Le 4eme opus de la saga Silent Hill représente le début et la fin, l'Alpha et l'Omega, une transition, un passage, à l'instar de celui utilisé par le héros du jeu, qui poussera la saga horrifique de Konami de la case 128 bits aux consoles nouvelle génération. Renouant avec l'horreur tout en laissant la ville de Silent Hill en arrière-plan, The Room demeure avant toute chose une réflexion sur la claustrophobie, sur la solitude ou le voyeurisme et si nous attendrons la fin du mois de septembre pour nous étendre en long et en large sur le titre dont il est question dans ces colonnes, collons malgré tout un œil contre le judas pour voir de quoi il en retourne.
Plus qu'un jeu, plus qu'un gameplay, Silent Hill s'est toujours présenté comme un scénario, un synopsis, une histoire, une extension ludique subissant l'extrapolation horrifique d'un quotidien parfois si morne et indigeste. C'est ainsi qu'au fil des trois premiers épisodes, Konami a brillamment réussi à concevoir non pas un univers (même si telle une boîte de Pandore, la ville de Silent Hill ne cessa d'engendrer des horreurs, des doutes et des peurs indicibles) mais une façon de penser, de concevoir le jeu ou du moins l'aventure de notre avatar numérique. Soucieux de se démarquer de son homologue Capcomesque, Resident Evil, Silent Hill misera dès lors sur une ambiance où les non-dits, où les murmures, où les ombres prennent le pas sur les révélations, les bruits ou encore les affrontements. D'un premier épisode admirable à un deuxième opus tout simplement parfait (et se posant pour moi comme un des plus grands chefs-d'œuvre vidéoludique de l'industrie via le brassage de diverses pathologies menant toutes à la folie) en passant par un troisième segment un peu bancal dans sa construction, la firme japonaise nous sert aujourd'hui, tel un métronome, une quatrième aventure qui ne pouvait que rompre radicalement avec ses frères, enfin, du moins dans sa nature relationnelle avec la station balnéaire américaine, l'horreur lovecraftienne étant toujours au rendez-vous.
The Room nous conte ainsi les aventures (qui se mueront très rapidement en mésaventures) du dénommé Henry, enfermé depuis plusieurs jours dans son appartement par une force invisible. Des chaînes entravant sa porte de l'intérieur à la ligne téléphonique coupée en passant par les fenêtres hermétiques, Henry n'a d'autre choix que se questionner en attendant une aide salvatrice. Passé la porte du menu d'introduction ainsi que celle d'un prélude horrifique (cette idée de prologue ayant déjà été utilisée dans Silent Hill 3), l'histoire peut réellement débuter. La première innovation visible est que les développeurs ont opté pour une vue subjective quand lors de vos déambulations à l'intérieur de votre appartement. L'idée est intéressante et amène plusieurs aspects positifs. D'une part, ceci renforce bien évidemment l'immersion et une identification plus rapide, l'appartement étant des plus commun, mis à part les chaînes empêchant toute fuite extérieure par le biais de la porte d'entrée. Ensuite, ceci permet également d'accentuer le voyeurisme du jeu qui se veut finalement si pitoyable. Vous pourrez en effet regarder à tout moment par la fenêtre pour voir ce qui se passe dehors, jetez un œil au judas de votre porte pour regarder si quelqu'un se trouve devant votre « Home Sweet Home » ou encore espionner votre voisine en la reluquant par un trou dans le mur. L'aspect peu reluisant et déprimant de tout ceci est donc dû au fait qu'on sache pertinemment que personne n'entend nos cris, que personne ne se doute du cauchemar que nous vivons, mais que malgré ceci, la liberté qui nous est donnée devient au fur et à mesure un besoin irrévérencieux d'épier les faits et gestes de toute personne, de votre voisine comme de votre « entourage ». L'idée est donc très subtile et dérange autant qu'elle fascine.
C'est ainsi qu'après une petite visite en règle de vos pénates, vous découvrirez plusieurs indices, faisant avancer l'histoire et le gameplay. Si je me garderai bien aujourd'hui de vous révéler quoi que ce soit sur l'aspect scénaristique, précisons que votre appartement recèlera l'unique sauvegarde du jeu, le monde parallèle où vous allez évoluer ne permettant pas de repos mérité. Et justement, comment accéder à ce fameux monde obscure commun à tous les Silent Hill si nous nous trouvons dans un appartement calfeutré ? Et bien, tout simplement par l'entremisse d'un trou dans votre salle de bain qui ne sera que l'ouverture vers un long tunnel au bout duquel le paradis laissera sa place, d'une façon majestueuse, à un enfer insalubre. C'est d'ailleurs autour de ce tunnel que repose l'architecture de Silent Hill 4. Vous allez en effet devoir, réaliser tout au long du jeu de nombreux allers-retours entre les deux mondes en empruntant ces passages. Ceci repose bien entendu sur une évolution de l'histoire mais surtout sur le fait que vous devrez obligatoirement vous trouver chez vous pour sauvegarder et récupérer de l'énergie, ce qui m'amène à la jouabilité...
Autant être franc avec vous, si le gameplay se dote de plusieurs innovations, je n'ai pas vraiment aimé la tournure qu'induisait ce remaniement de jouabilité. Ce qui m'agace en premier lieu est qu'après un Silent Hill 3 plus axé action, Silent Hill 4 suit le même chemin, en se permettant même d'accentuer la chose. Concernant les points positifs, on notera tout d'abord la disparition de l'inventaire, qui n'était pas des plus pratiques dans les autres épisodes (sans amener une gêne, soyons clair), ce dernier étant ici remplacé par un menu d'action rapide pour choisir ses armes en pleine partie. Un autre bouton vous donnera également accès à la map ou aux documents que vous trouverez lors de vos investigations. Le joueur aura aussi l'occasion de ranger objets et armes dans un coffre situé dans l'appartement, l'idée faisant bien sûr penser à Resident Evil, même si ledit coffre ne repose par le principe des vases communiquants. En sus de ceci, on note aussi que les combats sont plus dynamiques avec entre autres la possibilité de charger un coup (pour faire davantage de dégâts) ou encore de réaliser un petit saut arrière pour éviter plus facilement les attaques ennemies. Ceci est bien vu même si je déplore une fois de plus que les combats prennent une place trop importante. D'ailleurs cela est indéniable puisque une jauge de vie apparaîtra constamment à l'écran pour vous rappeler où vous en êtes. Autant dire que cette barre gâche énormément l'immersion, d'autant que Silent Hill a depuis toujours fasciné par cette sensation étrange de ne pas être face à un jeu mais bel et bien devant une véritable expérience générée par un cauchemar abscons. Bref, je n'aime pas vraiment cet aspect et ceci est renforcé par l'apparition constante d'ennemis (des hommes volants sortant des murs et revenant constamment vous hanter) qui vous donneront beaucoup de fil à retordre, de par leur ténacité et leur capacité à vous enlever de l'énergie tout en restant à distance raisonnable. On constate une fois encore que The Room se rapproche dangereusement d'un Resident Evil, privilégiant les affrontements au scénario (qui tient malgré tout ses promesses, du moins pour l'instant) ou aux énigmes qui sont simples, en comparaison de celles des autres segments. A ce titre, il est d'ailleurs étrange de ne plus pouvoir choisir le niveau de l'action ET des énigmes en début de partie, les paliers de difficulté (Facile, Normal, Difficile) étant communs aux deux aspects du titre, étrange.
J'ai beau penser qu'il est « vulgaire » de parler technique quand on cite Silent Hill, il n'en reste pas moins que ceci induit ici une autre approche du titre passablement déconcertante et qu'on imputera alors à la relative hâte avec laquelle Konami a sorti son bébé. Mais ne crions pas à l'abomination, le jeu reste maniable et propose plusieurs plans de caméra étudiés ou dérangeants qui étrangement ne nuisent pas à la maniabilité mais bel et bien à nos habitudes de joueurs qui ont été conditionnées par des gameplays plus ou moins similaires. J'imagine donc que ceci est voulu (voir par exemple, dans le monde réel, la petite icône nous permettant d'obtenir des informations sur des objets, cette dernière ne se trouvant jamais au centre de l'écran mais toujours sur notre gauche, ceci étant quelque part perçu comme un défaut par notre subconscient mais ne se voulant pas préjudiciable au final) et il ne tiendra à vous que de vous y faire.
L'aspect artistique est, lui, sujet à quelques critiques. Si la qualité des visages, des décors ou des monstres est toujours là, les environnements manquent d'originalité puisque quasiment tous les endroits que vous visiterez sont issus des autres épisodes. Une rame de métro, un immeuble, l'hôpital, la forêt jouxtant Silent Hill, etc., voici ce que découvriront vos funestes flâneries. Ensuite, si les mouvements de Henry se sont étoffés, on regrettera une fois encore le déplacement erratique du héros qui est encore plus accentué (et rapide) que celui de Heather, l'héroine de Silent Hill 3, quand il court. C'est un détail mais qui ne semble pas avoir fait l'objet de grands débats au sein de Konami. Ensuite, un tout petit message concernant la bande-son qui est une fois encore l'œuvre de Yamaoka Akira, ce nom étant synonyme de qualité infinie qui transparaît une fois de plus dans chaque thème du jeu. Aucun problème pour l'ouie d'autant que les bruitages jouissent d'une grande qualité amenant avec eux quelques frissons et mal-être.
Cette première approche avec The Room est donc mitigée mais attention car je ne suis encore qu'à la moitié du jeu et si le scénario me semble travaillé (sans atteindre la maestria de Silent Hill 2 bien que The Room ait également des rapports avec le deuxième épisode), je me garderai bien d'évoquer un avis définitif avant d'avoir terminé l'aventure. En l'état The Room peine un peu à convaincre dans son approche « Actionner » et redresse subitement la barre via des clins d'oeil aux autres épisodes (ne perdez pas de vue le lapin), des moments intenses ou des ambiances feutrées pleines de noirceur. Un épisode qui, a n'en point douter, joue la démesure en en montrant plus que de raison mais qui, en tant que pierre morbide de la PS2, atteint déjà un de ses buts premiers : captiver le joueur en intimant l'ordre à notre cerveau malade de continuer l'aventure, d'ouvrir encore une porte pour voir si…