Dans le futur, de préférence apocalyptique, les habitants de colonies spatiales affranchies même de la vision et du souvenir de la Terre, passeront visiblement leur temps à organiser et imaginer des courses de vitesse fort dangereuses, mettant en scène des véhicules à la motorisation proche de celle d'avions supersoniques plus proches de nous (du moins chronologiquement parlant). Au lieu d'essayer d'améliorer la société, d'éviter les guerres, ou de révolutionner le domaine de la pensée, l'occupation principale sera donc la conception d'outils de divertissement filaires. Qu'on ne me dise pas après que si un conflit nucléaire éclate, on ne s'y était pas préparé. Forcément, si l'on occupe le plus clair de son temps à mettre sa vie en jeu bêtement...
Néanmoins dans un contexte peu propice aux envolées lyriques et à l'appréhension d'une douce et paisible existence, ces confrontations vives et acrobatiques contiennent peut-être la clé d'un apaisement des tensions au niveau du peuple. Extérioriser sa violence interne lors de telles réunions peut sans doute libérer certains de pulsions qui auraient pu s'extirper dans des situations moins propices. Vous allez donc endosser le costume seyant à la bonne odeur de cuir de l'un des 12 pilotes émérites et inconscients offrant leur existence malheureuse aux bonnes grâces d'un public conquis. Il vous faudra donc vous comporter de manière suffisamment attractive pour gagner les faveurs de la foule, et ainsi acquérir une notoriété conséquente, au volant d'objets taillés telles de fines lames, séparant l'air en deux courants dissipés par de puissants réacteurs brouillant l'atmosphère de leurs vapeurs ardentes. Flottant à seulement quelques centimètres du sol, ne distinguant plus même le relief du sol s'extirpant sous votre être, vous devrez apprendre à faire passer vos compétences avant votre peur. Et ce ne sera pas une promenade de santé, loin de cet état de fait. En premier lieu, il faudra vous habituer à la maniabilité déstabilisante de vos montures d'acier brûlant. En effet, à la différence des somptueux Wipeout Fusion et F-Zero GX, Powerdrome se propose de nous faire vivre la course par le biais d'une caméra plutôt que d'un bolide furieux. Le résultat apparaît comme un sérieux problème, du moins lors des premiers essais. Autant il est logique que le point de vue bascule de la gauche vers la droite lorsque l'on se trouve en vue interne, les yeux rivés sur le compteur de vitesse, autant cela devient clairement inquiétant lorsque ce même phénomène se reproduit en vue externe. Alors que l'on espère ressentir un afflux moindre de chocs et de chaos, et de ce fait une immersion moindre mais une prise en main plus docile, il faut rapidement reconnaître qu'il n'en est rien.
Vous balançant tel un frêle esquif soumis à un tsunami, il vous arrivera souvent de regretter l'absence de précision notoire lors de virages en épingle, sachant qu'il vous sera difficile de bien visualiser la sortie. Un écueil certain qui disparaît un tant soit peu avec l'expérience mais qui demeure étrange. Il est bien plus aisé de réagir avec efficience à la rencontre d'une courbe terrifiante dans F-Zero GX, qui, paradoxalement, propose une vitesse d'animation approchant le délire stromboscopique. Par contre, et ce davantage dans l'esprit de Wipeout, le moteur physique des vaisseaux se révèle sincèrement intéressant, dans son inertie dosée intelligemment. En fonction de votre célérité vous glisserez sur une distance plus ou moins étendue au surgissement d'un virage, vous déportant évidemment plus fortement dans le cas de l'utilisation des freins. Le tout dans un déplacement fluide et un tantinet "coulant" des plus agréables. Reste ensuite à gérer l'accélération dans le but de s'échapper de l'"attraction" due à la vitesse. Une approche certes sympathique, mais qui ne serait rien sans un gameplay le soutenant de ses bras musclés. Malheureusement, et pour ne pas conserver le suspense, on ne peut pas qualifier celui-ci de vraiment probant. Apportant quelques originalités, il reste tout de même relativement classique dans le fond.
Le déroulement d'une course du point de vue du vaisseau est donc le suivant. Ce dernier comporte un cadran servant aussi bien de compteur de vitesse, que d'indicateur de dégâts et surtout de témoin d'engrangement du "turbo". C'est d'ailleurs ce dernier aspect qui nous intéresse. Loin de la collecte d'objets démontrant un classicisme désuet, Powerdrome tente une approche innovante et mise en place de façon inspirée. En fait, vous serez récompensé si vous parvenez à résister suffisamment longtemps à un choc avec les obstacles entourant les pistes. Une jauge se remplit en effet au fur et à mesure de la distance parcourue, si tant est que vous demeuriez sur votre chemin, sans accrocs. Dès qu'elle atteint son sommet, vous remportez un "turbo". Une fois celui-ci en votre possession, rien ne vous empêche de poursuivre votre cavalcade pour en posséder jusqu'à trois maximum. Vous comprendrez donc aisément que si vous réussissez à maîtriser votre pilotage, il est tout à fait probable que vous ne manquiez jamais d'accélérations fulgurantes. Un aspect qui pousse à s'entraîner durement. Dans le même ordre d'idées, vous aurez le choix entre utiliser ce "turbo" en tant que gain de rapidité, ou en tant que temps de réparation. Un aspect stratégique qui vous demandera souvent réflexion, sachant que si par malchance vous veniez à être pulvérisé, vous accuseriez un sacré retard (logique). Dépasser ou survivre ? Toutefois, mis à part cela, les modes de jeu présents demeurent classiques, allant du championnat incluant des duels, courses simples, et affrontements au sein desquels le dernier concurrent de chaque tour se voit éliminé, au mode multijoueur fort décevant n'abritant que du vent, en passant par un aspect contre-la-montre servant en fait d'entraînement. Notre oeil hagard se détourne alors vers un point encore non abordé, la qualité graphique.
Il faut alors différencier le design et le moteur graphique général. Effectivement, si l'on s'en tient purement et simplement à la ligne des différents véhicules que vous aurez l'immense privilège de prendre en main, il faut avouer que certaines de ces machines infernales (comme dirait le capitaine Haddock) disposent d'une recherche artistique digne d'intérêt. Dépositaires d'une robe effilée aux contours agressifs et aiguisés, les "lames" comme les habitants de l'Hégémonie des Mille Mondes les nomment se montrent pour la plupart en parfaite adéquation avec l'ambiance dispensée tout au long du titre. Dans une volonté similaire, les divers environnements traversés, s'ils ne disposent pas d'un rendu convaincant et affichent des textures bien pauvres, proposent des architectures futuristes immersives, permettant de se remémorer certaines cités propres aux oeuvres de science-fiction pessimistes. Ce côté contrebalance un peu le character-design peu propice à l'admiration. On pourrait se dire que cela n'est du qu'à la modélisation imprécise et manquant cruellement de polygones, mais lorsque l'on observe les artworks que l'on peut empocher au fur et à mesure de la progression, on remarque que bien que les modèles 3D soient effectivement en grande partie la cause de cette inimité, reste que les crayonnés, s'ils sont fouillés au niveau du détail, n'apparaissent pas spécifiquement attrayant ou originaux. Les personnages manquent de charisme et surtout de caractère. Même si leurs animations durant les affrontements amènent un peu de vie à l'ensemble, ils ne diffusent aucune effluve rendant un choix ciblé résultant d'un coup de coeur.
Par contre je n'ai remarqué aucun ralentissement, malgré le défilement fort rapide des pistes et la présence de plusieurs adversaires. Il est donc d'autant plus regrettable que ce titre subisse une vacuité évidente au sein de son fond et que son aspect graphique ne soit plus fouillé. Espérons qu'il exploite ses bonnes idées dans une suite plus ambitieuse.
- Graphismes11/20
Malgré le fait de proposer des environnements dépaysants et bien construits, accueillant des pistes aux tracés assez inventifs, Powerdrome souffre néanmoins de sa réalisation globale. Des vaisseaux au design convaincant côtoient effectivement des personnages peu avenants déambulant en présence de textures peu détaillées, preuve d'un manque de finition évident. Toutefois, proposant une vitesse d'animation conséquente, il parvient à se situer dans la juste moyenne.
- Jouabilité12/20
Déstabilisante au premier abord, la jouabilité parvient cependant à donner envie de poursuivre ses efforts, notamment grâce à un système de "turbo" bien pensé, inhérent au gameplay. On pourra regretter le tangage massif s'imposant à nous sempiternellement, qui nuit un tant soit peu à l'implication. Les modes de jeu sont somme toute classique, et l'on ne reviendra pas forcément au creux du soft une fois celui-ci achevé.
- Durée de vie12/20
Le nombre de pistes à débloquer est assez élevé, et il faudra du temps pour tout débloquer du fait de la hargne notable des concurrents, souhaitant plus vous percuter que tenter de gagner les diverses épreuves. De plus, pour les acharnés, il est possible de dévoiler des artworks et des crayonnés préparatoires de bonne qualité. Enfin, la présence d'un mode multijoeur est à signaler, bien que celui-ci soit purement anecdotique.
- Bande son12/20
Les effets sonores sont un tout petit peu trop étouffés et ne participent pas vraiment à une impression de puissance liée à la vitesse. Les compositions musicales quant à elles s'avèrent agréables mélangeant de nombreux genres et se distançant de l'habituelle techno propre aux jeux du genre. Néanmoins, on n'atteint pas la force d'un Wipeout de ce point de vue.
- Scénario/
-
A côté des monstres ludiques et surtout artistiques que sont F-Zero GX et Wipeout, il est certain que Powerdrome subit une ombre castratrice le reléguant juste au-dessus des ténébreuses abîmes des productions vidéoludiques. Malgré cela, le dernier titre publié par Xicat, s'il n'est bien entendu pas une révolution, conserve de bonnes idées, et un gameplay intéressant sur le court terme. Sa durée de vie dans l'absolu se révèle convenable pour un produit du genre et pourra vous occuper quelques après-midi, si tant est que vous trouviez le soft en occasion.