Ah les jeux adaptés d'une licence porteuse et s'étendant fièrement. Sorte de démangeaison insidieuse qui perdure depuis plus de quinze longues années, sans que personne n'ait trouvé de remèdes. Pire, plus les saisons passent, et plus cette allergie empire. Peu sont les élus qui ont réussi à se défaire de cette marque apposée sur leur flanc. Quand est-ce que les éditeurs, et par la même les studio de développement affiliés, qui n'y sont pour pas grand chose, comprendront qu'essayer de faire rendre une bobine de manière brute dans une cartouche ou un DVD-Rom défie les lois même de la physique.
Pourtant cela commençait plutôt bien. Détenteur d'un style graphique rendant avec fidélité un aspect axé sur la bande-dessinée, le soft permet de se plonger avec facilité dans un monde coloré et attachant. Les différentes teintes utilisées sont dégradées de manière fluide et avec attention, donnant à voir des environnements fort convenables, et surtout relativement crédibles. Les couleurs sont chatoyantes, et il est véritablement agréable de se promener dans ce monde fait de rondeurs, gorgé de bonne humeur. Les personnages, quant à eux, possèdent une animation bien décomposée et servant avec ferveur ce même rendu "cartoon" seyant de manière notable à l'ambiance "sucrée" du titre. Les petits haussements d'épaules, les attitudes qu'empruntent ces derniers demeurent pour la plupart bien mises en scènes et octroient un tant soit peu de vie à ces êtres de pixels. Le tout s'avère fin et détaillé, prouvant la maîtrise avérée de la GBA dans le domaine de la 2D. On pourra dans ce même registre constater l'absence de ralentissements malgré le grand nombre d'individus souvent présents à l'écran, et une gestion des différents scrollings exempte d'accrocs. On aboutit de ce fait au sentiment d'un travail sérieusement réfléchi, focalisé sur la découverte d'un monde s'adaptant le mieux possible à celui dévoilé dans le long métrage d'animation éponyme envahissant actuellement toutes les salles de France. Mais ce constat plutôt positif s'efface bientôt à la vue des autres données présentes au sein du soft.
En premier lieu, le gameplay peut poser un lourd problème aux personnes rapidement submergées par des émotions intenses. Plus simplement, vous allez vite vous énerver. Pourquoi ? Me direz-vous. Et bien tout simplement parce que Les Indestructibles souffre d'un défaut assez handicapant dans un beat'em all hérité des dignes et valeureux Bare Knuckle (Streets Of Rage), ou encore Double Dragon (moins prisé, mais très orienté série Z ce qui lui donne une aura particulière). Cet écueil est en fait la précision très approximative des coups que l'on donne. Etant donné que votre personnage possède la capacité de se déplacer sur plusieurs plans, de haut en bas, comme dans Turtles in Time par exemple, vous aurez souvent du mal à placer ce dernier de manière adéquate. Ce qui aura pour principal effet de provoquer un coup dans le vide, qui, je pense, n'est pas votre but premier. Surtout que sur les divers individus que vous aurez à votre disposition, seulement un ou deux ne souffrent pas d'une lenteur exacerbée, vous obligeant à maudire chaque claque sans lendemain. Se retourner, faire un pas de côté pour se remettre dans l'axe devient alors fastidieux et réellement lassant. On pourrait se dire que les variations de jouabilité vont relancer dans la bonne voie l'intérêt général, mais il n'en est rien. En effet, bien que l'imposant et pesant Mr Indestructible ne fasse point subir son poids tout au long de l'aventure, ses acolytes ne vous emmèneront pas dans les limbes du plaisir, loin de là. Bien que possédant un panel d'actions différentes et parfois originales, comme l'extension de Mme Indestructible ou encore l'invisibilité de Violette, ceux-ci tournent rapidement autour de leurs possibilités et n'apportent aucune évolution notable.
On se trouve donc face à une volonté manifeste de diversifier l'approche du joueur face aux différentes situations, mais qui se noie dans un flot de principes malvenus. Alors que le genre du jeu même demanderait une focalisation sur l'intérêt intense et dynamique, écartant de ce fait l'aspect répétitif propre une nouvelle fois au type du soft, on laisse échapper un soupir de déception en observant le schéma général. Un ensemble de niveaux très courts, au sein desquels on retrouve sempiternellement les mêmes ennemis dépositaires d'un design similaire, et où on réutilise sans arrêt les mêmes techniques. Et pour corser le tout, vous vous retrouvez face à un level-design très peu convaincant, qui ne donne pas la possibilité au joueur de modifier son trajet ou tout simplement de changer un tantinet la monotonie de l'ensemble. Je précise que j'apprécie vraiment les beat'em all pour leur côté défoulant et à l'immersion immédiate, mais que le titre de THQ ne possède pas cette espèce de tension et de puissance ludique. Il se contente d'aligner des niveaux sans âme, au gré de combats identiques, sans même prendre la peine d'insinuer des variantes intéressantes. L'adjectif qui lui convient le mieux est laborieux. Rien ne surprend, ne relance l'attention, et pire que tout, ne donne envie de poursuivre l'aventure. En adéquation avec tout cela, la trame décousue et très sombre troublera les personnes n'ayant pas vu le film d'animation de Pixar ayant inspiré le soft. La cible est tellement claire que ça en devient gênant. Et ne croyez pas que les effets sonores ou les compositions musicales essayent de remonter la barre qualitative. Que nenni ! Nous sommes par conséquent bien en face de cette hydre légendaire qu'est l'adaptation à la va-vite d'un produit commercial à outrance.
Je finirais par un constat évident mais qu'il faut tirer à la lumière. On ne fait rien de bon, en général, lorsque l'on se laisse porter sans aucune attente et aucun désir par une licence juteuse qui apportera de toute façon son lot de jeunes gens prêts à revivre les péripéties de leur héros du grand écran. Le jeu vidéo n'est pas une paire de chaussettes ou un verre à moutarde sur lequel on appose une marque au fer rouge ancrant le marketing dans sa conception première. Il est sincèrement navrant de voir encore des personnes regardant ce média à travers le filtre du profit et de la logique marchande. C'est encore plus frustrant sûrement pour le studio de développement qui n'est sans doute pas follement emballé par la réalisation d'un produit formaté dans lequel il ne peut s'impliquer. Un titre au final très moyen qui ne convaincra que les mordus de la famille indestructible, et encore.
- Graphismes14/20
Le jeu profite agréablement des capacités de la GBA et affiche de ce fait des décors hauts en couleurs et d'une finesse notable. Les environnements disposent d'un rendu proche d'un dessin animé, qui parvient à convaincre immédiatement. Les personnages quant à eux proposent une animation idéalement décomposée, octroyant un rythme et une "vie" à ces petits tas de pixels colorés. Un travail de qualité, qui met en avant une volonté de coller au mieux à l'atmosphère du film.
- Jouabilité9/20
Trop simpliste et sans relief, la jouabilité ne parvient pas à convaincre. Les personnages bien que différents ne possèdent pas assez de mouvements différents, et l'on se retrouve souvent à utiliser des techniques semblables alors que dans l'absolu, la différenciation de style ne devrait pas nous le permettre. Les déplacements sont laborieux, les coups peu précis, et le plaisir totalement absent. On avance sans joie, simplement en matraquant deux boutons sans tenter de comprendre où cela va nous conduire. Dommageable pour un beat'em all.
- Durée de vie6/20
En à peine deux heures, vous aurez déjà terminé pratiquement la moité du jeu, et ce sans traverser de grandes difficultés. Etant beaucoup trop haché, le soft s'avère trop permissif, vous rendant toute votre santé dès une étape terminée. Vous ne serez donc que rarement inquiété et progresserez sans peine. Je veux bien admettre que le titre soit destiné aux enfants, mais même eux n'auront pas de problèmes si ce n'est l'acceptation de la jouabilité.
- Bande son8/20
Les compositions musicales se trouvent d'une part handicapées par le processeur sonore de la GBA, et d'autre part par leur aspect trop linéaire. Elles ne collent souvent pas aux situations et se révèlent un peu trop "plates". Les effets sonores quant à eux ne sonnent (évidemment) pas toujours très bien, et sont très limités dans leur variété.
- Scénario8/20
N'ayant pas vu le film, je ne sais pas ce que vaut le scénario en lui-même. Néanmoins, son découpage dans le jeu est cruellement détestable. Des ellipses énormes sont orchestrées, et on ne comprend vraiment rien à ce qui se passe. Les gens n'ayant pas eu l'immense honneur de se rendre au cinéma auront vraiment l'impression de passer à côté de quelque chose. Plus un complément donc qu'une véritable histoire.
Encore un titre à mettre dans la catégorie désormais assez fournie des adaptations ratées de licences juteuses et exhalant des senteurs d'argent rapidement gagnée. Destiné clairement aux enfants déjà bombardés de publicités, d'albums de coloriages, et de bonbons à l'effigie de la famille Indestructible, le titre développé par Helixe se pose comme un produit manufacturé de plus, relégué au rang de vulgaire marchandise. Il est vraiment dommage de tomber dans ces travers. En effet, malgré ses défauts, Les Indestructibles possèdent quelques bonnes idées qui auraient pu donner le change. Dommage.