Surfant sur la vague, la lame de fond, que dis-je, le tsunami du tuning, Juiced, embarqué dans son frêle esquif, lutte contre vents et marées afin de surnager dans cette onde sombre. Mais pourra t-il résister longtemps à ces tempêtes du marketing facile et aux sirènes hypocrites l'appelant sur des côtes moins déchirées ? A première vue, ses nombreux gilets de sauvetages embarqués et ses canots pneumatiques de survie suffisent à lui assurer une destinée heureuse. Mais pour combien de temps ?
Initié par Gran Turismo, le principe de la modification d'un véhicule en rapport avec une certaine somme perçue, fut jalousé par bon nombre d'éditeurs jusqu'à ce que certains se rendent compte qu'un public mystérieux existait. Une communauté sans cesse grandissante, ne trouvant pas spécifiquement le type de soft qui lui convenait, adepte dans le fond de ce système de customisation, mais pas dans la forme. En effet, ses codes n'étaient pas retranscrits de manière correcte, dans un GT, certes magnifique et passionnant, mais pas assez conforme à sa vision des choses. Ces aficionados du tuning accueillirent donc avec joie le messie Electronic Arts, et avec plus de fraîcheur RPM Tuning, qui bien que fidèle à son grand frère, ne disposait pas d'une assise graphique suffisante pour espérer soutenir la comparaison. Et dans ce marasme relatif voici qu'arrive un Juiced, ne révolutionnant pas du tout le genre, mais apportant une once d'originalité et surtout d'exhaustivité dans ce monde "underground" comme l'appelle EA. Quelles formes prennent donc ces améliorations me direz-vous ? Et bien je m'en vais vous répondre (ce qui arrange tout le monde). Tout d'abord, et contrairement à la "référence" NFS, vous aurez l'opportunité de profiter de tracés toujours clairs et lisibles, même durant de ténébreuses soirées. En effet, loin de vous les crises oculaires causées par la recherche désespérée d'un indice nécessaire à vous situer sur la piste, propres au dernier opus de la série Need For Speed se passant exclusivement et abusant des effets lumineux. L'effet de vitesse dû à l'utilisation du NOS et d'ailleurs bien mieux géré dans Juiced, ne provoquant pas un recours trop imposant à un flou quasi opaque. Vous distinguerez chaque courbe avec aisance, tout en ressentant aisément l'impression de vélocité, plus que notable. Ensuite ce sont les principes de jeu qui entrent dans la danse.
Jeune conducteur considéré comme émérite, vous débutez par une rencontre dans votre quartier avec un pilote s'étant convaincu de vous défier, afin de remporter quelques deniers, les vôtres dans le cas présent. Ce simple exemple vous donne déjà une idée du fonctionnement général du mode carrière, colonne vertébrale de ce soft estampillé Acclaim. Effectivement, vous allez devoir vous faire un nom dans le milieu particulier du tuning, en remportant soit des défis, soit des meetings distillés dans le temps. Les premiers peuvent être obtenus une fois que vous êtes entré en contact avec un personnage tiers lors d'une course, simplement en les appelant sur leur portable ; et les seconds sont accessibles via un calendrier avec cependant quelques restrictions, fonctionnant à l'aide d'un code couleur. Suivant la teinte de la journée à laquelle vous voulez participer, vous saurez d'une part si vous y êtes autorisé, et d'autre part ce qui vous fait défaut pour pouvoir postuler (marque de voiture non valide, puissance trop faible, etc...). Un système intéressant rompant la monotonie et vous autorisant un libre choix sur les risques pris. Si vous avez peur d'abîmer votre monture, (frein, nitro, et autres), lors d'une épreuve peu intéressante, rien ne vous empêche de la passer afin d'éviter le coût des réparations. A ce propos, il demeure un problème assez handicapant, qui je l'espère sera réglé pour la sortie. Je m'explique. Lorsque votre bolide est endommagé, il vous est impossible de participer à des meetings. Par conséquent vous ne pouvez pas engranger d'argent. Et si la remise à neuf coûte plus cher que ce que vous possédez, comment faire pour continuer ? J'avoue humblement ne pas avoir la réponse à cette énigme digne du Père Fourras.
Néanmoins, au-delà de cet écueil (s'il en est), il vous est chaudement conseillé d'épater vos concurrents à travers les différents types de challenges proposés, afin de les rallier à votre cause et de les inclure dans votre team, dans la limite de trois. Une fois devenus vos coéquipiers, ces derniers vous aideront à emporter la victoire en suivant les ordres que vous leur donnerez au coeur de l'action. Une vraie gestion d'équipe se met alors en place, augmentant de ce fait la profondeur intrinsèque du titre, et ne le limitant pas à de simples enchaînements de courses. D'ailleurs, il ne suffira pas de vaincre des opposants dans des tours de pistes enflammés par une adrénaline flamboyante, mais également dans des tournois de figures libres, des départs arrêtés, et des "runs" tonitruants. L'embarras du choix s'imposera de ce fait à vous et rythmera vos parties dans un renouvellement salvateur. Toutefois, il faudra vous appuyer également sur l'aspect externe de votre véhicule aux reflets d'argent, dans le but évident de fasciner les pauvres hères affichant un petit spoiler ridicule sur leur 106 (pas de méprise, j'aime bien ces voitures). De nombreuses sources sont de ce fait à prendre en compte si vous désirez obtenir de nouveaux véhicules, courses, et équipements, en débloquant des challenges inédits au fur et à mesure de votre progression. Une richesse non feinte donc, qui ne cache cependant pas quelques problèmes relatifs à la construction des environnements, par trop étroits pour permettre de réaliser idéalement les figures libres du mode "show off", renommé promenade (?!) en français, ainsi qu'un manque de sérieux quant aux murs invisibles peuplant les trottoirs. Vous ne pourrez jamais, ô grand jamais, monter sur certains d'entre eux, tandis que d'autres, tout aussi hauts, vous seront accessibles. Cette volonté de limitation de l'espace de jeu est vraiment regrettable, et ne rend pas service à la réalisation globale du titre.
Assez décevante, cette dernière affiche sans vergogne un aliasing plutôt dérangeant, ne cherchant pas même à masquer le clipping très présent, associé à quelques errances au niveau de la gestion des collisions, surtout en ce qui concerne les bords de trottoirs dans les virages en épingles, vous conduisant la majeure partie du temps vers une mort certaine. Les diverses voitures sont quant à elles fort bien modélisées et affichent un niveau de détail conséquent, nous permettant même d'admirer de jolis reflets luisants sur les diverses carrosseries. Un ensemble déséquilibré qui mérite tout de même une refonte avant de s'affirmer pleinement au sein de votre Playstation 2, friande de nouveaux titres. Néanmoins le plus effarant demeure la gestion des teintes que vous avez l'opportunité d'appliquer sur la carrosserie de votre bolide. Le système permettant de définir la nuance se rapproche de la roue de couleurs d'Illustrator, ou encore du choix immense présent dans Photoshop. Il est donc possible de faire varier le rouge d'une myriade de façons, afin de découvrir véritablement et précisément ce que vous cherchez. La partie tuning n'est pas en reste, avec moult bas de caisses, jantes, spoiler, et autres objets de décorations, incluant les autocollants. Au final donc, et pour l'instant, Juiced pourrait bien ravir la palme de la simulation de tuning à NFS, sans toutefois prétendre au titre de meilleur titre de conduite, des lacunes l'en empêchant. A suivre.