Tous les amateurs de RPG s'étant avidement essayé à Kingdom Hearts premier du nom sur PS2, se souviennent sûrement de la fin on ne peut plus énigmatique, laissant une porte grande ouverte aux supputations les plus vagues. Les plus acharnés avaient même pu découvrir le magnifique Deep Dive (exclusif à la version japonaise Final Mix, mais présent en moins long dans l'opus européen sous l'appellation simple de Secret Ending), sorte de prolongement expectatif à la réalisation confondante de beauté artistique, présentant l'un des futurs fondement de la mythologie KH, à savoir la présence des Unknown. Etres au charisme fascinant, ces derniers s'avèrent vêtus de grande tunique de cuir, surmontée d'un capuchon masquant leur visage. Auréolé d'un mystère trouble et profond, ce "clan" semble également détenir les clés des évasives pistes de réflexions en rapport avec le fonctionnement du monde de Kingdom Hearts. Comprenant six individus aux attentes et buts différents, "l'Organisation", de son véritable nom, s'opposera de nombreuses fois à votre progression dans Castle Oblivion, tout en vous procurant les moyens nécessaires pour poursuivre votre ascension. Une ambiguïté déstabilisante qui va de paire avec les troubles psychiques de Sora et de ses compagnons, empêtrés au sein d'un piège qui paraît se refermer lentement sur eux.

En effet, conduit dans un endroit nommé Castle Oblivion par l'un des membres de "l'Organisation", immédiatement à la suite des derniers instants du premier opus de la série, notre héros à la coiffure destructurée se voit rapidement confronté à un discours lui paraissant totalement incompréhensible, déclamé par son ravisseur. Sans avoir le temps de saisir les données du problème et surtout de comprendre sa position, voici qu'une carte lumineuse lui est confiée, sorte de clé ouvrant sur un univers dont il ne connaît que trop bien les contours. Effectivement, Sora, accompagné de Dingo, Donald et le célèbre Giminy Cricket vont devoir faire face à leur propre mémoire. Cheminant toujours plus haut dans ce château de l'oubli, la troupe subit une altération des souvenirs, en corrélation avec leur pourcentage de découverte. Plus le groupe de héros chemine et plus les réminiscences s'égrainent. Un entêtement qui n'a pour seul objectif que la recherche des stigmates présents au plus profond d'eux. Ecarter une couche pour en révéler une autre. Qu'est ce qui se trouve de si important en ces lieux ? Serait-ce cette jeune fille blonde à la robe immaculée ? Bien évidemment je vous laisserais découvrir le fin mot du scénario par vous-même, tout en vous confiant qu'il recèle bien des surprises. A ce propos, même si d'après les développeurs il n'est pas nécessaire d'avoir terminé cet épisode pour appréhender Kingdom Hearts 2, vous manqueriez un pan indiscutablement intéressant du scénario, vous amenant à rencontrer l'ensemble de "l'Organisation", et surtout à apprécier la psychologie de chacun de ses adhérents. N'ayant pas terminé le titre (normal pour une preview), mais ayant bien avancé, la trame scénaristique m'apparaît relativement digne d'intérêt, malgré une entrée en matière un peu "je ne me foule pas pour réinventer des univers de jeu". La psychologie des divers intervenants est à ce sujet intrigante et le plus souvent opaque, impliquant une volonté du joueur à s'immiscer dans les réflexions de chaque personnage, afin d'en saisir la finalité. Rencontrer de stupéfiants et captivants antagonistes reste une des plus belles sensations au sein d'un RPG. Les rebondissements sont prenants, et la décantation du suspens s'avère suffisamment bien orchestrée pour pousser à une progression passionnée.

Graphiquement irréprochable, Chain Of Memories démontre une nouvelle fois le savoir-faire des équipes de Square-Enix en ce qui concerne la 2D. Après le sublime Sword Of Mana, arborant une qualité artistique proche de celle inhérente à Legend Of Mana, pourtant sur PSone, on ne pensait plus revoir telle finesse sur la petite portable de Nintendo. Et pourtant, KH parvient à étonner de par la richesse de sa réalisation et surtout via la réussite d'une transposition plus que risquée. En effet, prendre le pari d'adapter un soft exposant des individus modélisés en 3D, tout en conservant leur charisme, leur présence et au-delà de cela leur potentiel d'admiration, est digne d'éloge. Effectivement, souvenez-vous de la magnificence de Cloud remanié dans un esprit plus démoniaque et taciturne, de Squall, affiné et terriblement plus agressif visuellement, ou encore de Riku, sorte de petit Séphiroth au regard pénétrant. Le résultat est pourtant parfait, surpassant aisément les aspirations les plus folles. Chaque intervenant, sublimé par la chaleur émanant de la représentation 2D, s'avère identique en tout point à sa version affublée de polygones. Le constat est simple, on a vraiment l'impression de ne pas avoir quitté les terres bienfaitrices de l'opus PS2. Les ennemis, tout comme les héros, resplendissent et occupent l'écran brillamment, se complaisant dans l'excitation infantile que l'on ressent à les retrouver. J'en reviens à Cloud, mais c'est lui qui m'a le plus transporté de joie dans Chain Of Memories. Les décors, quant à eux, bien que représentés sous la forme d'une 3D isométrique de bon aloi, restent en adéquation avec ce qu l'on avait pu expérimenter sur consoles de salon, et disposent du même soucis de finition. Les détails sont éminemment mis en valeur et font regretter quelquefois la relative exiguïté des niveaux, ne contenant que peu l'aspect ouvert et libre présent dans le premier Kingdom Hearts. Pour clore ce paragraphe, je signale également le retour tant espéré du monde gothico-clownesque d'Halloween Town, aussi lugubrement joyeux que dans les souvenirs de tous ceux ayant admire l'Etrange Noël de Monsieur Jack.

Pour finir, le gameplay, se révèle lui aussi magnifiquement bien retranscrit, se voulant fidèle, dans le fond à celui présent dans la version oeuvrant sur le monolithe noir de Sony. Dans une volonté semblable à celle mise en place concernant l'aspect graphique, l'équipe de développement en général, et Nomura Tetsuya (character-designer et réalisateur de la série) en particulier désiraient ardemment faire ressentir au joueur un dynamisme et une envolée ludique aussi imposants que ceux engagés dans Kingdom Hearts PS2. Et effectivement, les premières impressions corroborent admirablement cette envie profonde. Bien que la forme ait grandement évoluée, il est tout bonnement stupéfiant de retrouver avec enthousiasme les réflexes jamais envolés, et surtout l'action débridée qui avait tant apportée au précédent soft. Utilisant dorénavant un système à base de cartes, rappelant sous quelques aspects celui de Baten Kaitos, le principe de combat s'avère réellement stratégique, et d'une profondeur évoluant au gré de votre avancée dans les méandres du Castle Oblivion. Charmeur et constellé d'idées innovantes et ludiquement plus qu'agréables, ce nouveau visage des phases de pugilat demande néanmoins un temps d'adaptation certain, du fait de certaines lacunes apparaissant paradoxalement dans le feu de l'action. Pas véritablement handicapantes, ces dernières peuvent pourtant augurer quelques soucis dans les combats rapprochés, et lorsque le nombre d'opposants se fait trop important. Il est effectivement délicat d'enchaîner un nombre de coup suffisant sas être coupé dans son élan, et on se retrouve parfois un tantinet perdu dans ses manipulations, ce qui augure divers coups et blessures non souhaités, même lorsque l'on maîtrise les subtilités du système.

En l'état donc, Kingdom Hearts Chain Of Memories se révèlent vraiment prenant et réussi, parvenant à réaliser le tour de force de proposer une sorte de remaniement de l'épisode PS2, tout en restant aussi fun, aussi intéressant, et surtout aussi attirant. Magnifique, proposant une poursuite scénaristique originale sur le long terme, détenteur d'une durée de vie honorable, nul doute que ce soft saura s'imposer dans votre coeur, malgré ses quelques zones d'ombre. Attendons toutefois d'admirer la localisation française pour vraiment s'avancer. A vous de reconstruire la chaîne de la mémoire.