Dans le monde hétéroclite des productions vidéoludiques, certaines sociétés sont parvenues à imposer une sorte de signature, un sentiment spécifique émanant de l'ambiance générale conféré à leurs oeuvres. Une trace se décantant au gré de la création, rassemblant en un seul passage d'une vision accoutumée, l'ensemble des singularités inhérentes au projet. Rares sont les studios capables de se targuer d'une telle reconnaissance, du moins dans le cadre d'une qualité manifeste. Squaresoft, Tri Ace, Clover, sont de ceux-ci, parmi d'autres tout aussi dignes d'éloges. Présent dans cette communauté vecteur d'admiration et de plaisir, Free Radical Design met aujourd'hui en avant un nouveau titre à l'originalité conséquente, Second Sight.
Après le résolument dérangé et véritablement fantastique Time Splitters 2, la firme au légendaire tourbillon violet dévoilé lors des crédits, change totalement d'environnement et de style de jeu, nous proposant un titre d'action mâtiné d'aventure à l'allure enchanteresse. Je désirais tenter de garder le suspense, mas il n'est que peu aisé de conserver une once de retenue à la vue de la réussite de cette version, pourtant preview. Dès les premières images, l'atmosphère particulière du FPS ayant rendu ses géniteurs célèbres fait une apparition remarquée. Des personnages aux proportions relativement étranges, des visages aux expressions travaillées à outrance conservant au-delà du réalisme un aspect caricatural décidément accrocheur, et surtout un design endémique à un univers tiraillé entre le burlesque et une science-fiction nihiliste et glauque. L'impression tenace de se retrouver devant ce que l'on attendait en secret de Time Splitters s'imprègne dans votre esprit tout au long de l'aventure. Un fleurissement aussi riche d'idées novatrices, couplées à une mise en scène dynamique et utilisant néanmoins des cadrages précis, privilégiant l'environnement, ne peut qu'aboutir à un soft tel que celui qui nous intéresse aujourd'hui.
Vous êtes John, scientifique de renom, engagé par l'armée pour une mission dont peu de détails vous furent fournis. Attiré simplement par votre orgueil conséquent, vous ne vous doutiez aucunement des répercussions que cette expédition allait entraîner sur votre corps et votre existence. Vous réveillant dans une clinique à la technologie visiblement plus avancée qu'elle ne le devrait, vous vous apercevez rapidement que vous disposez d'une capacité de contrôle mental sur les objets, ce qui ne manque pas de vous surprendre voir vous déstabiliser. Mais ce n'est heureusement pas la seule de vos aptitudes, et vous allez mettre à la lumière de nouvelles possibilités au fur et à mesure de l'avancement du scénario. Entre la guérison, la projection spirituelle, et l'altération des sens, vous n'aurez que l'embarras du choix dans votre quête de la vérité. Néanmoins ces spécificités ne sont qu'un prémice aux évolutions futures de votre organisme. Les bases du gameplay sont désormais présentes, à elles de se développer.
Décrire les principes de jeu n'est pas une mince affaire tant les possibilités proposées s'avèrent nombreuses et surtout variées. En premier lieu, l'utilisation du décor via vos pouvoirs psychiques permet de créer une galerie de situations possibles assez effarante. Un exemple parmi tant d'autres. Un garde se trouve dans un couloir, et scrute les environs. Trois solutions s'offrent à vous. Soit vous agitez une porte ou une grille d'aération, afin de le distraire, soit vous déplacez un bidon et l'assommez, au risque de vous faire repérer, soit, pour finir, vous devenez invisible et passez dans son dos. Vous vous dîtes alors que le gameplay s'avilit avec cette dernière méthode, devenant la plus usitée. Et bien il n'en est rien, grâce au génie des artistes travaillant sur ce titre, ayant visiblement pensé de manière très sérieuse le fond de ce Second Sight. Équilibrées intelligemment, vos dispositions uniques ne prennent pas le pas les unes sur les autres, et ne nuisent pas à l'intérêt général. La disparition nécessite énormément d'énergie spirituelle, et se volatilise dès que vous entrez en collision avec un obstacle mobile qui permet aux ennemis de repérer votre position. Par ailleurs, la possession d'une arme à feu étant accessible, vous devrez apprendre à moduler vos façons de procéder au coeur d'un même niveau.
Muni de cet outil létal, le soft se meut en un véritable Kill.switch, conservant ses avantages et mettant au rebut ses douloureux défauts. Vous prenez facilement position au dos de tout élément solide aux alentours, enchaînant sur un échange de tirs nourris dignes d'une scène d'action typiquement américaine. D'autant que les composantes du décor se révèlent fort interactives, pouvant se retrouver en pièces après un long moment d'assauts répétés. Se trouver dissimulé derrière un panneau d'affichage, et le voir s'effriter paisiblement, découvrant insidieusement votre dos, provoque d'une part une immersion accentuée et d'autre part une tension nerveuse conséquente. Mais si vous êtes plus orienté stratégie, rien ne vous empêche d'éviter les heurts inutiles en adoptant une conduite furtive, qui fonctionne parfaitement tout en restant accessible, au contraire de nombre de softs basant leur prochaine notoriété (souvent trop idéalisée) sur cet aspect précis. A noter cependant que l'ergonomie douteuse du pad Xbox nuit un tantinet au plaisir pris. Un mélange habile octroyant une liberté d'appréhension immense, au gré de la traversée d'un contexte accrocheur et intelligemment mis en forme ne dévoilant les tenants et les aboutissants que par petites touches, amenant plus de questionnements que de réponses concrètes. Séduisant, tout comme la réalisation graphique, un peu plus léchée sur cette version Xbox.
Baignant dans une sorte, non de flou, mais de clarté vaporeuse, accentuant l'aspect clinique des divers lieux traversés, de la base de Winter Ice, à l'hôpital, en passant par le centre d'entraînement des Marines. Chaque localité véhicule ces étranges amas d'embruns, inquiétants et participant à l'unicité du dernier né de chez Codemasters. De même, la modélisation des personnages, véritablement convaincante nous fait profiter du chara-design ironique déjà expérimenté dans Time Splitters 2, permettant une retranscription des émotions sur le visage comparable à ce que l'on peut admirer dans des séries animées de grande qualité. Bénéficiant de plus d'une animation souple et fluide, le jeu acquiert de ce fait une prestance charismatique. Toutefois, il faut vraiment adhérer à ce style différent de la mouvance actuelle concernant les jeux d'action empreints d'espionnage, fervents partisans d'un réalisme omnipotent réduisant par la même les possibilités. Je finirais sur une innovation géniale, une seconde vue disponible durant l'aventure. Elle vous permet tout simplement de faire le point sur une situation donnée, prenant place au-dessus de la scène. Une idée à l'évidence désarmante, mais décuplant l'accessibilité.
Au final, malgré une caméra parfois un peu trop nerveuse, et une I.A parfois défaillante, Second Sight s'annonce aussi réussi dans son genre que Time Splitters 2 le fut dans le sien, détenteur qui plus est d'une qualité musicale et d'un doublage encore plus convaincants. Il faudra compter avec Free Radical Design dans les mois à venir. Souhaitons que les canards fassent un come-back.