Les amateurs d'animation japonaise, et d'oeuvres de qualité tout simplement, se souviennent sans doute du fabuleux Jin-Roh, réalisé par Okiura Hiroyuki, en 1999. Cette production nous exposait les relations conflictuelles entre deux sociétés antagonistes dans un Japon soumis aux principes totalitaires d'une Allemagne illuminée de sa victoire lors de la seconde guerre mondiale. Nageant en pleine uchronie, ce long métrage d'animation scénarisé par Oshii se trouvait focalisé sur une unité spéciale de la police nippone, appelée la "Kerberos Panzer Corps". Composée de soldats d'élite enfermés dans de massives armures noires, dont les seuls orifices étaient deux lampes rouges relayant les yeux des hommes, cette troupe aux méthodes répressives tient les rebelles en respect, de par son armement nettement supérieur. Pourquoi cette référence ? Me direz-vous. Tout simplement parce que Killzone s'inspire de cet animé majeur sous bien des aspects.

Aux commandes de l'un des commandants de l'ISA (Alliance Stratégique Interplanétaire) vous êtes plongé immédiatement dans un conflit dont vous ne connaissez que les tenants. Il y a de cela quelques années, la technologie terrestre atteint un degré de perfection telle que les scientifiques décident de partir à la découverte de nouvelles planètes dans le système solaire. Des colonies se forment alors au gré des années, s'unissant enfin sous une même égide pour plus de facilité, et nommée ISA. Néanmoins, des voix commencent à s'élever contre les gouvernements terrestres. Une planète en particulier voit des groupuscules armés se former, Helgan. Soumis aux radiations nécessaires au fonctionnement des infrastructures, les habitants subissent l'assaut de maladies diverses, et succombent par centaines. Abandonnés par les autorités terrestres, ils décident de prendre une revanche sanglante, et fondent les Helgasts, factions d'assaut guidées par la haine. Déclenchant une guerre totale contre les traîtres de l'ISA et la Terre, ils deviennent une menace incontestable. Utilisant la tactique de la "guerre éclair", ils écrasent tour à tour les plus puissantes colonies spatiales. A vous d'arrêter cette folie meurtrière.

Chaque fantassin ennemi possède une combinaison de combat de la couleur de l'abysse, et n'a de vision sur le monde qu'au travers de deux globes rougeoyants, dénués de toute émotion. Disposant d'armes lourdes dévastatrices et d'une volonté aveugle de victoire, ils demeurent en tout point semblables aux "panzers" de Jin-Roh. D'autre part les appellations aux consonances allemandes (Blitzkrieg, Helgasts), ne laissent aucun doute sur les inspirations de Guerrilla. Mais là où Killzone se démarque, c'est bien sur le background vraiment plus axé science-fiction, rappelant un tantinet la nouvelle "Second Variety" de Philip K.Dick pour ceux qui connaissent. Dans ce monde sans espoir, vous allez découvrir un FPS nerveux. En effet, Killzone, fait partie de cette nouvelle race de First Person Shooter scénarisé et volontairement très immersif, à la manière d'un Call Of Duty par exemple. Très scripté, il vous met face à des situations clairement cinématographiques dans leur surgissement et leur déroulement spectaculaire, afin de vous faire participer à une aventure la plus prenante émotionnellement parlant. Un atout non négligeable, qui possède aussi un revers, celui de ne pouvoir fonctionner qu'une seule fois. Effectivement, après avoir vécu l'attaque d'un blindé à un endroit précis, il est évident que la seconde fois, la scène se déroulera de façon analogue, nuisant un tant soit peu au plaisir de la découverte. Mais on ne peut en demander sincèrement plus à une PS2 vieillissante, qui a tout de même de beaux restes.

Preuve en est la réalisation globale du titre. Si pour l'instant les bugs sont légion (des bras qui disparaissent dans les décors, des intervenants sans textures, des murs transparents, etc...), ce qui semble être une constante dans les versions éditeurs que nous avons reçu ces derniers jours (voir The Getaway 2 et Ghost Recon), on ne peut décemment faire de reproches à la qualité artistique générale. Les environnements destructurés ayant subi la violence d'un conflit visiblement cataclysmique, encore porteurs de stigmates fort clairs, bénéficient d'une attention toute particulière. Les textures sont détaillées et véritablement réalistes, accompagnant des effets d'"ambiance" tels que la gestion de la fumée ou des particules éjectées assez impressionnants. Les deux aspects les plus fascinants restent tout de même pour le moment l'animation des personnages, et le level-design, véritable créateur d'une atmosphère pesante. Un travail dirigé vers le "ressenti" donc qui pousse à se plonger dans cette quête sanglante, que l'on regrette un peu trop guerrière, au regard des réflexions qui auraient pu naître. Courant sous les rafales de mitrailleuses, cherchant refuge derrière la moindre caisse, vous serez heureux d'appréhender une maniabilité intuitive.

Basée sur les deux sticks, servant à vous déplacer et à diriger l'angle de vue, la jouabilité demeure relativement classique, renvoyant à la majorité des FPS présents sur PS2. La seule petit innovation est d'avoir placé le mode course et la visée respectivement sur L3 et R3, permettant de laisser les mains assez libres pour reprendre les commandes rapidement. Rien de bien original pour l'instant donc, mais la simplicité de l'ensemble rend la progression agréable. Par contre, j'émettrais un bémol concernant la stabilité du réticule de visée lors de l'utilisation du fusil sniper. Il faut vraiment se faire à la tendance maritime du viseur qui chaloupe dangereusement à chaque tentative de mise en place précise. Il est normal de posséder des variations, mais pas d'une aussi forte tonalité. Un déséquilibre que l'on trouve également au sein du comportement de vos compagnons. Membre d'une escouade vous devez bien entendu suivre vos hommes au coeur de la bataille. Cependant, ces derniers, détenteurs d'un Q.I de poule morte, restent au milieu de la route lorsqu'un tank déboule droit sur eux, subissent des tirs nourris sans se dissimuler, et ne se replient jamais. Une lacune à corriger, nuisant à l'immersion de manière notable. D'autant que le fait d'être inclus dans une formation implique des relations avec les membres tiers. En revanche, les attitudes des forces Helgasts sont le plus souvent surprenantes et ne feront que renforcer votre sentiment d'insécurité constante. Surgissant de n'importe où, et en nombre conséquent, ces dernières ne vous laisseront que peu de temps pour trouver une solution à leurs assauts. Attendant patiemment que vous vous découvriez pour faire feu, et ne restant jamais à une place fixe longuement, il faudra sans cesse vérifier leur déplacement pour les prendre aux pièges. Plus prudentes que vos compatriotes, les sentinelles ne se jetteront pas bêtement dans la gueule du loup.

Au final, donc, et pour l'instant, Killzone apparaît comme une valeur sûre, simplement entachée de quelques problèmes qui devront être réglés dans l'optique de la naissance d'un soft de qualité. Disposant de plusieurs modes multi intéressants, d'une possibilité online, et surtout d'une bande-sonore accrocheuse et extrêmement immersive, le titre de Guerrilla corrige les lacunes de certains autres jeux axés sur un côté spectaculaire et cinématographique tout en en conservant d'autres. A suivre de près donc, car les productions dépositaires d'une telle ambiance se font rares de nos jours. Et pour ceux qui n'ont pas vu Jin-Roh, jetez-vous dessus.