Dans la lignée de la série TOCA en ce qui concerne l'ambiance, et le type d'épreuves à réaliser, GTR, se rapproche néanmoins nettement plus d'un Gran Turismo, de par son aspect "évolutif". Effectivement, il vous sera réellement impossible de ressentir de l'amusement ou n'importe quelle autre sorte de plaisir au gré des premières heures de jeu. Assailli par la précision chirurgicale requise dans le pilotage des nombreux bolides offerts à vos soins, vous n'aurez aucune échappatoire, aucune alternative à ce parcours du combattant aux accents de bitume et d'huile de vidange. L'apprentissage demeure l'unique voie conduisant à une certaine autonomie face au poids imposant des contraintes. Il va vous falloir résister à l'enchaînement terrifiant de dizaines et de dizaines de tours conclus de belle manière par un tête-à-queue, à l'impossibilité de gérer la direction sur sol mouillé, ou encore à la fourberie de virages se jetant littéralement sous vos roues. Adhérant alors à la maxime "tout ce qui ne tue pas fortifie", vous tirerez de nombreuses et intéressantes leçons de ces déboires primaires. A la manière d'un pilote de profession, il vous incombera de vous entraîner le plus possible, d'appréhender sans cesse de nouvelles situations pour progresser de façon continue. Vous trouverez ainsi la victoire plus belle, et surtout commencerez à saisir les rudiments d'un pilotage souvent peu accessible. Et c'est bien là où résidera le problème pour les acheteurs lambda. En effet, si les adeptes forcenés d'un réalisme sans concession intégreront le cockpit sans accrocs, les personnes simplement attirées par les titres mettant en scène de furieux véhicules seront sans nul doute dégoûtées par le côté élitiste de la chose. C'est pour cela que, si rien n'est modifié dans la version finale, je déconseillerai sincèrement l'achat de ce jeu aux simples amateurs de grosses cylindrées. Devant tant de méandres incompréhensibles, le profane sera en effet grandement perdu.

Peaufiner les réglages du rayon de braquage, répartir les vitesses, gérer au millimètre la portance de votre voiture, définir la stratégie de course en indiquant le nombre de litres d'essence à emporter, et le nombre de tours d'arrêt, sera votre lot quotidien avant chaque départ, si vous ne désirez pas subir l'humiliation de la défaite à chaque course. Sévère jusqu'au bout des ongles, GTR ne laissera réellement passer aucune errance de votre part. Si par exemple un circuit se voit battu par une pluie incessante, et que vous espérez que vos mécaniciens ont équipé votre automobile avec des pneus pluie pour éviter la catastrophe, et bien vous terminerez votre aventure dans un fossé sans autre forme de procès. C'est à vous de vérifier l'ensemble des paramètres, et bien souvent l'avenir d'un tour de piste ne tient qu'à votre sérieux pratiquement maladif. Une implication clairement et adroitement mise en avant donc, qui vous amènera à vous remettre souvent en question et vous donnera envie de progresser plus en avant dans vos capacités de pilote. Néanmoins, on peut également se demander si tant de méticulosité n'est pas un peu surfaite, et si nous n'arrivons pas maintenant à des produits qui ne sont plus des jeux, mais tout simplement des bancs d'essai automobiles. Dans cette optique de tout mettre pour être plus réaliste, où sont les poignées pour baisser la vitre, et le bouton pour allumer les phares ? Je ne suis pas contre les titres de simulation, loin de là, mais il ne faudrait pas qu'ils perdent leur crédibilité en s'éloignant trop du statut de divertissement. Les plaintes ne vont pas tarder, je pense. Malgré tout, GTR s'avère suffisamment riche, sans trop en faire, et propose une approche différente de tout ce que l'on a pu voir jusqu'à maintenant.

Devant ces louanges et la "révolution" du principe de simulation automobile, il serait légitime de se dire que ce soft n'a pas de défauts apparents. Et pourtant ce n'est pour l'instant pas le cas. En effet, il demeure de nombreuses lacunes tant du point de vue de l'I.A, que de l'équilibrage des divers modes. Premièrement, donc, si vos concurrents conduisent dans l'ensemble de manière fort crédible, commettant des fautes et ne se bornant pas à passer tous au même endroit d'une courbe comme c'est le cas dans le soft mythique de Polyphony Digital, ils s'enorgueillissent néanmoins d'actions étranges. Il m'est arrivé plusieurs... beaucoup de fois de me retrouver dans le sens inverse de la course, sans qu'aucun d'entre eux ne freinent. De même, ils ne se sont pas gênés pour me pousser, brisant dans un semblable élan leurs pare-chocs. Une attitude suicidaire assez déstabilisante. Ensuite, il est relativement dommageable d'apercevoir des errances au sein des modes semi-pro et simulation, normalement et respectivement très et extrêmement orientés vers un réalisme non feint. En effet, j'ai pu observer plusieurs fois des véhicules effectuer de véritables figures acrobatiques sans subir de dégâts trop importants, voire même simuler un magnifique poirier sans ressentir aucune pénalité spécifique. Dans le choix arcade, cela serait logique, mais pas dans le cas présent.

Enfin, GTR souffre quelque peu d'une qualité graphique mitigée, qui tranche un tant soit peu avec les annonces, présentant le titre comme bénéficiant d'un moteur graphique innovant et fort joli. Non que les différents bolides, une cinquantaine plus des nouveaux modèles inédits pour cette version française, soient mal modélisés, bien au contraire, mais ils évoluent malgré eux dans des décors pauvres et surtout terriblement vides. En fait, les divers environnements traversés, bien que fins et peu avares en polygones, s'avèrent désespérément privés de vie. Peu d'animations sont présentes, des grandes landes s'étendant au loin sans aucun relief censé représenter les touffes herbeuses. Heureusement que le tout possède une fluidité convaincante, permettant de profiter au mieux de la tension bien réelle des courses, et également d'une impression de vitesse confondante.

Au final, donc, GTR se révèle digne d'intérêt, malgré son côté élitiste et austère. Prenant dès que l'on maîtrise un tantinet la conduite, peu avare en sensations, il se pare en sus d'un mode multijoueur utilisant notre bon vieux Net. Proposant de nombreux circuits et bolides, nul doute que les amateurs de la férocité répressive d'un Richard Burns seront comblés par un fruit qui ne s'obtient qu'après un dur labeur. Espérons toutefois que les lacunes présentes seront corrigées avant la sortie, auquel cas le titre de Simbin pourra peut-être prétendre au statut de grande simulation PC. Ce qui n'est déjà pas si mal.