Loin de s'estomper, la folie "Lord of the Rings" continue de frapper de plus belle avec notamment la sortie imminente et très attendue du DVD version longue du Retour du Roi. Pour Electronic Arts, il n'était pas question de laisser moisir la licence de l'adaptation cinématographique. Et pour changer un peu, pourquoi ne pas s'aventurer du côté des RPG ?
Imaginez l'émotion qui s'est emparée de tous les fans de RPG à l'annonce du développement du Tiers Age, le premier jeu de rôle basé sur la trilogie cinématographique du Seigneur des Anneaux. Imaginez l'impatience de tous les puristes de Tolkien à l'approche d'un tel événement. Après avoir bluffé les amateurs de beat'em all dans Les Deux Tours et Le Retour du Roi, et avec les promesses liées à la sortie prochaine du jeu de stratégie intitulé La Bataille pour la Terre du Milieu, le développement d'un RPG basé sur le Seigneur des Anneaux semblait évident mais nous n'osions y croire. Pourtant, une telle hâte étant toujours teintée de craintes, beaucoup se posaient déjà la question de savoir ce qu'il fallait réellement attendre de ce titre. L'équipe américaine du Tiers Age allait-elle réussir à convaincre dans le domaine du RPG au tour par tour, spécialité des développeurs japonais ? Allait-il s'agir d'une pâle copie de tous ces RPG nippons, tels Final Fantasy, sur lesquels les inconditionnels alignent allègrement des dizaines et des dizaines d'heures de jeu avant de se sentir pleinement satisfaits ? Ne fallait-il pas craindre une trop grande mise en avant de la licence au détriment de la profondeur de jeu ?
Point besoin d'être grand sage pour deviner que Le Tiers Age se révélerait davantage orienté pour les néophytes du RPG que pour les puristes du genre. "Un jeu de rôle pour les gouverner tous", nous dit Electronic Arts. Ce à quoi nous répondrons que si leur jeu possède suffisamment d'arguments pour faire passer un bon moment aux fans du long-métrage, il n'a aucunement la prétention de rivaliser avec les pointures du RPG sur consoles. Et vous allez savoir pourquoi.
A quelle fin les concepteurs du Tiers Age ont-ils décidé de nous faire incarner des personnages inconnus plutôt que ceux imaginés par Tolkien ? Je ne saurais le dire. Le fait est que pour justifier la présence d'une bonne centaine d'extraits du film, il leur a fallu trouver un scénario qui fasse intervenir la plupart des héros de la trilogie, mais sans pour autant les mettre au premier plan. C'est ainsi que l'on se retrouve avec un groupe de personnages qui semble marcher sur les traces de la communauté de l'anneau, nous permettant de revivre les moments forts de la trilogie. Du coup, l'histoire n'est ni fidèle à celle du film ni totalement inédite. Puisque le groupe est amené à explorer les contrées qui servent de toile de fond aux trois films, la plupart des événements sont prévisibles et la progression ne réserve finalement que peu de surprises.
Accessibles au fur et à mesure de l'avancée de la quête, les six héros qu'il nous est donné de jouer sont également calqués sur les personnages principaux du film. On découvre ainsi Berethor, garde de la citadelle du Gondor sous les ordres de Boromir ; Idrial, elfe de la Lothlorien au service de Dame Galadriel ; Elegost le Dunedain, rôdeur du nord calqué sur le modèle de Grand-Pas ; Hadhod, guerrier nain du clan de Fundin ; Morwen, femme guerrière errant sur les plaines du Rohan après la destruction de son village par les séides de Sauron ; et enfin Eaoden du Riddermark, cavalier de la garde royale du Rohan. Leur aventure les conduira de l'Eregion et les terres gelées du Caradhras jusqu'à Minas Tirith en passant par la Moria, le Gouffre de Helm et les Champs du Pelennor. Marchant sur les traces de la communauté, ils auront ainsi parfois le soutien salvateur de Gandalf, d'Aragorn, d'Eowyn ou encore de Legolas pour lutter contre les séides de Sauron : trolls, gobelins, ouargues ou même le Balrog et les Nazgûls.
Certes, les ennemis sont impressionnants mais ils sont peu variés car limités à ceux du film. On combat ainsi parfois pendant plusieurs heures sans voir plus de trois types d'ennemis différents, mais il faut reconnaître que la mise en scène est excellente avec un dynamisme rare pour un RPG de ce type. Mais le problème n'est pas là. En fait, ce qui nuit le plus au Tiers Age, c'est son accessibilité. En voulant rendre le titre facilement accessible au néophytes, les développeurs en ont oublié les clés d'un bon RPG. Le soft ne comporte ni villages, ni PNJ (Personnages Non Joueurs), ni carte gigantesque que l'on explore librement, mais se présente au contraire sous une forme très dirigiste, avec des environnements linéaires et un nombre excessif de cut-scenes et autres extraits de film. On ne peut pas faire trois mètres sans débloquer un "conte épique de la Terre du Milieu" ou sans mettre la main sur une pièce d'équipement qui va nous obliger à passer par le menu pour en équiper l'un de ses personnages. Autant de choses qui ralentissent le rythme de l'aventure, au même titre que les gains d'expérience faramineux qui font passer les héros au niveau supérieur tous les deux combats. Il faut alors repasser à chaque fois par le menu pour répartir ses points d'aptitude, ce qui devient vite rébarbatif. En moins de trois heures, on se retrouve avec un groupe de niveau 20 qui n'a pas grand-chose à craindre de ses adversaires, du moins lorsqu'il ne s'agit pas des boss.
Quant au système de combats aléatoires, il surprend ici dans la mesure où la fréquence des rencontres se révèle très inégale. En règle générale, les coffres sont systématiquement gardés alors qu'il est parfois impossible de déclencher plus de combats que prévu dans une zone donnée. Si le gameplay est on ne peut plus classique, on notera tout de même le nombre intéressant de compétences disponibles et la possibilité de se retrouver encerclé, ce qui oblige à faire tourner ses personnages pour se retrouver en face de l'adversaire voulu. Le jeu emprunte notamment au système de Final Fantasy X avec la possibilité de remplacer un membre actif de son groupe par un personnage en réserve sans pour autant perdre un tour de jeu, mais la magie est ici limitée aux compétences propres aux différents personnages.
Parmi les idées audacieuses, on trouve également la possibilité de jouer en coopération avec un autre joueur. En combat, le second joueur peut ainsi contrôler directement certains personnages. Vive les prises de bec entre joueurs en cas de désaccord ! Notez qu'il est aussi possible de fabriquer des objets à partir de certains matériaux, et qu'il existe un mode maléfique permettant de gagner des armes spéciales en jouant du côté des forces du mal les principales batailles d'un chapitre déjà terminé. Le fait est que les inconditionnels du genre ne pourront pas s'empêcher de constater que le soft ne possède pas cette étincelle qui donnerait envie d'y passer des heures et des heures. Ce qui n'est pas plus mal puisque Le Tiers Age souffre également d'une durée de vie plutôt faible quand on la compare à la cinquantaine d'heures qui constitue la durée de vie moyenne d'un bon RPG. Notez que certaines quêtes sont facultatives et qu'il est possible de revisiter des endroits déjà terminés. Maintenant, il est évident que malgré ses défauts, Le Tiers Age est un titre que les joueurs mordus à la fois par le virus de Tolkien et du RPG ne pourront pas s'empêcher de se procurer. Il n'en demeure pas moins que celui-ci constitue tout de même une certaine déception.
- Graphismes15/20
Le soft s'appuie sur la licence pour impressionner avec une mise en scène toujours bien sentie et des mouvements de caméra qui dynamisent bien les affrontements. On reconnaît facilement toutes les créatures issues de la trilogie cinématographique ainsi que les lieux parcourus.
- Jouabilité14/20
Le Tiers Age n'innove pas vraiment en ce qui concerne le gameplay, reprenant les bases du RPG au tour par tour sans parvenir à trouver l'étincelle qui aurait pu le démarquer. Les capacités sont nombreuses mais les possibilités sont limitées, la progression linéaire n'offre aucune liberté et le rythme est coupé par les allers-retours incessants dans les menus.
- Durée de vie11/20
On ne se faisait pas trop d'illusions sur ce point-là, mais la durée de vie n'est vraiment pas à la hauteur des autres titres du genre. Le manque d'intérêt du mode Maléfique et la linéarité des quêtes ne donnent guère envie d'y passer plus de temps que nécessaire.
- Bande son15/20
Forcément, en s'appuyant sur les musiques de la trilogie cinématographique, le jeu fait son petit effet. L'ambiance est du coup excellente mais ça reste du déjà entendu. Le doublage français est de très bonne facture.
- Scénario12/20
Le groupe de personnages que l'on contrôle suit les traces de la communauté, ce qui ne laisse aucune place aux effets de surprise. Tous les événements sont prévisibles et les lieux visités sont déjà connus.
Le pari de concurrencer les RPG nippons avec un jeu de rôle basé sur le Seigneur des Anneaux était ambitieux, mais le contrat est loin d'être rempli pour Electronic Arts. Si on le dépouille de son habillage luxueux dû à la licence de la trilogie cinématographique, Le Tiers Age affiche des faiblesses que ne pardonneront pas les habitués des jeux de rôle au tour par tour sur consoles. Reste un titre divertissant que ne laisseront pas passer la plupart des fans.