Le monde de la simulation est un univers souvent difficile à appréhender de par sa définition même. Proposant une approche technique, extrêmement précise, et réservée à une sorte d'élite possédant les compétences d'une certaine compréhension des divers rouages. De ce fait, les personnes ne parvenant pas à assimiler le code spécifique ou n'arrivant pas à pénétrer dans ce domaine réservé ressentent une frustration notable aboutissant au dégoût profond. Mais d'un autre point de vue, celui des individus maîtrisant leur sujet, il s'agit là de l'évocation la plus proche d'une réalité qu'ils recherchent désespérément, ne pouvant pas l'obtenir dans la vie matérielle. Ils se trouveront donc devant une incarnation de leurs songes. Un constant qui ne nous avance pour l'instant pas vraiment.
Dès les premières heures passées à essayer de domestiquer des véhicules motorisés à la puissance titanesque, dans le souci majeur d'éviter une valse de tête-à-queue étourdissante, on aboutit immédiatement à une comparaison évidente : nous ne sommes pas devant la suite de Ridge Racers. Plus proche de Flight Simulator que de Gran Tursimo, GTR implique le pilote chevronné que vous êtes au sein d'un environnement d'un réalisme constant. En effet, un simple détour par les menus de réglages des nombreuses montures présentes vous donnera l'impression de contempler une montagne numérale effrayante. Soutenue par des courbes et des graphiques peu compréhensibles pour le non-initié, cette dernière parvient rapidement à ensevelir le joueur sous un tas informe de calculs et d'interdépendances chiffrées. Face à un tel mur abstrait, il n'est pas impossible que vous soyez dérouté, étonné, voire passionné suivant votre affinité avec les domaines de la course automobile et de la mécanique. S'offrira alors à vous un univers de méticulosité maladive et un gigantesque champ de possibilités diverses et variées. De la gestion de la pression des pneus au nombre de litres d'essence que vous désirez emporter durant l'épreuve, jusqu'à la définition de la portance, l'oeil avisé saura aisément se fondre dans ces propositions fascinantes tant certaines sont obscures et semblent étrangères à notre langue. Une complexité plus que notable donc, qui vous demandera de longues recherches avant d'être capable d'optimiser au mieux votre bolide. Fort heureusement, des pré-réglages existent suivant le circuit et le modèle de voiture mis en cause. Un ajout intéressant pour les simples amateurs, mais qui ne demeure pas assez explicite pour se détacher de l'élitisme général. D'autant que les réglages que vous aurez effectués ne pourront bien évidemment pas s'appliquer à n'importe quelle situation, et vous devrez repenser vos marques à chaque occurrence d'une piste ou d'un contexte climatique précis. Un ensemble terriblement tentaculaire et réaliste donc, qui renvoie facilement à l'inutilité indispensable d'un jeu de management de football par exemple. Chaque détail est pensé dans ses moindres détails et ne se trouve pas là par hasard, malgré ce que l'on en déduit.
Dans le même ordre d'idées et suivant cette ode à la simulation pure et dure, la prise en main des créatures mécaniques de GTR vous demandera une patience et un courage dignes des plus grands héros grecs de l'Illiade et de l'Odyssée. Confrontés à des véhicules tatillons et particulièrement sensibles à la moindre injonctions de votre part, il vous incombera de vous servir avant tout de l'entraînement et d'un apprentissage intense et régulier. Sans cela vous n'arriverez jamais à remporter un championnat, ni bien sûr à terminer ne serait-ce qu'une seule course. On pourrait alors se dire que le plaisir se défausse bien vite, mais ce serait masquer l'aspect totalement addictif de la réussite bienheureuse d'une conduite fluide et sereine. En effet, une fois habitué à l'habituel passage de vitesses lié aux virages et à l'utilisation de l'accélération en sortie de courbe, vous commencerez à entrevoir les possibilités de prises de risque et surtout le cheminement nécessaire à une attaque en règle. Il est effectivement important et nécessaire de mettre en place un équilibre relativement fin entre attente et surgissement afin de ne pas se conduire à sa propre perte à cause d'un sursaut d'orgueil. Il est impératif de retenir sa fougue jusqu'à une ouverture. Une difficulté sublimée par les réflexes des autres pilotes qui ont vraiment tendance à obstruer les seules voies possibles. On touche d'ailleurs là à l'un des principaux problèmes du jeu, à savoir une gestion de l'I.A relativement étrange.
En fait, dans la plupart des cas, vos concurrents directs tenteront habilement de vous faire mordre le bas-côté sans violence, ou se placeront devant vous pour réduire votre champ de vision tout en vous empêchant de les dépasser aisément. Des réactions "naturelles" donc, dont vous pouvez d'ailleurs définir la tendance générale, mais qui s'avèrent concrètement bizarres face à quelques circonstances. Par exemple, à la suite d'une glissade improvisée provoquant un retournement de votre monture pourtant éloignée du peloton, il arrivera étonnamment souvent que ce dernier fonce sur vous sans même essayer de vous éviter. Et ce n'est là qu'une des errances que l'on remarque au gré des courses. Un point décevant donc pour une simulation fort pointue, même s'il est vrai qu'il reste agréable de ne pas contempler des files de voitures irréelles comme dans Gran Turismo 3. Un certain déséquilibre donc, qui rejoint du coup la réalisation graphique générale du soft, qui sans être désavantageuse, ne démontre pas véritablement les capacités que l'on pourrait attendre d'un titre récent.
Effectivement, et ce même en choisissant les plus hautes possibilités graphiques dans le menu correspondant, il apparaît clairement que les environnements naturels et urbains souffrent d'une certaine inconstance. D'un circuit à l'autre, vous pourrez noter des variations indubitables concernant la qualité et le niveau de détail des diverses textures, oscillant entre une finesse confondante et une grossièreté de ce fait incompréhensible. Les arbres par exemple s'avèrent véritablement bien définis, amples et crédibles, tout comme les renforcements le long de la piste affichant un effet d'usure impressionnant, alors que le revêtement "herbeux" plat et baveux, ne parvient pas à convaincre, tout comme les piteux bâtiments manquant de polygones. Un ensemble donc correct tout en étant surprenant à bien des égards, ce qui n'est pas le cas de la mise en forme des voitures, comprenant une carrosserie et un moteur physique étincelant. Il est toujours captivant d'admirer les reflets des alentours sur un métal lisse et dénués des habituelles arêtes saillantes que l'on peut voir dans d'autres productions moins léchées, et de contempler la gestion souple des amortisseurs ou encore le balancement réaliste du châssis dans les courbes serrées. Et il faut dire que de ce côté-là, GTR se comporte on ne peut mieux. Ambitieux, exhaustif et réellement prenant une fois le joueur ancré dans un gameplay élitiste et immersif à la fois, le soft de Simbin apparaît comme la meilleure simulation de course automobile sur PC, du moins en ce qui concerne l'asphalte. Munissez-vous d'un volant à retour de force et d'un pédalier, et je vous promets que vous vous imaginerez immédiatement dans le contexte sportif dont vous rêvez.
Néanmoins, et après ces louanges justifiées, il est tout de même important de se poser une question. GTR est-il adapté à une commercialisation en tant que divertissement à la portée de tout un chacun ? A la vue de sa difficulté quasiment insurmontable et de son élitisme étouffant, il s'avère que la réponse tirera vers le négatif pour bien des joueurs sans aucun doute. Soit il est vrai qu'un mode arcade existe, mais son absence de challenge le condamne à ne jamais apercevoir la surface. La personne lambda qui se retrouvera donc face à GTR subira de plein fouet l'excès de méticulosité de ce dernier, et n'acceptera pas l'approche un tantinet dédaigneuse d'un soft ô combien frustrant et par la même assez inaccessible. Tant de technicité, d'un parti-pris quasi-professionnel nuit énormément à l'apparence, sur laquelle s'arrêtera la majeure partie du public, voire même des fans. Y a-t-il une limite à la désignation de jeu vidéo devant une telle omniprésence de réalisme austère ? La réponse demeure subjective, et ne jouera donc pas sur la note finale d'un titre qui est objectivement de grande qualité. Réfléchissez bien avant d'en faire l'acquisition, et essayez-le par le biais de démos. Au risque d'être déçu.
- Graphismes15/20
Les divers environnements jalonnant le soft, sans être complètement convaincants, demeurent suffisamment travaillés pour ne pas rebuter la progression au travers de plusieurs dizaines de pistes différentes. Au volant de bolides dotés d'une qualité graphique indubitable et réaliste, vous prendrez plaisir à naviguer entre les trois vues disponibles, qui sont pour une fois à des hauteurs idéales. A noter enfin des conditions météorologiques très bien rendues.
- Jouabilité16/20
Ode à la simulation, GTR donne accès au joueur à un ensemble de réglages effarant. Du niveau d'huile à la répartition des vitesses, en passant par l'abaissement du châssis, le titre de Simbin expose une exhaustivité jamais vue, doublée d'une approche technique et précise de la conduite en elle-même. Il vous faudra gérer avec intelligence la reprise d'adhérence, la gestion du sous-virage et de son opposé, afin de vous insérer entre des adversaires sans pitié. Une vraie leçon de pilotage donc, dont la force ne vous laissera pas de marbre.
- Durée de vie14/20
Le niveau de difficulté étant ce qu'il est, vous aurez du mal à terminer ne serait-ce qu'un championnat avant cinq ou six heures de jeu, voire vraiment davantage. De ce fait le jeu s'assure une bonne durée de vie, mais pas de la meilleure manière qui soit. En effet, les joueurs déchanteront rapidement si leur progression stagne longuement. Toutefois, les multiples possibilités du soft les pousseront peut-être à poursuivre.
- Bande son16/20
Les sonorités relatives aux divers moteurs s'avèrent fidèles à la réalité et sonnent agréablement, dans des graves profonds et prenants. L'ambiance se pose immédiatement, et l'on s'intègre dans la course fort rapidement. Si les compositions musicales, rares et peu renouvelées pourront vous lasser, l'atmosphère sonore générale est véritablement étourdissante.
- Scénario/
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GTR se pose comme la meilleure simulation de course automobile sur asphalte sur PC, et de loin. Précis, méticuleux et élitiste, le dernier né de l'esprit des développeurs de 10tacle Studios s'apparente à un simulateur pur et dur, n'offrant aucune alternative aux néophytes du domaine. Rageur et difficile à dompter, GTR se présente donc comme une oeuvre complexe, exhaustive et surprenante. Mais cette puissance confinée ne se confira qu'aux plus acharnés. A vos risques et périls du coup.