Il est là ! Le troisième volet de la série fondatrice du FPS, le dernier bébé des maîtres du moteur 3D, cette bombe malsaine qui s'est faite attendre pendant 4 longues années de développement est enfin arrivée. C'est avec émotion que l'on installe ce genre de jeu, avec respect que l'on insère un à un les 3 disques d'installation et que l'on répond "Oui" ou "J'accepte" quand on nous le demande, tout ça avant de redémarrer, de plus en plus tremblant d'impatience. Doom est de retour.
Si vous avez suivi les dernières news oldies, vous savez ce qu'il y a à savoir sur l'histoire de Doom et de Wolfenstein, les deux pierres angulaires du FPS, les os et la chair d'un genre à la popularité incontestable. Il aura fallu attendre près de 6 ans pour qu'Id Software revienne vers Doom et se lance dans le développement de sa suite, et 4 années supplémentaires pour mener le projet à terme. Et quel terme en particulier pour John Carmack, le Clapton du moteur 3D. L'attente suscitée par le jeu doit autant à l'excitation de retrouver la série qu'à l'envie de le voir tourner. Voilà sans doute pourquoi je fais partie de ceux qui n'auront pas patienté 10 jours pour jouer et se sont rués sur la version import.
Pour son come-back, Doom prend une nouvelle orientation, celle de la trouille absolue et laisse de côté le gameplay à base de hordes démoniaques. Doom n'apporte absolument rien en matière de gameplay au FPS, il est hautement primaire. En schématisant bien grossièrement, on pourrait facilement dire que Doom 3 est un habile mélange entre Medal Of Honor pour le recours à la mise en scène scriptée et Silent Hill pour l'ambiance flippante et malsaine. Pourtant tout commençait bien le jour de l'arrivée de ce space marine sur Mars, dans cette immense base de l'UAC. Après son atterrissage, le voilà qui tape la causette avec les occupants des lieux. Durant les premières minutes de jeu, on nous demandera de nous tenir à carreau, d'aller voir machine, puis truc, avant de nous voir confier notre première mission : aller retrouver un scientifique disparu dans un coin sombre. Et là, après une longue traversée, c'est le drame. Clairement, on a droit à un démarrage à la Half-Life comme on en voit tant de nos jours. Mais mis en scène avec brio.
Et nous voilà plongé dans l'obscurité, on découvre la merveilleuse gestion des ombres et des lumières. Il est temps de faire connaissance avec votre meilleure amie : la lampe torche. Doom est sombre, très sombre, et on se balade parfois dans la plus complète obscurité. En conséquence, on se déplace quasiment en permanence la lampe à la main, éclairant à gauche, à droite, en haut en bas, projetant vivement le rayon salvateur derrière nous au moindre bruit suspect. Et soudain, sous notre nez, un démon, hop, on range la lampe et on sort le shotgun pour le renvoyer chez sa mère, la reine des enfers. On comprend vite ce qui nous attend pour la suite. La majeure partie du temps, l'obscurité nous contraint à avancer armé de notre seul bâton lumineux heureusement auto-alimenté, en sachant pertinemment qu'au moment où on s'y attendra le moins, une saloperie gluante et putride va nous tomber dessus et qu'on sera alors désarmé. Presque aveugle et vulnérable, on se sent vite tout petit. Pointant tout penaud le maigre rai lumineux, en se demandant si ce qu'on vient de voir n'est qu'une ombre ou s'il y a bien une forme mouvante au fond de cette pièce encombrée.
Mais ce choix a une contrepartie qui sera plus ou moins bien vécue selon votre degré de tolérance à l'incohérence. Au bout de quelques heures, on finit par se lasser de cette astuce abusive qui veut qu'il soit impossible à notre space marine de s'éclairer en tenant une arme. En 2145, est-il impossible de trouver un rouleau de scotch dans un base martienne ? Est-il concevable qu'un space marine parte en randonnée dans une zone inconnue sans se trimballer une paire de lunettes IR ou une lampe frontale comme on en trouvait déjà dans les mines de charbon ? Alors que de nos jours, de nombreuses armes intègrent un système d'éclairage, au 22ème siècle, ce n'est pas le cas ? La pilule peut sembler difficile à avaler pour certains. On peut aisément en arriver à maudire Id sur plusieurs générations d'avoir cédé à cette astuce si artificielle et si pesante dans certaines situations. Car il est fréquent qu'une fois le fusil à l'épaule, on ne voit absolument plus rien ! Dans le genre gavant, on peste également contre le retour au jeu après une cinématique dont le but est habituellement de vous montrer qu'un truc horrible vous fonce dessus. De retour, vous voilà avec un monstre énorme sous le nez et une lampe à la noix dans la main.
Mais Id a d'autres tours dans son sac à trouille pour faire frémir le joueur : les trois mamelles de la peur sont la pénombre, les sons et l'enfermement. Une fois ces trois points réunis, il ne reste qu'à placer judicieusement les créatures malfaisantes. Tout bon réalisateur de films d' horreur vous le dira. Et ça, on ne l'a pas oublié chez Id. Le level design donnera ainsi la part belle aux couloirs étroits, voir parfois étriqués et dans lesquels on arrive à peine à se faufiler, cédant la place à des pièces encombrées de consoles de commandes jonchées de cadavres à l'expression horrifiée, quand ils ont encore un visage. Et toujours, où que l'on soit, il y a des recoins à n'en plus finir, des zones d'ombres dans lesquelles se cache la menace latente de l'enfer martien. La claustrophobie couplée au risque permanent de se faire dévorer un bras par un monstre fait effet. Par contre, ne craignez pas de vous perdre, le jeu est au moins aussi linéaire que le tout premier Doom, vous voyez un interrupteur, activez-le, un ascenseur, prenez-le, une porte fermée, ouvrez-là avec la clé. Une fois de plus ceci dit, il y un revers à la médaille et la lassitude menace à force d'être ainsi cloîtré au sein d'environnements finalement peu variés en dépit de leur qualité esthétique. Les maigres passages en extérieurs ne suffisent guère à compenser l'ennui ressenti sur ce plan.
La bande-son de Doom reprend les principes élaborés de longue date au cinéma et repris par des jeux comme Silent Hill. Voilà 10 minutes que vous entendez cogner lentement sur une paroi, blam, blam, blam, en vous demandant "pourquoi ça cogne" et soudain vous réalisez que ça ne cogne plus et vous vous dites encore plus effrayé "pourquoi ça cogne plus ?". A chaque entrée dans une pièce, vous pouvez entendre gémissement, feulement et autres grognements, voire parfois un rire, autant de signes annonciateurs. Sans parler des sons indescriptibles qui viennent se mêler aux bruits produits par d'obscures machineries de l'UAC. Ce qui fait la force de cette bande-son, c'est non seulement sa mise en scène, mais aussi sa crédibilité, il m'est arrivé d'entendre un craquement électrique et de croire que c'était mon PC qui venait de prendre un coup de chaud. De longues minutes durant, le jeu instaure un climat terrifiant et insuffle en vous une tension qui lorsqu'elle explose, vous fait généralement sauter de votre fauteuil et vous cogner les genoux sur le bureau (conseil : ne pas poser de verre de coca près du PC). Et l'explosion provient le plus souvent de l'apparition du monstre.
Parlons-en des enfants de l'enfer dont la plupart sont des rejetons des deux premiers épisodes. Allons droit au but : pas d'IA dans Doom, ce qui n'est pas vraiment un problème car cette dernière est largement compensée par la férocité des adversaires et surtout leur fâcheuse tendance à spawner sous votre pif, ou mieux, dans votre dos et de préférence de manière inattendue. Enfin, pas toujours car ne nous le cachons pas, Id cède fréquemment à des ficelles bien grosses les scripts qui déclenchent le "pop" de monstres sont parfois hautement prévisibles. D'autres cependant sont nettement plus surprenants et provoqueront les fameux bonds dont je parlais précédemment. C'est là que le triptyque obscurité/son/enfermement prend son sens, une fois qu'on y ajoute la concrétisation de l'angoisse atavique à laquelle on ne peut échapper : le streum pourri ! Fuir n'est pas une option, il faut se défendre, dans le noir, d'une créature qu'on a pas vu venir. Les scripts sont également utilisés à bon escient lorsque le joueur se retrouve comme possédé, sa vision se troublant, paralysé et contraint d'attendre l'apparition d'un mancubus.
Mais, encore une fois, la qualité a son défaut. Si de manière générale, on peut dire que la disposition des ennemis est judicieuse, on renoue pourtant souvent avec l'illogisme et l'incohérence qui peuvent vraiment porter sur les nerfs, en particulier lorsqu'on nous ressort cette astuce vieille de plus de 10 ans du zombie qui attendait patiemment dans un placard à balais que le joueur passe et hop, décide de sortir sournoisement dans notre dos, seulement trahi par le "pshit" de la porte dudit placard qui s'ouvre. Et là, on grogne dans sa barbe, surtout si on se retrouve ensuite dans le noir, entouré de 3 Imps sans savoir où l'on tire parce que le space marine ne sait pas se servir d'un rouleau de scotch.
Pour défendre votre peau de dur à cuire, vous disposez d'un arsenal bien classique et qui par certains aspects déçoit. En 2004, on est passablement surpris de ne trouver aucun tir secondaire par exemple. Ni d'attaque de mêlée autre que le coup de lampe torche ou les poings. Mais surtout, on réalise rapidement que dans l'ensemble c'est le bon vieux fusil à pompe qui s'avère le seul à être vraiment efficace. Secondé à l'occasion par une mitrailleuse pratique les rares fois où les monstres sont hors de portée du shotgun. Même le plasma gun fait pâle figure, certes rapide mais tristement faiblard. Le chain gun est bien trop lent à démarrer pour un jeu dans lequel il vaut mieux faire feu rapidement (et peu efficace lui-aussi) et la tronçonneuse c'est marrant 5 minutes mais bon... Le mythique BFG est cependant toujours aussi puissant et on le retrouve avec ravissement. L'autre déception relative aux armes vient du son qu'elles produisent. Si la bande-son de Doom 3 est une perfection, elle se vautre sur les armes qui émettent de tristes "pif pouf" secs et dénués de puissance et d'ampleur. Etonnant.
On le voit, chaque point d'excellence de Doom recèle une face sombre qui lui est inversement équivalente. Pourtant le titre est plein de bonnes idées. Le PDA en est une autre par exemple. Vous disposez en effet d'un assistant personnel grâce auquel vous pourrez consulter les mails, vidéo et messages audio récoltés dans le jeu. Le but étant bien évidemment de dégoter le code qui ouvrira la porte X. Idée excellente mais qui elle-aussi finit par fatiguer, car il faut le dire, se taper 10 messages audio inintéressants pour choper un code, ça lasse. La seule idée qui se porte bien, c'est l'interactivité avec les ordinateurs du jeu qui se fait directement sur la console. On peut cliquer sur l'écran tactile avec la souris. Un point que les autres FPS n'ont pas, mais pour combien de choses que Doom n'a pas et qu'ils ont, eux ? Car si on gratte un peu, on réalise vite que Doom 3, en dehors de faire peur et d'être beau à se damner, a fort à faire vis-à-vis de la concurrence en termes de gameplay pur. Beau à se damner, en tout cas, il l'est et cela personne ne le contestera. Le moteur 3D est proprement hallucinant. Les lumières sont simplement phénoménales. Et les modèles 3D profitent non seulement d'un design de haute volée mais aussi d'un niveau de détails jamais atteint jusqu'à aujourd'hui. Il en va de même pour les textures d'une finesse rare. Bien sûr le problème, c'est qu'à force d'être dans le noir on n'en profite pas toujours mais sachez que tout ce que vous avez pu voir en screenshots ou en vidéo est vrai. Et je pense que cela suffit à situer le niveau. Il est élevé et il faudra une machine musclée pour faire tourner la bête. Pour du 1024 fluide et détails ultra high, comptez sur un 1Go de RAM, une carte de 256 Mo type X800 et un processeur de 2.5Ghz. Notez que les possesseurs d'ATI sont invités à utiliser les drivers 4.9 béta afin de rattraper l'optimisation Nvidia du jeu qui reste une véritable tuerie graphique. Un dernier mot sur le multijoueur : inexistant ou tout comme. Limité à 4 joueurs, il ne propose que des modes ultra classiques. Attendons que les créateurs de mods se déchaînent.
- Graphismes19/20
Après la baffe Far Cry, difficile de croire qu'on pourrait se prendre un retour sur l'autre joue. Pourtant Doom 3 monte encore d'un cran en matière de finesse, de lumière et de modèles 3D. A chacun ensuite d'avoir ses préférences pour ce qui est du design.
- Jouabilité15/20
N'attendez rien de nouveau en ce qui concerne le gameplay. C'est linéaire, basique et ultra classique. Le jeu repose essentiellement sur son ambiance pour immerger le joueur et le tenir en haleine même si c'est parfois au prix de quelques absurdités et errances de game design. Ici, c'est la subjectivité qui dira si vous pouvez ou non passer l'éponge.
- Durée de vie14/20
Comptez une quinzaine d'heures de dessoudage de zombies. L'ennui étant que la rejouabilité est quasi nulle vu l'omniprésence des scripts. Le multijoueur ne sera d'aucun secours en l'état.
- Bande son18/20
Même si elle est moins percutante que l'excellente VO, la VF intégrale est tout de même convaincante. Mais là où la bande-son frappe très fort, c'est lorsqu'il s'agit de poser l'ambiance. Dommage que les armes sonnent si mal.
- Scénario/
Etrange qu'un jeu comme Doom 3 ne puisse faire l'unanimité. Pourtant on l'a vu sur de nombreux forums, certains aiment, d'autres adorent et d'autres détestent. Pour ma part, j'aime et je vois là un très bon jeu, pas un titre culte. Doom 3 pose une ambiance terrifiante qui le rend particulièrement addictif et jouit de graphismes à tomber raide mort. On aime avoir peur et faire des bonds. Mais de nombreux détails peuvent apparaître frustrants, voire même énervant ou carrément rédhibitoires. La lampe torche parfois abusive, certaines grosses ficelles, le level design soigné mais répétitif ou le fait que comparé à une rude concurrence, le gameplay semble date, laissant souvent une pointe de lassitude s'infiltrer au bout de quelques heures.