Cette odeur de cuir ammoniaqué, ce silence simplement brisé par les froissements grinçants de cette enveloppe. Soudain le noir. Ses yeux s'habituent lentement à cette pénombre illogique et devinent une longue couture. Son esprit n'effectue pas immédiatement les relations logiques menant à une réalité qu'il aurait préféré ignorer. Agrippant les deux bords de cette espèce de fermeture crénelée, il parvient, meurtri par les frottements incessants d'une matière abrasive, à ouvrir une brèche dans ce cercueil. Les murs luisants et éclairés d'une pâle lumière se substituent aux ténèbres angoissantes. D'autres que vous lui sont étendus là, sans vie. Pourquoi est-il encore conscient ? Et surtout pourquoi ici ?
Titre d'aventure à vocation horrifique, Midnight Nowhere impose comme postulat de départ une situation scénaristique prenante et originale. Vous réveillant au fin fond d'un complexe médical, au sein de la morgue plus précisément, sans aucun indice de lieu, de temps, ou simplement de justification, vous réalisez dans un moment de lucidité que vous êtes également et désespérément seul. La trame joue donc entièrement, et intelligemment sur la présence nauséeuse de l'absence justement. Vos réflexions flottent dans un vide effrayant où seuls les cadavres témoignent de traces humaines antérieures. Isolé, quasiment coupable de vivre, frappé avec toute la violence malsaine d'un mur d'incompréhension aux accents cadavériques, votre première et unique envie se résume à la fuite. Sortir de ce lieu, même sans en comprendre la fonction ou la cause de votre détention. S'éloigner. Malheureusement pour vous, les murs ne semblent pas décider à partager votre désir d'évasion. En effet les stigmates de faits cataclysmiques condamnent portes, fenêtres et bien entendu moyen de transport internes. Confronté à des couloirs décrépis, suintant une vétusté aggravée par le sang n'innocentes victimes, il va vous falloir résister psychologiquement et physiquement à un environnement pétri d'intentions nauséabondes. Néanmoins, ici, pas de courses-poursuites accompagnées de zombies, pas de sauvetage en hélicoptère, et pas de mitraillettes cachées sous un pan de votre manteau. Votre salut, si tant est qu'il soit fondé, ne reposera que sur votre habileté à utiliser votre cohérence, et vos capacités d'association. Ne pensez pas dénicher directement un fusible par exemple lorsque vous devrez en changer, ni découvrir des piles simplement en cherchant dans un tiroir. Il vous incombe de vous servir de tout ce que vous pourrez dénicher dans l'espoir d'en retirer une satisfaction matérielle. Toutefois, cet aspect fait face à un cruel paradoxe.
Imaginez-vous, pris dans de telles circonstances. Même si vous aviez passé quarante ans dans la jungle à survivre en mangeant des tubercules, vous vous trouveriez immédiatement oppressé, et surtout prêt à vous extirper de ce piège en utilisant au mieux toutes les ressources disponibles. De ce fait, on remarque d'une manière assez déstabilisée la découverte de certains objets, que l'on pourrait appeler "clés". L'exemple le plus frappant demeure sans nul doute celui de la hache, sans mauvais jeu de mots. Si on y réfléchit un tantinet, on s'aperçoit qu'avec un tel instrument, n'importe qui pourrait se frayer un chemin à travers une ou plusieurs portes sans avoir à chercher durant de longues minutes un passe. De même, être obligé de braver un dégoût naturel en subtilisant un scalpel disposé sur un corps boursouflé pour trancher de frêles cordes empêchant l'ouverture d'une issue, alors que l'on dispose d'un outil tranchant d'un tout autre calibre reste suffisamment ridicule pour en faire mention. En revanche, on ne peut que louer l'imagination des développeurs pour les diverses énigmes à résoudre, qui bien que lorgnant parfois d'un côté relativement fallacieux, sont dans l'ensemble raisonnablement austères pour susciter un intérêt, sans être pour autant incompréhensibles, ou tout simplement incohérentes. Une demande sempiternelle de réflexions et de recherche, au service d'un scénario se déclinant par bribes habilement dissimulées dans des objets sans réelle importance. D'où le sentiment de malaise constant, et de manque total de repères. Bien que des corps en décomposition tapissent les couloirs, les sévices restent inconnus, autant dans leur manifestation que dans leur raison. La suggestion plane comme un oiseau annonçant la mort dans ces couloirs ternes et inquiétants de solitude. Si toutefois vous réussissez à parvenir à l'endroit que vous désirez.
Effectivement, l'interface n'est pas la meilleure du genre, loin de là. Tout se tient en fait au creux d'une idée qui se révèle au final relativement mauvaise et réellement handicapante. Alors que dans la majorité des softs orientés vers le domaine dépaysant et réflexif de l'aventure adoptent un système d'interaction basé sur une modification de la fonction du curseur relative à l'endroit où ce dernier se pose, Midnight Nowhere tente sans réussir une innovation. En effet, un choix d'actions s'avère disponible par le biais de quatre icônes disposées en haut à gauche de l'écran. Affichées sous formes de différents organes, de manière à simplifier la tâche du joueur dans sa compréhension du système, celles-ci présentent toutefois une curieuse répartition. Vous remarquerez aisément un oeil, servant à observer les environs, une bouche, nécessaire à la communication, puis deux sortes de mains. C'est précisément là que les ennuis surgissent. En fait, l'une correspond à une action à effectuer, et la seconde à une possibilité de préhension. Pour résumer, soit vous actionnez, soit vous emportez un objet. Le problème ne semble pas sincèrement évident à ce niveau, mais laissez-moi vous expliquer. Comme vous le savez, il faut souvent balayer l'écran dans une production d'aventure, dès que l'on pense avoir découvert un indice en un périmètre précis, afin de s'en saisir, ou d'en acquérir une information. Ce principe se retrouve donc dans le titre de Buka dans une version viciée, de part le besoin d'utiliser les deux types d'icônes pour effectuer cette action. Vous devrez donc vous y reprendre tout le temps à deux fois lors de vos investigations. Un concept qui permet deux choses (décidément), l'apparition d'une certaine lassitude doublée d'un doute, et surtout l'oubli aisé de pièces nuisant à la progression. Heureusement que les symboles apparaissant sur votre cible lors de son examen restent clairs et idéaux pour un enquêteur. Sans cela, le jeu n'aurait garanti aucun plaisir. Dans une optique semblable, les associations d'objets demeurent assez confuses, et surtout complètement ignorées dans le manuel du titre, ce qui va sûrement en énerver certains (c'est du vécu). Et c'est dans un cas comme celui-ci que vous serez apaisé par l 'ambiance se diffusant lentement.
En effet, s'il est bien une chose permettant au soft de se hisser hors des flots de l'inconsidération, c'est bien la présence d'une atmosphère prenante et surtout distillant un mystère sans cesse plus trouble et sirupeux. Bercée par des décors photo-réalistes, votre avancée se fera au gré de l'exposition de scènes de luttes assassines à la violence tant soutenue qu'elle ne peut être humaine. Confiné dans des locaux consciemment dénués de chaleur et de charme, resplendissant d'une sobriété clinique, vous pénétrerez intensément dans la peau d'un homme sans repères, plongé dans une horreur sans aspect et sans nom. N'essayez pas de vous identifier au héros creux et totalement surfait, mais tentez de vivre cette quête vers un extérieur tant convoité. Vos doutes ne seront peut-être pas totalement élucidés, mais qu'à cela ne tienne, cette immersion dans un univers froid, glauque et dénué de toute vie, restera une expérience forte et prenante. Au final donc, Midnight Nowhere est un peu un rendez-vous raté. Alléchant, et même excitant au premier abord de par son contexte et son entrée en matière brutale, il se perd vainement dans une volonté d'innovation nuisant à son concept même. Intéressant au niveau des diverses énigmes à appréhender, il ne donne pas vraiment sa place à la crédibilité, tant concernant le héros que le gameplay. Reste une aventure assez agréable qui vous teindra en haleine quelques heures. Dommage.
- Graphismes14/20
Dérangeants et baignés par une lumière crue, les différents décors demeurent texturés avec attention et suffisamment détaillés pour que l'on puisse remarquer une volonté de qualité non négligeable. participant à l'atmosphère passionnante découlant du titre, les environnements disposent de zones d'ombres intelligemment placées et et d'une gestion de la lumière habile. Le personnage principal, en revanche, victime d'un odieux bug dans ma version du jeu, ne possède de toute façon pas une modélisation digne d'éloges. Mal défini, raide, et surtout inexpressif, votre avatar tranche radicalement avec ce qui l'entoure.
- Jouabilité11/20
Si les diverses actions à effectuer sont claires et pensées pour une simplicité d'utilisation optimale, on en peut que regretter les nombreuses méprises qui auront lieu suite à la différenciation des icônes nécessaires à déclencher l'utilisation d'objets. Mettre en avant deux systèmes d'interactions différents rallonge considérablement la durée des inspections, amenant une lassitude inévitable, tout en minimisant la précision de vos recherches. Néanmoins, les diverses associations d'objets, même si l'interface n'aide pas à les réaliser, se révèlent imaginatives et souvent imprévisibles. Il vous faudra vous focaliser sur chaque indice dans une réflexion constante. Une impression mitigée donc.
- Durée de vie9/20
Le titre n'est vraiment pas long à terminer, et à cause des lacunes citées plus haut, pourra parfois vous donner à ressentir une frustration conséquente. Néanmoins, la progression reste souple et souvent intéressante à bien des égards, nous poussant à regretter de ce fait encore plus amèrement les baisses de rythmes dues à l'interface.
- Bande son12/20
Les compositions, essentiellement axées vers la construction d'une ambiance ténébreuse et inquiétante ne possèdent pas vraiment une singularité, mais remplissent parfaitement leur fonction. Peu redondantes, elles savent se faire oublier au bon moment pour ressurgir sans que l'on s'y attende. Par contre on note une réelle carence des bruitages, fortement effacés. Le doublage relatif au héros n'est quant à lui pas du tout crédible et rend ce personnage encore plus risible.
- Scénario14/20
Grande force du jeu, la trame aborde de nombreux thèmes intéressants au niveau psychologique ainsi que certains en rapport direct avec la fabrication insidieuse d'une ambiance dérangeante. En sus, les non-dit, nombreux et oppressants participent on ne peut mieux au malaise constant, dû, non au côté glauque, mais à l'isolement informatif. Dommage que cet aspect n'ait pas été plus approfondi.
Grand amateur de productions glauques, originales, et dépositaires d'ambiances oppressantes, je me suis dit avec délectation que j'entreprenais une production qui allait me ravir sans expérimenter le moindre doute. Malheureusement, la réalité a vite rattrapé ces errances oniriques. En effet, et ce dès les premières heures, voire minutes de jeu, on ressent rapidement les limitations imposées par l'interface et par le principe même de certaines phases de jeu. On ressort donc de cette expérience un tant soit peu déçu, surtout à la vue de ce qu'aurait pu être cette production. Immersive et originale, autant que limitée et parfois énervante. Comme je le disais précédemment, dommage.