Débutant de manière tragique, l'histoire contée dans Phantom Brave vous entraîne dans les méandres de deux mondes différents, se rejoignant tout de même en une personne, portant le doux nom de Marona. Petite fille timide et relativement naïve, marquée par le décès brutal de ses parents lors d'une expédition où ils officiaient en tant que mercenaires, cette dernière possède la capacité de voir les âmes défuntes, de communiquer avec elles, et également de les matérialiser dans les diverses entités naturelles. Un parti pris véritablement original qui se détache nettement des autres productions prenant place dans la fastueuse famille du RPG. Il est rare d'expérimenter la mise en avant d'une sorte d'animisme, couplée bien évidemment d'une ode à la nature touchante. Protégée par Ash, lui aussi décédé dans des circonstances que vous apprendrez tôt dans le titre, Marona est considérée par les habitants du monde à dominance aquatique de Ivoire comme une mystique étrange et inquiétante, possédant le surnom réducteur de "Possessed", à savoir "la possédée". Appartenant à l'ordre des Chroma, sortes de mercenaires venant en aide aux villages éparpillées sur les îles du continent en proie à des menaces variées, elle tente par le biais de ces missions d'obtenir une reconnaissance et de l'indulgence. A ce propos, l'approche scénaristique se révèle équilibrée à très bon escient, mariant avec saveur des phases émotionnelles rarement niaises ou dénuées de justification, avec des propos constellés d'humour et de phrases assassines. Un mélange étonnant et à l'homogénéité stupéfiante. Les héros possèdent de plus une psychologie digne du plus grand intérêt et ne se limitent pas aux poncifs du héros ténébreux et de la magicienne à la limite de l'imbécillité chronique, expérimentant une approche non manichéenne et sincèrement développée. S'ensuit par conséquent un attachement immédiat pour les deux protagonistes principaux, bien ancrés dans un univers cohérent, parfois sombre, et souvent onirique. Et cela va de paire avec une touche artistique personnelle, ne s'apparentant à aucune autre production, mis à part bien sûr Disgaea.

Doté d'un chara-design clairement orienté manga, ce qui n'est pas pour me déplaire, loin de là (très subjectif je le reconnais), Phantom Brave rend un hommage vibrant à une 2D souvent mise de côté. La 3D a en effet beau proposer des angles de caméra permettant un rapprochement de plus en plus assumé de la mise en scène cinématographique, on ne ressent pas du tout la même immersion au sein d'un Baten Kaitos que d'un Star Ocean 3. Certes, j'estime que le soft de Tri Ace est une merveille, mais les sentiments contemplatifs qu'il suscite n'atteignent pas le niveau de ceux diffusés dans celui de Tri Crescendo. On renoue donc ici avec la longue tradition des sprites finement détaillés, détenteurs d'animations typiques de séries ou de films d'animation, descendants directs de la magnificence des intervenants de FF Tactics. Néanmoins, les séquences scénarisées se déroulant au creux du soft de Nippon Ichi profitent d'une scénographie n'utilisant en aucun cas les personnages traités en SD comme durant les phases d'affrontement, mais proportionnés idéalement sur un plan 2D composé d'arrière-plans richement décorés, comme autant de tableaux fascinants. D'autant que l'inventivité demeure sans cesse présente, et met à jour des décors respirant une poésie indubitable, octroyant la possibilité de voyager dans un monde fantasmagorique. Et je peux vous assurer par la même que lorsque vous aurez vu Ash dans ses oeuvres, vous n'oublierez plus jamais son visage. Dans le même ordre d'idée, les magies et autres coups spéciaux dévoilent des effets graphiques et lumineux dynamiques, tout autant qu'originaux. Un déferlement de puissance volontairement spectaculaire qui s'accorde parfaitement avec le ton du soft, tout en amenant une immersion immédiate et que l'on accepte avec plaisir et douceur.

Toutefois, ceci n'est "que" l'habillage, et la surprise la plus stupéfiante se révèle après avoir dégusté avec avidité cet enrobage alléchant. En effet, le gameplay comporte une profondeur dont bien peu de T-RPG pourraient se targuer. On a rarement aperçu telle exhaustivité, telle association lumineuse d'idées novatrices et passionnantes. Tout s'avère en fait basé sur un système appelé "confine", en accord avec les inspirations profondes de Phantom Brave. Effectivement, ne pouvant pas invoquer d'alliés sans le support d'éléments naturels, Marona survient sur chaque champ de bataille seule et sans aucune protection. A partir de ce moment précis, et ce dès le premier tour, vous allez devoir matérialiser vos compagnons spirituels dans certains minéraux ou végétaux disposés sur l'aire de combat. Vous serez donc limité par le nombre d'arbres, de rochers, ou encore de cactus dans l'ampleur de l'équipe que vous mettrez en jeu. Pas plus de personnages que d'entités naturelles par conséquent. Mais la formation de votre petite armée ne s'arrête pas en si bon chemin. Il faudra tenir compte des apports que vous fournissent les endroits où vous désirez placer vos spectres afin de leur donner la vie. Par exemple, un arbre augmentera votre résistance et votre force, tout en diminuant votre vitesse, alors qu'une fleur modifiera votre intelligence de manière intéressante, et vous octroiera un bonus de vitesse. A vous donc de gérer au mieux la mise en avant de votre tactique dans le but d'une part de concevoir un groupe équilibré et d'autre part de faire correspondre les ajouts avec les capacités inhérentes à tel ou tel guerrier, sachant que les magiciens auront besoin de savoir, et les Valkyries de rapidité et de puissance. De plus, si par chance votre troupe dispose d'armes achetées à votre QG, sur l'île de naissance de Marona, il vous sera possible d'incarner l'un de vos fidèles combattants en l'une d'elles, si vous avez pris la disposition de la jeter au sol. Abyssal.

Et si je vous dis que ce n'est que le principe de base, et que la suite vous réserve une plongée renversante dans un flot de possibilités, vous me croyez ? En effet, à côté de cela, il est plus qu'intéressant de noter les spécificités inhérentes à l'équipement et à la création de fantômes, qui forment la base indiscutable du titre de Nippon Ichi. Le premier de ces deux aspects diffère nettement des T-RPG traditionnels, en incluant une vie propre à vos ustensiles de combat. Chaque épée, lance ou hache dispose en fait de points de vie, qui baisseront plus ou moins en fonction des coups adverses que vous aurez réussi à parer avec adresse. Nécessitant d'être équipées avant chaque pugilat, vos armes sont en fait plus considérées comme des outils augmentant vos statistiques que comme des engins de guerre classiques. De ce fait, lors d'un affrontement, la course à la prise en main de lames laissées à l'abandon sera cruciale. Car vous n'êtes pas les seuls à désirer parachever votre statut. Les ennemis tenteront fréquemment de vous subtiliser vos acquis et soit s'en serviront à votre encontre, soit les expulseront hors du terrain de jeu. Seuls moyens d'acquérir des capacités spéciales, un peu à la manière de FF9, sans l'apprentissage laborieux allant de paire, votre équipement offensif sera souvent la clé de la victoire. Néanmoins, sans alliés, vous n'irez pas bien loin. La naissance d'une armée se révèle donc indispensable. La marche à suivre pour se faire donne à voir une simplicité intuitive et rapidement attractive. Une fois sur votre île, en fait, il vous suffit de discuter avec Marona et de lui demander de créer un Phantom. A vous ensuite de choisir quel type vous correspond, parmi les diverses classes disponibles au départ, plus les individus que vous pouvez enrôler après les avoir neutralisé pour toujours. Une fois cela exécuté, vous définissez le nombre de points à allouer aux différentes caractéristiques spécifiques à un "job" par rapport à vos points de mana, gagnés difficilement lors des combats. Sachez enfin que mettre à jour un allié requiert un coût non négligeable, en sus de l'achat des armes. Vertigineux.

Pour finir, et en espérant pouvoir développer beaucoup plus en avant la richesse désarmante et fascinante de ce soft merveilleux dans le test, je peux vous assurer que cette version preview de Phantom Brave augure un T-RPG d'exception, probablement l'un des meilleurs du genre, arrivant pratiquement au niveau du mythique FF Tactics. Nippon Ichi continue visiblement sur sa lancée et ne cesse d'augmenter la qualité et le soucis du détail de ses productions. Une perle rare qui cache encore bien des secrets, dont la découverte signifiera un plaisir plus que conséquent.