Les créateurs de la série Schizm ont décidément l'esprit bien torturé. Après nous avoir dissout les méninges à deux reprises, les voilà qui reviennent avec une toute nouvelle aventure tout aussi merveilleuse mais peut-être plus accessible. Bienvenue dans l'Antre de la Dormeuse, bienvenue dans Sentinel.
Et voilà, je ne suis qu'à la première ligne de mon texte et je me trouve déjà embêté. Je ne suis pas en train de subir le syndrome de la page blanche, ou quoi que ce soit dans ce genre. Je suis simplement embêté par Sentinel, ne sachant pas réellement comment aborder l'article et comment parler de lui. D'une part, j'ai réellement adoré la teneur de ses énigmes, de même que l'évolution de son personnage principal, l'ensorcelante dormeuse ; mais d'un autre côté, le jeu m'a tout même crashé plusieurs fois entre les pattes. Trois reboot en moins de deux heures, ca fait quand même beaucoup. Voilà, vous savez pourquoi je suis si embêté et partagé sur mon sentiment face à Sentinel. Il va falloir que je vous dise tout le bien que je pense du jeu tout en vous mettant en garde contre ses lacunes. Une tâche pas si facile, croyez-moi !
Dans Sentinel, on joue le rôle de Beni, un homme qui aime passer ses journées à piller les tombeaux d'une ancienne civilisation, les Tastan. Il le dit lui-même, ce n'est pas pour voler qu'il fait ça, mais pour le simple plaisir de découvrir des objets et des technologies oubliés de tous. Beni a déjà visité de nombreuses tombes, mais il s'est toujours refusé à pénétrer dans la Tombe 35, abri de la dépouille de celle qu'on surnomme La Dormeuse. Aujourd'hui, il n'a pas le choix, il va devoir explorer la Tombe 35, la vie de sa soeur en dépend. Elle est retenue captive par Doba, un parrain du crime qui compte bien s'enrichir avec tout ce que vous lui rapporterez de l'antre de la dormeuse. Je vous l'accorde, le point de départ de Sentinel n'est pas palpitant. Pas plus que la petite séquence d'introduction où les personnages bougent comme des marionnettes manipulées par des manchots. Bon, rien de grave non plus, ce n'est pas ça qui va nous décourager de pénétrer dans le tombeau et de découvrir tous les secrets qu'il renferme. De plus, puisque vous serez généralement seul dans l'aventure, vous aurez largement le temps d'oublier la piètre modélisation des personnages pour vous concentrer sur les mystères et les énigmes qui vous attendent.
Dire que vous serez seul n'est pas totalement vrai puisque vous serez confronté au système de défense de la tombe, une sentinelle issue d'une ancienne technologie. Cette sentinelle prend les traits d'une jolie jeune femme, plus précisément de la Dormeuse elle-même. En faisant des apparitions régulières au cours de votre exploration, la Dormeuse ne semble pas aggressive, elle paraît même plutôt douce. Ses interventions sont autant d'occasions de parler avec elle, de l'écouter, de tenter de percer ses secrets, mais aussi de se méfier des belles paroles. Car la demoiselle est manipulatrice. Tour à tour douce puis extrêmement froide, on ne sait jamais réellement quelles sont les intentions de la Dormeuse. Parfois, on la voit dépassée par nos progrès, parfois c'est l'inverse, on se sent comme un pantin qui obéit docilement à ce qu'on lui demande de faire. Comme si tout était prévu à l'avance, et que nos pas suivaient un cheminement décidé de longue date. La Dormeuse, ses apparitions, son d'ambiguïté, sont autant d'atouts de Sentinel. Sans elle, le jeu perdrait de son intérêt. C'est elle qui sert de pièce maîtresse à l'ensemble et de lien entre les mondes visités.
Vous vous doutez bien que votre périple ne se limitera pas à l'enceinte de la Tombe 35. Rapidement, vous allez découvrir des téléporteurs qui vous donneront accès à plusieurs mondes, un peu à la manière de Myst, en fait. A la différence de celui-ci, les mondes à explorer sont assez petits, souvent articulés autour d'une seule grosse énigme à déjouer. Une fois le casse-tête résolu, on sort du niveau pour aller en visiter un autre. Il y a comme ça sept univers à découvrir, plus un huitième composé par la Tombe 35 elle-même. La durée de vie n'est donc pas énorme, c'est vrai puisqu'il suffit de comprendre le mécanisme d'un monde pour en venir à bout. Cela dit, la découverte de la logique cachée derrière chaque énigme n'est pas si évidente à trouver. Globalement plus facile que la série Schizm, Sentinel comporte tout de même son lot de passages bien prises de tête pour lesquels la feuille de papier et le crayon papier seront vos meilleurs alliés. On se rend bien compte que la solution n'est jamais loin, mais il reste à la trouver et je peux vous assurer que lorsqu'on la tient enfin, la satisfaction est au rendez-vous, comme toujours dans ce type de jeux de réflexion. Donc sur le fond, Sentinel est un super jeu qui remplit parfaitement son contrat en proposant un bon panel d'énigmes faisant tantôt appel à l'observation, tantôt à la musique, parfois même aux mathématiques mais rarement à la chance.
Sur la forme, je reste moins emballé par le titre. Déjà, je vous rappelle qu'il m'a plusieurs fois planté à la face sans crier gare, m'obligeant à recommencer les mêmes passages et à sauvegarder très fréquemment, chose assez rare pour un jeu dit d'aventure. Techniquement, ce n'est pas exceptionnel non plus. Le design est travaillé, mais le moteur graphique utilisé (le même que celui de No One Lives Forever, et donc de Schizm 2) commence un peu à dater. Les environnements sont vides, il manque de petits détails capables de leur donner vie. Comme dans Schizm 2, tout se passe à la première personne et peut aussi bien se manier au clavier qu'à la souris. Tout est fait pour que les contrôles soient aussi aisés que possible. C'est sûr que la prise en main est facile et que n'importe quel joueur, habitué ou pas de la vue à la première personne, trouve ses marques rapidement. Reste que Sentinel est assez instable, qu'il occasionne des reboots intempestifs et qu'il est rageant de voir un titre vendu tel quel dans le commerce. Peut-être qu'un patch viendra prochainement régler le problème. Si c'est le cas, on aura alors un très bon jeu de réflexion proposant un défi à la fois stimulant et accessible.
- Graphismes13/20
Le moteur Jupiter qui avait servi pour Schizm 2 est réutilisé avec peut-être plus d'efficacité ici. Cependant, ce dernier commence à vieillir, donnant souvent une pointe d'inachevé à quelques environnements. Cela n'enlève rien au design très léché des différents mondes à visiter.
- Jouabilité16/20
Comme pour Schizm 2, on peut choisir d'utiliser le clavier ou la souris pour se déplacer. Le mulot reste cela dit le compagnon indispensable pour résoudre les différentes énigmes (bien pensées) qui parsèment l'univers.
- Durée de vie13/20
Le défi est relevé, mais pas insurmontable. Il suffit souvent de se poser et de réfléchir à la façon de faire pour entrevoir le début de la solution à chaque challenge intellectuel qu'on nous propose. Dommage qu'il n'y ait pas plus de mondes à explorer...
- Bande son14/20
Les musiques sont aussi intrigantes que la Dormeuse. Les thèmes sont discrets mais inspirés, toujours propices à la réflexion. Le doublage français est lui aussi réussi. Sans en faire des tonnes, les personnages parviennent à faire passer quelques sentiments.
- Scénario15/20
L'histoire ne connaît pas de réels retournements de situations, mais le personnage de la Dormeuse intrigue. On a envie de savoir ce qu'elle cache et les raisons qui la poussent à se montrer parfois amicale, parfois détestable.
Sentinel : Dans L'Antre De La Dormeuse est sans nul doute un bon jeu basé sur une série de défis intellectuels de haute volée. Malheureusement, le titre est gâché par un gros bug faisant carrément rebooter le PC. Tant qu'aucun patch ne viendra corriger ce problème, on aura un peu de mal à apprécier l'aventure à sa juste valeur.