La mer s'écrase lentement sur les côtes, calme et silencieuse, elle brasse pourtant la mort. Ces corps sans vie affluant et s'éloignant au gré de la douce volonté des vagues, éclairés par la lueur d'une cité en proie aux flammes. Avec la paix récemment déclarée, personne ne s'attendait à revoir ces scènes macabres sur le territoire national. Mais les alliés d'autrefois sont devenus en peu de temps la menace la plus pernicieuse que le pays ait eu à appréhender. Supérieures en nombre et en technologie leurs forces armées ne nous laissent qu'un seul et unique choix, subir. Petit à petit les bataillons s'amenuisent jusqu'à définitivement disparaître sous le sable. Pourquoi ?
Voilà comment pourraient se résumer les prémices de ce nouveau volet d'une des séries fétiches de Namco, à savoir Ace Combat. Débutée sur PSone, cette saga mettant en scène le monde virevoltant de l'aviation militaire a réellement connu un renouveau dans son principe avec l'apparition du troisième volet, graphiquement révolutionnaire pour l'époque et poussant encore davantage l'interaction entre une trame scénarisée intelligemment et un gameplay instinctif. Malheureusement, et sans aucune raison valable, nous avons été douloureusement privés de cette facette indispensable du titre sous nos latitudes. Toujours aussi fascinant d'immersion ludique, il apparut de ce fait en une demi-teinte dommageable. Une légère remise en cause fut amorcée avec l'accès au quatrième épisode, paru en février 2002, qui, bien que se contentant du minimum syndical, participa à un certain renouveau. En effet, on retrouvait un scénario, certes mal construit mais assez prenant, et surtout l'on découvrait avec exaltation les capacités cachées d'une PS2 au sommet de sa forme. Pourrait-on alors s'exclamer que le soft qui nous intéresse aujourd'hui a tenu compte des lacunes passées de ses semblables et s'est empressé de les reléguer dans les affres des mauvais souvenirs ? Et bien pour l'instant on dirait que oui.
Effectivement, et ce dès la plongée dans le mode Campagne, équivalent pompeux d'un mode Histoire, on est immédiatement happé par l'ambiance et le propos sombre du narrateur. Fasciné par la scène d'introduction plaçant habilement le propos sans fioritures et conférant qui plus est un côté éminemment cinématographique, on ne peut s'empêcher de désirer ardemment se laisser prendre dans les flux charmeurs de la scénarisation développée du soft. Loin des clichés se répandant dans le domaine des productions intégrant une trame pour le plaisir de l'afficher sur la jaquette comme une donnée forcément méritoire, Ace Combat 5 se base essentiellement sur son background en réussissant avec succès à mettre en place un contexte crédible et mature, soutenu par la similitude évidente de la structure politique avec celle de notre monde sans pixels. Un ajout supplémentaire donc dans un souci louable d'accrocher le joueur et de lui faire partager le quotidien d'un escadron de pilotes chevronnés aux psychologies diverses et s'adaptant aux situations rencontrées, en suivant bien évidemment la trame. Nous ne sommes pas dans un RPG non plus. Néanmoins, chacun de vos coéquipiers creuse de plus en plus sa place à vos côtés, jusqu'à devenir attachant et provoquer un intérêt émotionnel constant. Après quelques heures de jeu, vous ferez réellement attention à vos alliés, chercherez à les défendre et serez tout simplement heureux de les revoir en vie après un briefing en bonne et due forme.
D'autre part, et toujours dans le domaine de l'immersion nécessaire, les combats aériens disposent d'une véritable "vie", dynamique et dramatique. Confiné dans le cockpit de votre carcan de métal défiant la vitesse du son, vous raisonnez au gré des discussions entre les individus qui vous entourent. Impliqué dans ces dernières par des questions auxquelles vous devrez répondre en vol et qui définiront l'approche du conflit, il vous arrivera parfois de ne pas prendre en compte des dizaines de remarques s'étalant sur votre concentration, tant les dialogues s'avèrent nombreux. Vous n'aurez pas un instant de répit. Alerté par les cris de désespoir d'un navire à protéger, vous vous apercevez soudainement qu'un de vos compagnons vous signale un missile relativement dangereux, suivi par une recommandation émanant de votre base concernant l'évolution de la bataille. Il ne faut de ce fait que peu de temps avant d'être totalement introduit dans cette guerre virtuelle provoquant une détresse excitante de tous les instants. Pour vous dire, je ne me suis même pas aperçu du temps passé à jouer. Passionnant.
Un adjectif d'ailleurs qui pourrait également s'appliquer à la prise en main du soft, confondante de simplicité et de plaisir entremêlé. Typiquement et définitivement arcade, le gameplay particulier inhérent à l'entière série des Ace Combat, est l'un de ceux qui, au travers de nombreux autres divertissements vidéoludiques soutenant le même point de vue, vous donne immédiatement l'impression d'être né pour piloter. Toutefois, il ne faut pas faire l'erreur d'en conclure par là qu'il perd tout son charme rapidement. Bien au contraire, il demeure évolutif tout en étant accessible. En fait, très permissif au niveau de la résistance à l'air et des virages brusques, le titre vous donne néanmoins accès à des figures qu'il faudra un minimum maîtriser avant de se décider à les utiliser. Par exemple, si vous poussez vraiment votre engin supersonique dans ses derniers retranchements lors d'une poursuite que vous pensez déjà acquise à votre cause, il ne sera pas rare que vous décrochiez, avant de vous écraser lamentablement. De même, il en va de votre survie de bien surveiller votre radar, vous évitant de ce fait les nombreuses collisions possibles avec des avions en perdition ou tout simplement à l'allure moindre que la vôtre. Pour finir, et par la même ajouter un tantinet de challenge dans votre conduite, des phases de décollage et d'atterrissage sont présentes, durant lesquelles votre seule réactivité ne suffira pas. On aboutit donc à des "dogfights" impressionnants, vifs, et par dessus tout férocement addictifs.
Si vous avez été charmé par la jouabilité, nul doute que votre dévolu se jettera ensuite sur la réalisation graphique de grande qualité s'étalant tout au long du titre. Présentant des environnements sublimes et détaillés à haute altitude, Ace Combat 5 se paye le luxe de proposer une définition sincèrement correcte même près du sol. Exit les tas de textures baveux, on retrouve désormais un réalisme bien plus poussé, et une volonté de "relief" accrue. Soit, nous sommes encore loin de la finesse désarmante que l'on peut appréhender sur PC au sein des simulations aériennes, mais la PS2 fournit un travail digne de louanges, et qui s'expose de fort belle manière pour une version preview. Dans une optique semblable, les divers engins que vous aurez à piloter, après les avoir achetés dans une boutique spécifique en les échangeant contre la rétribution versée à la fin de chaque mission, rivalisent de beauté dans leur modélisation, et donnent l'étendue de leur finition durant les rediffusions accessibles à la suite d'une tâche réussie. Soumis de façon réaliste aux aléas de la lumière se diffusant sur leur fuselage, les avions basés pour la plupart sur des modèles originaux, dépassent en terme graphique ceux présents dans l'opus numéro quatre. Surprenant.
Au final, donc, et suite à ce premier regard, Ace Combat 5 se montre très prometteur et donnera aux adeptes de sensations fortes et de voltiges inconscients une raison supplémentaire de suivre cette célèbre série une nouvelle fois. Mais attendons la version finale pour se fixer un avis définitif. Vous comprendrez maintenant aisément ce que veut dire "Fox" dans le langage spécifique de l'aviation militaire.