C'est un fait étrange et difficile à comprendre de voir à quel point Vivendi semble prendre la sortie du jeu très, très haut par-dessus sa jambe pleine de dollars. Voilà pourtant la suite attendue d'un jeu qui aura inspiré bien des créateurs, PlanetSide bien sûr, mais également la plupart des softs faisant intervenir des véhicules (on pensera donc à Battlefield). Un manque de reconnaissance troublant pour un jeu qui, il est vrai, n'a jamais vraiment touché un très grand public.

Première nouveauté pour ce troisième opus, l'arrivée d'un véritable mode solo scénarisé dont l'intrigue s'articule sur le destin de 2 princesses impériales, la mère puis sa fille Julia, que la destinée conduira à joindre les forces rebelles des Tribals. Si cette campagne n'a pas de quoi faire oublier les productions actuelles on peut lui reconnaître quelques points positifs, son scénario entre autres qui donne un peu de corps à l'univers du jeu, mais aussi son dynamisme qui repose sur les bases même du gameplay original. Plaisante à parcourir, cette campagne a surtout pour elle de faire office de tutorial de haute volée puisqu'on pourra y pratiquer à foison le ski, l'usage du jetpack et la conduite des véhicules sans risquer de se faire laminer la tronche par des joueurs skillés à mort.

Mais soyons concis sur ce point, le vrai jeu, c'est dans le mode multijoueur qu'on le trouve. Avant d'en arriver à faire l'éloge du titre, il faudra en passer par certains regrets. Ainsi, à force d'être repompé, on a fatalement le sentiment que Tribes Vengeance n'a plus grand-chose à apporter au genre et à la série en particulier. Les véhicules, on en voit partout aujourd'hui. De même, les modes de jeu sont d'une banalité indubitable, le mode Ball sort tout droit d'Unreal Tournament 2003, le mode fuel consiste à remplir un réservoir sans se faire écharper et le rabbit est une variante du CTF. Le Capture The Flag demeure à ce sujet le mode le plus appréciable, en partie parce qu'il sait se doter de quelques fioritures intéressantes. En sus de devoir protéger son drapeau et aller piquer celui du camp adverse, on devra également prêter attention à certains détails importants. Par exemple, chaque base dispose d'un générateur, si vous le détruisez, vous privez l'équipe de ses stations d'équipement. Stations qui permettent de changer d'armure et d'arme. Les tourelles défensives seront elles-aussi rendues hors d'usage, ainsi que les points de spawn des véhicules.

Voilà de quoi ajouter un aspect tactique capital au jeu. A chacun son boulot, s'occuper des drapeaux, protéger/réparer le générateur, les stations d'équipement, piloter un véhicule etc. On rencontre même un système de récompenses au frag qui vous permettent d'atteindre un niveau supérieur de dégâts.

Pourtant, c'est encore ailleurs qu'il faut chercher ce qui fait de Tribes l'alternative absolue à ceux qui en ont marre d'Unreal Tournament. Son gameplay à la fois sauvage et subtil, est toujours d'une intensité ravageuse, due en très grande partie au mode de déplacement que l'on adopte. Deux éléments clefs doivent être maîtrisés du mieux possible : le ski et le jetpack. Pour ce dernier, tout le monde aura saisi l'idée de ce pack dorsal qui permet de s'envoler à 40 mètres dans les airs. Sa maîtrise résidera dans la capacité du joueur à gérer son énergie afin de ne pas se retrouver à cours, contraint d'attendre cloué au sol (ou en plein ciel) que le niveau remonte. Pour sa part, le ski consiste tout bêtement à skier, à glisser sur les pentes. En combinant les deux modes de déplacements et en appréhendant correctement la topographie des maps, on parvient à atteindre une vitesse fulgurante, à bondir en tous sens et à frapper tel l'éclair. Ca a l'air simple, mais ça ne l'est pas. Parvenir à contrôler ces mouvements n'est pas une mince affaire, mais c'est ce qui fait le charme du jeu et sa difficulté. En gros, réussir à toucher un joueur hautement skillé revient à s'efforcer de sniper un papillon sous amphétamines. Le snipe n'est d'ailleurs pas une activité de tout repos dans Tribes, outre le fait qu'il soit particulièrement ardu de faire mouche, rester planté derrière un talus n'est pas vraiment recommandé.

On réalise vite que contrairement à la tournure que prennent nombre de shooters onlines, l'infanterie conserve ici sa domination et ceux qui en doutent n'ont qu'à se pencher sur le level design des maps. Hautes en relief, parfois chaotiques et toujours très vallonnées, ces dernières sont là pour que les skieurs s'éclatent.

Du côté de la technique, Tribes s'en tire très convenablement sans prétendre à devenir une référence. Pour ce qui est du solo, c'est plutôt limite, mais le résultat est plus convaincant lorsqu'on joue online avec des modèles suffisamment détaillés et des effets efficaces et péchues. Seules certaines réactions de la physique peuvent parfois choquer un peu, mais le plus souvent cela concerne le ragdolls pas super crédible. On note également quelques bugs de collisions à l'occasion et une animation à qui il arrive de partir dans les choux. Rien que ne sauraient corriger un ou deux patches.

Du côté des regrets, on pourra ajouter à la liste le faible nombre de véhicules disponibles, 4 seulement.. Il faut d'ailleurs préciser que contrairement à Tribes premier du nom, il faut maintenant attendre que les engins apparaissent à un rythme régulier pour les utiliser et donc camper près du point de respawn. Les armes elles aussi auraient gagné à être un peu plus originales. Pourtant, on ne peut nier leur qualité, la plupart sont des classiques de Tribes et chacune a son utilité et son contexte d'usage propre qu'il faudra comprendre. Tout de même, on aurait aimé être un peu surpris à ce niveau.

In fine, des questions se posent. Tribes 3 meilleurs que Tribes ? "Meilleur" peut-être pas, différent dans la continuité disons, et peut-être plus accessible. "Et par rapport à UT2004 ?". Voilà deux mondes bien différents. Tribes Vengeance est plus exigeant si on souhaite survivre et possède un aspect tactique et des subtilités de gameplay plus développés, le tout combiné à une expérience de jeu intense et nerveuse. Les adeptes d'un Unreal Tournament plus brut de décoffrage n'accrocheront pas nécessairement. Mais voilà une excellente alternative.