'une vue aérienne pallie à cette lacune, vous déchanterez bien vite en vous battant contre le joystick, trop sensible, et ne permettant pas de réellement se positionner. Cela n'empêche pas de jouer lors de parties dégagées, mais dès que se forme un groupe, vous pouvez dire adieu à la stratégie.
Au final donc, et malgré le problème assez handicapant évoqué ci-dessus, World Snooker Championship 2005 apparaît comme un jeu de billard très équilibré, jonglant habilement entre accessibilité et simulation. Aboutissant de ce fait à un plaisir de jeu assez rapide laissant entrevoir une évolution, le soft de Sega se place en l'état comme le meilleur représentant du genre sur Xbox. Complet, assez convaincant graphiquement parlant et résolument orienté vers le online, celui-ci va peut-être augmenter le nombre d'amateurs de billard virtuel, à défaut de rameuter les spécialistes de l'éjection de boules du samedi soir. Espérons simplement que les quelques défauts seront réglés d'ici la sortie prévue pour mi-avril.