Chasseur à onze heures, dégage, fox, dégage ! Le vocabulaire propre à l'aviation militaire peut demeurer un tantinet flou au profane, mais demeure incontestablement un gage incontestable de charisme social. Dans les repas mondains vous ferez sans aucun doute sensation lors de l'évocation de vos dogfights en compagnie d'escadrons de F-16 sur la zone B-15. Et si ce n'est pas le cas, ce qui risque avec peu de probabilité de se produire, vous aurez toujours une compensation ludique. Flirtez avec les nuages et laissez-vous bercer par la chaleur du soleil.
Ce tableau idyllique, rêve de tout amateur d'appareils volants au design agressif et pensé dans les moindres angles et aspérités, peut-il s'appliquer pleinement à un soft mettant en scène ces merveilles d'électronique et d'aérodynamisme ? Afin de garder le suspense pour que vous puissiez parvenir à la fin de mon test sans avoir étouffé des soupirs de lassitude, je ne dirais qu'une chose, maigre indice, peu de produits à vocation ludique ayant trouvé refuge sur la console de Sony dans le registre qui nous intéresse aujourd'hui se sont révélés dignes d'intérêt. A part la série des Ace Combat qui décante au fil des heures de jeu, la maîtrise allant, un plaisir sans cesse renouvelé et une véritable fascination pour les ballets aériens involontaires déclenchés par vos soins, peu de titres peuvent se targuer de proposer au joueur une immersion sensible au sein d'un univers et d'une trame scénaristique cohérents et originaux. Mais voici que Energy Airforce : Aim Strike tente de se faire une place dans la chaleur des réacteurs aux douces vapeurs d'essence. Néanmoins, là où l'ensemble de softs de Namco se veut purement et simplement arcade, autorisant les renversements les plus improbables et une négation totale des lois de la physique, le petit dernier de Taito éprouve du mal à verrouiller sa cible. En effet, celui-ci se trouve perdu entre un aspect simulation et un autre, vous l'aurez deviné, plus grand public. Ce qui aboutit à une approche première chaotique et un tant soit peu rebutante, pour les raisons suivantes. En premier lieu, les adeptes sans concession d'Ace Combat, seront complètement envahis de doutes dès le plus simple des entraînements disponibles au sein du jeu, à savoir l'apprentissage du vol. Il ne vous faudra pas moins qu'une lecture de sept pages, remplies de termes techniques et d'une "mise en page" austère agrémentée de graphiques avant d'avoir la chance, que dis-je le privilège de tenir dans ses mains moites le "manche à balai" d'un des avions de chasse plus aboutis des dix dernières années.
On se rend donc compte immédiatement que tenter un looping tient du suicide et que virer de bord trop rapidement provoquera votre irrémédiable chute. Les jets sont effectivement pris en compte et des changements brutaux de direction ou d'altitude donneront des troubles de la vision au pilote que vous êtes. De même, interloqué par les dizaines d'indications vitales décorant votre cockpit, découlant de votre ordinateur de visée, vous aurez plus tendance à admirer ces dernières au détriment de l'environnement, du moins au début. Par la suite, vous remarquerez qu'une fois les principales fonctions mémorisées, les autres n'apparaissent que comme une somme de détails peu indispensables. Toutefois, il faudra sans cesse garder un oeil sur le niveau d'essence, les munitions, et surtout les icônes représentant les objectifs de votre mission. On peut de ce fait aisément se dire que les piqués seront notre tombe, et que les rase-mottes n'aboutiront qu'à une mort certaine, mais ce serait se fourvoyer. Se repositionner dans le droit chemin et repartir sereinement est on ne peut plus possible (dans une certaine mesure bien évidemment) et contraste avec l'habillage précis et scolaire. On stagne donc au creux d'une vague dont les deux crêtes se repoussent. D'une part, on remarque une grande attention sur le réalisme via des réactions en condition de vol très crédibles, et d'autre part une permissivité dans les redressements tenant davantage de l'arcade. On est tenté de piloter avec classe et fougue, mais des restrictions nous arrêtent. Dommage. La possibilité entrevue gâche relativement l'implication. L'utilisation des armes par contre repose essentiellement sur une matérialité formelle et relativement obscure pour un novice. En fait, l'impression qui se dégage, c'est plutôt la complication inutile de certaines explications manquant cruellement de pédagogie. Le maniement des missiles par exemple, bien que prenant en comte de nombreuses données affichées sur le viseur n'est pas aussi catégoriquement complexe que l'affirme le tutorial.
Soit vous avez la possibilité de choisir le type de roquettes, fonctionnant avec un guidage laser, ou à la chaleur, ce qui modifie le réticule de visée en conséquence et redéfinit votre approche de la cible, mais cela n'implique pas un remaniement difficile à comprendre, étant donné que la vraie variation n'est en fait pour résumer que la portée. Dans le même ordre d'idées, les bombes disposent d'un principe de largage inspiré du système de balisage que l'on trouve sur les avions militaires de nos jours, qui se révèle assez incommode à l'essai, corroborant l'aspect simulation. Ce n'est pas pour autant que vous détesterez cela, loin s'en faut, mais il faudra vous habituer à jongler entre les styles. Si vous posez la question de savoir si l'on peut préparer son appareil avant le décollage, et bien effectivement. Dans ce cas présent, vous êtes limité aux choix des missiles, de la réserve de carburant ou des bombes (que vous pouvez choisir de laisser à la base pour gagner du poids, et donc de la vitesse), ce qui n'est pas vraiment poussé et tranche un tantinet avec le réalisme survolé. Je ne critique pas l'inclusion d'arcade dans la simulation qui peut être un bénéfice mais le déséquilibre que cela engendre ici, même s'il n'est pas immense. Pour autant le gameplay ne s'en sort pas trop mal, et procure des sensations de vol agréables doublées d'une certaine liberté d'action doublée de fierté après quelques missions réussies avec brio. Il faut également reconnaître que l'on "sent" bien l'appareil et que la force de contact avec l'air se transmet dans les joysticks innocents qui seront bien vite triturés dans tous sens par vos mains tendues par le stress d'un atterrissage.
A ce propos, la réalisation graphique est elle aussi lustrée qu'une carlingue dans un hangar de l'armée ? On se trouve dans ce cas une nouvelle fois devant un équilibre instable, qui déçoit d'autant plus. En effet, lors de vos survols enflammés de contrées à la géographie d'une imagination aléatoire, vous serez surpris agréablement par la qualité évidente de ses environnements imposants, aux reliefs saillants faisant place à des fjords paisibles, dans une continuité naturelle. On a parfois l'impression de survoler de véritables photographies tellement le sol semble conforme à ce que l'on expérimente dans la réalité. Le seul bémol pourrait être la représentation des villes à basse altitudes, atteinte du syndrome Ace Combat justement. Une texture aplanie et baveuse officiant en tant qu'ersatz de cité. Si les décors font donc honneur aux développeurs, les avions quant à eux laissent un goût amer dans la bouche. Pixélisés et subissant un aliasing discret mais néanmoins présent, ils font vraiment pâle figure aux vues du potentiel de la console. Modélisés avec un nombre insuffisant de polygones, ils ont tendance à tous utiliser une texture semblable, masquant un tant soit peu les angles, mais leur conférant un aspect lisse, et fade. Le cockpit quant à lui fait amende honorable, car s'il n'a pas disposé d'un afflux de concentration, n'en reste pas moins crédible et suffisamment réaliste pour nous plonger au creux de combats aériens dynamiques tenus en défaut par la lenteur accablante des déplacements "inactifs" dans le but de rallier un point à un autre. Heureusement que le stick droit permet de regarder alentour, car la lassitude se ferait vite sentir si nous étions obligés de fixer le réticule durant 5 minutes sans la moindre bourrasque pour nous détourner de cet acte quasi hypnotique.
En parlant de ça, la mise en place des diverses missions dans le mode "histoire" (accompagné d'un mode "attaque", donnant le pouvoir de créer ses propres affrontements) est intelligente, et met à disposition un choix assez élevé de tâches à accomplir pour la sauvegarde de la paix. Vous avez en résumé la liberté de souhaiter effectuer telle ou telle étape sans autre restriction que votre volonté. Ces dernières deviennent accessibles au fur et à mesure de vos victoires, et vous donneront droit en sus à la découverte de films retraçant l'histoire de tous les avions présents. Un cadeau peu intéressant, car sans aucune explication, mais néanmoins présent. De ce fait, on pourrait donc se demander ce qu'apporte ce titre par rapport au précédent. Et bien il apparaît plus explicitement qu'il retire des données qui pourtant demeuraient un plus indéniable. Le mode arcade a curieusement disparu, tout comme le mode "dogfight", qui amenaient pourtant une once d'originalité. On pourrait alors se dire que Taito a voulu se focaliser sur la simulation si seulement le déséquilibre dont je parlais n'était pas présent. De plus aucune évolution graphique n'a eu lieu entre l'opus précédent et celui-ci, pire, il y a moins d'appareils disponibles. On ne peut donc pas féliciter la société japonaise pour son absence d'innovations durant pourtant l'année entière qui sépare les deux softs. Pour finir, on notera tout de même une scénarisation des missions plus importante et surtout leur présence en plus grand nombre. Une goutte d'eau dans un océan. Au final donc, et malgré une localisation perfectible, Energy Airforce : Aim Strike, de par son gameplay attractif bien que déséquilibré et son côté empiriste, où l'expérience seule vous pousse à poursuivre votre progression se sort des griffes avides du monde des jeux sans âme et sans intérêt, in extremis. Roger, terminé.
- Graphismes11/20
Il est vraiment étrange de voir cohabiter des décors aux doux reflets, véritablement réalistes et arborant une gestion des teintes sincèrement convaincante, et des avions mal modélisés, ternes et fades n'étant pas même soumis aux variations lumineuses. On se consolera avec la présence d'une texture propre aux nuages très correcte, relayée par un ciel conservant tout sa beauté inhérente.
- Jouabilité12/20
Malgré un déséquilibre indubitable, le gameplay parvient à convaincre en offrant ses meilleurs fruits après quelques heures de jeu, lorsque l'on commence à maîtriser l'appareil dans lequel d'épaisses ceintures nous collent au siège. Par contre je ne comprends toujours pas la volonté des développeurs de proposer une carte détaillée peu lisible et un plan de vol intégré au cockpit obscur. Il n'est pas rare que l'on se perde à cause de cela, ce qui est dommageable. A peaufiner pour un prochain volet.
- Durée de vie12/20
Le grand nombre de missions et surtout la difficulté croissante compliquent la tâche louable d'admirer le dénouement du titre et vous obligeront à affiner vos compétences de pilote pour espérer terrasser l'ennemi. On regrettera par contre le peu d'avions disponibles, ainsi que l'inutilité des petits films que l'on remporte à la fin d'une mission. Mais c'est surtout la lenteur des déplacements entre deux points qui aura peut-être raison de votre acharnement.
- Bande son11/20
Le travail sur le son est correct sans plus, suffisant à recréer une atmosphère propice à une immersion dans le monde de l'aéronautique. On aurait souhaité en fait un peu plus de puissance lors des décollages et des accélérations, de manière à implémenter un dynamisme supplémentaire. Les compositions musicales sont quant à elles en faible quantité et également d'une qualité relative. Mais ce n'est pas le plus important dans un titre de ce type.
- Scénario9/20
Très classique mais bien amené au gré de missions possédant chacune un objectif précis et en accord logique avec le déroulement des événements.
S'il est un titre qui ne révolutionnera pas l'univers restreint et secret des divertissements à vocation aéronautique, Energy Airforce : Aim Strike demeure ce qu'est l'essence d'un produit vidéoludique classique, un amusement convenable et idéal si les cieux agressent votre petit coeur sensible. De bonnes idées, malheureusement accompagnées de lacunes, lui permettent de sortir un peu du marasme. Si la nostalgie de Tanguy et Laverdure vous tente, laissez-vous prendre... à petit prix.