Vous êtes-vous déjà senti épié, suivi dans d'étroits endroits sombres où chaque bruit éveille en vous la crainte ? Avez-vous toujours hésité à vous aventurer dans la pénombre sans une source lumineuse même faible ? Cherchez-vous à vous raccrocher à toute preuve sensible d'un monde concret, plongé dans les ténèbres ? Souvenez-vous, elles vous aspirent, vous entraînent dans des abîmes incertaines, s'emparant de votre être avec virulence. Désormais, la noirceur sera votre soutien, une douce étoffe dans laquelle vous glisser. Vous deviendrez sa réalisation, son arme la plus terrifiante.
Butcher Bay. Ce nom résonne dans les esprits de l'ensemble des nombreux habitants de toutes les galaxies environnantes comme un glas pénétrant et synonyme de souffrances intolérables. Prison de haute sécurité abritant les plus grands criminels, elle fonctionne d'une manière fort particulière. Plus qu'une détention, l'existence en ces murs tient de la survie pure et simple. Les murs lisses et couverts de traces de sanglantes batailles ne peuvent contrôler les détenus. Ils se contentent de les contenir. La seule punition en vigueur se révèle être une balle enfoncée profondément dans le crâne. C'est dans cette amas de ressentiments et de haine, que vous, Richard B. Riddick, encore inconscient de vos futures pérégrinations au sein d'une poussiéreuse planète peuplée d'êtres cauchemardesques (Pitch Black), êtes enfermé pour de longues et dramatiques années. Soumis aux sentiments humains les plus à même de naître dans un contexte comme celui-ci, votre avatar au crâne rasé et aux lunettes noires plus que seyantes place comme point de mire la fuite. Seule façon de s'extirper des griffes, non pas de la torture et de l'immonde, mais simplement de la restriction de mouvements. L'enfermement est pour Riddick la pire des limitations. Il vous faudra pour ce faire vous adapter rapidement aux lois diverses, adaptées à la personne qui les divulgue, dans un chaos paradoxalement bien délimité en zone d'influence.
Votre première tâche sera donc de parvenir à vous faire accepter d'un groupe par le biais de différentes missions à accomplir pour le compte de tel ou tel chef de gang. On touche là à l'un des points les plus dignes d'intérêt du soft, à savoir l'interaction avec les personnages environnants. Il est possible de discuter avec chaque être vivant d'un pénitencier cherchant à annihiler cette notion de partage. Possédant chacun une manière de réagir différente à vos injonctions plus ou moins violentes, il faudra vous montrer amical, ou du moins faire semblant de l'être dans le but de conserver un semblant de statut social. C'est la première fois dans un FPS que les phases scénarisées prennent presque plus de place que l'action dans le déroulement du jeu, du point de vue de la durée générale. Jamais inutiles, les rapports que vous entretenez avec autrui vous apprendront toujours de précieuses directives à appliquer à la lettre si votre but est de vous extirper de ce cocon malsain dans lequel vous baignez. Il ressort de ce fait de ce principe une réelle impression de vie, le sentiment que les intervenants vous entourant agissent pour et par eux-mêmes poussés par des aspirations semblables aux vôtres. Une question surgit donc inévitablement dans notre esprit. Y'a t-il une intelligence notable derrière ces hommes désabusés ? La réponse arrive avec diligence.
En effet, rapidement contraint à échapper à la vigilance amplement aiguisée des gardes de Butcher Bay, vous vous rendrez compte à vos dépends qu'il ne faut jamais sous-estimer un humain parce qu'il vous insulte dès qu'il vous croise, ou parce qu'il arbore des bottes en cuir d'un goût douteux. Vous auriez le cas échéant de sérieuses difficultés. Effectivement, l'intelligence artificielle, s'il possède parfois de très légères lacunes, apparaît d'une très grande qualité, au regard d'autres jeux du genre. Parmi la multitude d'exemples possibles, en voici quelques uns de représentatifs. S'il vous arrive, par naïveté, d'éteindre les lumières en vous fiant totalement à votre vision nocturne (nous y reviendrons plus tard), vous serez bien surpris lorsque les néons auparavant noyés dans l'ombre se rallumeront dans leur vacillement caractéristique grâce à l'intervention d'un soldat trouvant étrange le fait que la moitié du bâtiment soit sujet à l'obscurité. De même, lors des nombreux échanges de coups de feu, n'espérez pas que vos assaillants vont se ruer sur vous de manière suicidaire. Ils vont attendre bien sagement que vous sortiez de votre cachette, tout en essayant de vous prendre à revers. Enfin, et même si cela ne peut paraître qu'un détail, si vous tirez sur un militaire alors que vous êtes tous deux dans le noir, il allumera sa torche et vous éblouira consciemment. Et oui, le jeu vidéo ce n'est plus ce que c'était.
Dans un identique souci de réalisme, il est possible de passer inaperçu dans le quartier des gardes si vous arrivez à mettre la main sur une de leurs tenues sans éveiller les soupçons. Libre à vous ensuite de converser avec eux en toute quiétude. Toutefois, effectuez ne serait-ce qu'une action infondée à leurs yeux, bousculez-les trop souvent, et l'inintérêt se transformera en doute, qui lui-même se métamorphosera en certitude. Libre à vous donc de privilégier une attitude naturelle dans l'optique de terminer votre mission dans une sûreté apaisante, ou de foncer l'arme au poing au creux de dizaines de soldats d'élites aux compétences bien plus affinées que les vôtres. Nous glissons donc naturellement vers le gameplay du soft, propice à combler n'importe quel joueur. Enfin, pourrait-on se dire. Enfin un titre qui n'usurpe pas le côté furtif affiché. Cela faisait longtemps.
Outre la fonction permettant de discuter avec d'autres personnages évoquée précédemment, Riddick a à sa disposition nombre de particularités intéressantes. Avant tout, il faut scinder le principe de jeu en deux catégories qui se complètent. Un mode furtif et un second "normal". Le premier permet, vous l'aurez évidemment compris, de baser votre philosophie de combat sur le silence et l'exécution lestement immédiate de vos opposants. A l'instar d'un Metal Gear Solid qui aurait adopté une vue à la première personne jouable, il est plus que conseillé de vous approcher avec prudence d'une cible afin de lui briser la nuque à l'abri des regards. Une fois accroupi donc (particularité de ce mode), il suffit de vous tenir à quelques centimètres de votre proie, pour voir vos deux mains monter en direction de son cou. Une simple pression sur la gâchette droite aboutit à une action bruyante, et silencieuse à l'aide de la gâchette opposée, tout en sachant que la seconde option prend plus de temps. D'autre part, cette position discrète vous octroie la possibilité d'écouter les pas de vos adversaires plus précisément, et de repérer leurs battements de coeur. Une fois tapi dans l'ombre de cette manière vous vous fondrez dans l'environnement comme une vulgaire brise légère. Une fois debout par contre, vous aurez accès à une vitesse de déplacement accrue, mais un éveil des sens absent. A côté de cette base solide, vous obtiendrez à un moment donné dans le soft une vision "nocturne", fort utile dans vos avancées stratégiques.
Rien ne vous empêche en effet de briser toutes les ampoules d'une pièce pour ensuite prendre l'ascendant sur les pauvres humains à l'intérieur. L'effet graphique résultant de l'activation de cette capacité se révèle d'ailleurs magnifique, décuplant chaque source lumineuse, et déformant sensiblement les bords de l'écran. Étonnant. Enfin, l'interaction avec le décor s'avère fort bien mise à profit. En résumé, il vous est possible d'escalader n'importe quel empilement de caisses métalliques en vue d'atteindre un point trop haut placé, ou de vous suspendre à une poutre traversant une large salle tel un Sam Fischer, la caméra se plaçant à la troisième personne pour l'occasion, pour vous faciliter l'accomplissement de l'action. Ces aspects du gameplay aboutissent par conséquent à la fomentation de plans machiavéliques dans le but louable de neutraliser les militaires un peu trop entreprenants, et surtout sûrs de leur sécurité. Se laisser tomber sur une sentinelle du haut d'un conduit servant à acheminer le gaz puis la traîner dans un coin assujetti à l'obscurité de façon à ce que ses collègues ne repèrent pas le cadavre est une des nombreuses libertés à votre disposition. Une diversité et un renouvellement constants, parachevant les sincèrement très bonnes impressions de l'ensemble. Et lorsque la forme transcende le fond, on ne peut que se réjouir.
Après Panzer Dragoon Orta, référence de la puissance graphique de la Xbox pour moi, je ne pensais pas être une nouvelle fois impressionné par la réalisation d'un titre oeuvrant sur la massive machine de Microsoft. Arborant le statut du plus beau FPS toutes consoles confondues, et surtout lorgnant vers celui du soft le plus surprenant, Chronicles Of Riddick est une petite perle dont la lueur ne cesse de flatter votre fibre artistique tout au long de l'aventure. Je ne sais par quoi commencer. La multiplicité des détails apparaissant à l'écran, les milliers de petites animations crédibilisant l'atmosphère, la gestion de la lumière atteignant des sommets de réussite, une utilisation de textures quasiment photo-réalistes, des modèles physiques ayant trait aux divers intervenants travaillés à outrance, une animation très correcte bien qu'un peu poussive en de rares occasions, une modélisation des visages fascinante, laissant la lumière parcourir les moindres aspérités de la peau, tout attire l'attention et passionne.
S'arrêter en pleine fusillade afin d'admirer les teintes ocrées et les buildings gigantesques ornant le ciel n'est pas l'apanage de n'importe quel FPS. Un travail de titan qui amène une immersion conséquente et profonde. Lorsqu'en plus ce côté addictif est relayé par une mise en scène cinématographique et un grand travail sur les dialogues (bien que certaines répliques sonnent un peu trop "américaines" dans le mauvais sens du terme) asseyant un contexte riche et prenant il est difficile de laisser tomber sa manette. On se prendrait d'ailleurs à vouloir délaisser cette dernière afin que rien ne nous détourne de ce film à l'interactivité approfondie. Une expérience fantastique dont l'épilogue tient en la bande sonore. Terminer par un aspect tel que celui-là n'est pas permis à beaucoup de titres. Le doublage est en effet surprenant. Des acteurs inspirés, impliqués, donnent une dimension à leurs incarnations de pixels, et participent à la cohérence d'une histoire pas franchement originale, mais dont les éléments sont suffisamment décantés pour que l'on ait envie de la suivre jusqu'à sa clôture. Enfin, les compositions musicales, axées en majeure partie sur l'ambiance, savent se montrer dynamiques et "épiques" quand il le faut. On notera tout de même une certaine répétitivité des morceaux ayant trait aux phases de combats. Au final donc, Chronicles Of Riddick devient un FPS incontournable, seulement handicapé par quelques menus défauts, comme par exemple le fait que certains détails mettent un laps de temps un peu trop long à s'afficher, qui ne suffisent pas à lui retirer son aura. J'y retourne.
- Graphismes18/20
Mêlant des environnements aux durs reflets métalliques avec des amoncellements plus organiques dans une ambiance glauque, doublée d'une vision d'un futur pessimiste, le nouveau titre de Sierra (alias Vivendi Universal) étonne autant qu'il fascine. Si seulement un léger problème de frame rate ne venait pas parfois nous tirer de notre admiration, Chronicles Of Riddick aurait peut-être brigué la place du plus beau soft Xbox. Des modélisations des visages aux traces laissées par les balles, les démonstrations de savoir-faire affluent à chaque coin. Impressionnant.
- Jouabilité17/20
La prise en main, malgré le nombre imposant de possibilités, se révèle intuitive et de ce fait immédiate. On notera toute fois quelques difficultés, assez rares, lors de l'escalade d'objets empilés concernant la trop grande sensibilité du stick. Le gameplay quant à lui procure une sensation de liberté plus que notable. Deux types d'approches différentes dans la résolution d'un objectif, l'exploitation intelligente de la notion de furtivité, l'interaction avec l'environnement, tout concourt à faire profiter au joueur d'un bonheur renouvelé régulièrement. Une réussite.
- Durée de vie11/20
Seul gros défaut du titre, la durée de vie ne n'occupera pas plus de sept ou huit heures de votre temps. Cela est vraiment dommageable, à la vue des qualités conséquentes du jeu. La possibilité de Xbox Live n'apporte pas grand chose à cette constatation, et l'on sort un peu déçu à cause de cette donnée. Cependant le plaisir est court, mais intense.
- Bande son16/20
Le doublage surprend agréablement par sa qualité, et les interventions des personnages demeurent toujours emplies de crédibilité et de passion. On a vraiment l'impression de pénétrer les conversations. Les compositions se révèlent quant à elles de bonne qualité, bien que certaines sacrifient l'ambiance au profit de la musicalité.
- Scénario14/20
Plus que le scénario en lui-même, c'est la construction du jeu qui s'avère intéressante et captivante. Les évènements surviennent de manière fluide, et ne souvent pas téléphonés, aboutissant à un plongeon voulu et agréable dans une trame, certes classique, mais suffisamment attractif pour avoir envie de contempler l'épilogue.
Ce titre est un mélange intelligent entre le cinéma pour le côté implication et fascination et le jeu vidéo (évidemment) pour le gameplay novateur et octroyant une liberté d'action fantastique. Bien que sa durée de vie heurte violemment notre plaisir intense, il n'en reste pas moins que Chronicles Of Riddick demeure un très grand jeu, et le meilleur FPS existant sur Xbox, en attendant Doom 3. Pour tous ceux qui aiment la science-fiction réfléchie insérée dans une atmosphère glauque et pessimiste, le titre de Starbreeze sera à n'en pas douter l'un de vos softs fétiches. Je vois vos yeux briller.