Cela faisait longtemps qu'un FIFA n'avait montré le bout de ses crampons au détour d'une verte et odorante pelouse. Tel le fourmilion ne sortant de sa cachette qu'à l'approche d'une juteuse fourmi, la franchise d'EA Sports nous fait l'honneur d'une sortie en tout bien tout honneur à l'arrivée d'une appétissante compétition européenne de football. Motivés par de semblables désirs, le titre sportif et l'animal possèdent forces et faiblesses. Néanmoins, ce que la nature a d'intéressant, c'est qu'elle ne s'impose pas, et qu'elle demeure relativement exempte de considérations mercantiles. Du moins dans l'absolu.
Tout d'abord, mettons-nous en situation d'un jeune être naïf, découvrant le vaste monde d'un regard vierge et sujet à n'importe quelle fascination. Imaginons ensuite qu'il vous soumette une question telle que celle-ci : "S'il vous plaît, monsieur, dis-moi ce qu'est le marchandising abusif ?". Que lui répondriez-vous ? Voici une piste probable. "En fait tu vois, envisageons un éditeur de jeux vidéos qui disposerait d'une énorme licence, s'adressant à toutes les classes de la société, et dont la célébrité n'est plus à faire. Prenons un exemple au hasard, disons la FIFA (et l'UEFA du coup). Un jour, un éditeur, Electronic Arts, se décide à fabriquer un titre muni de cette alléchante franchise. Devant le succès évident de son entreprise, il continue sur sa lancée bordée de billets verts, jusqu'à publier un soft par an depuis environ 8 ans, engrangeant à chaque occurrence une somme considérable de monnaie sonnante et trébuchante. Se construisant un petit monopole dans le domaine, il se dit légitimement que si les acheteurs s'avèrent friands de ses produits, il peut aisément profiter de leur soif conséquente. Au lieu donc d'investir des fonds dans un nouveau titre original, il se contente d'en reprendre un ancien, et de le mettre au goût du jour en modifiant son titre. FIFA 2004, devient donc par magie UEFA Euro 2004. Gérard Majax est parmi nous. Une manière de faire qui n'est pas indigne en soi, mais qui le devient lorsque le soft créé se révèle moins complet que l'original, moins bien réalisé, et surtout au même prix. Voilà, c'est ça les lois du marketing. Qu'est ce que tu dis ? Se moquer des gens ? C'est un peu ça oui."
Cependant, il ne faut pourtant pas en rester à cet état de fait, et pénétrer au sein du jeu afin de valider ou non ses dires. Et c'est à ce moment là que la vérité apparaît au grand jour. En premier lieu, et en faisant le tour des menus et modes de jeu disponibles dans cette édition européenne d'Electronic Arts, on se rend rapidement compte que ce n'est pas l'exhaustivité qui va diriger le débat. En effet, le nombre de choix est dramatiquement restreint. Il vous est possible comme à l'accoutumée de fabriquer de toutes pièces votre championnat, définissant le nombre d'équipes en lice, le type (élimination directe, poules et élimination directe, championnat classique, et phase finale Euro 2004), et le nombre de matches par formations, ou de débuter directement par une rencontre amicale simple ou bénéficiant de la gestion des matches aller et matches retour. Mais le grand ajout est l'existence d'un mode Euro 2004, permettant comme son nom l'indique de participer à la glorieuse compétition. Par contre, et après de nombreux essais, je ne trouve toujours pas la différence entre ce dernier, et le championnat modifiable. Étant donné que l'on peut se façonner son propre challenge, l'utilité d'un tel mode paraît bien compromise, voire nulle. Si ces données vous perturbent également, vous trouverez une certaine sérénité à l'essai du mode "scénarisation". Celui-ci vous octroie la possibilité intéressante d'imposer vos propres conditions de victoire dans une situation que vous aurez monté de toutes pièces. Vous pouvez par exemple choisir d'incarner la Grèce et de vous battre contre la France, alors que cette dernière dispose de 2 buts d'avance et qu'il ne reste que 20 minutes de jeu dans la seconde mi-temps. Une sorte d'éditeur de mission, très sympathique et réinjectant un tant soit peu d'intérêt dans un tableau qui commençait fortement à jaunir.
Les perfectionnistes découvriront quant à eux leur bonheur au sein de l'entraînement, où ils pourront peaufiner leur technique de jeu en toute quiétude dans un cadre bucolique. Rien de plus donc que FIFA 2004, et même moins, ce qui est sincèrement dommageable et à la limite du non-respect des joueurs. D'autant que le très faible nombre d'équipes disponibles, qui est de 51, et l'impossibilité d'incarner d'autres formations que les nationales ne pousse pas à s'impliquer dans cet add-on masqué. Bien entendu, il s'agit d'un titre axé sur l'Euro, et donc sans la présence de "teams" internes aux pays concernés (Marseille, Paris, Lyon, etc pour la France), mais pourquoi alors ne pas avoir intégré cet aspect Euro dans FIFA 2004, et proposer maintenant un jeu incomplet et sans âme ? Pour en vendre deux tout simplement.
Dans le même état d'esprit, la jouabilité s'avère exactement similaire à celle rencontrée dans FIFA 2004, ce qui n'est en soi pas un mal, du fait de la progression notable depuis ces deux dernières années. Désirant visiblement se rapprocher du fantastique PES dans la gestion de la balle et dans le réalisme de jeu, le soft d'EA Sports possède désormais un gameplay véritablement travaillé et offrant un éventail de possibilités et d'innovations conséquent. Plus axé sur la progression par le biais de passes et d'astucieux débordements, vous aurez moins tendance à foncer droit devant, seul, tel le cow-boy ténébreux, et percer une défense inexistante. Les adversaires opposent une résistance acharnée et se placent relativement bien. Un aspect stratégique fait alors discrètement son entrée dans le monde arcade de FIFA. D'autre part, autre caractéristique inhérente au jeu, l'aspect graphique se pare d'une qualité conséquente, que ce soit au niveau des animations époustouflantes des sportifs ou de leur modélisation vraiment exemplaire. De même, les différents stades et terrains herbeux profitent de textures très crédibles et s'inscrivent parfaitement dans la globalité du soft. On peut toutefois regretter un public pixelisé à outrance, mais ce n'est qu'un détail. En revanche, les ambiances sonores au creux de résonnantes et intimidantes arènes modernes se révèlent étrangement en retrait. Alors que les explosions de joie et les exclamations puissamment vociférées par les spectateurs sont une marque de fabrique du jeu, on assiste ici à un calme étonnant, qui n'aide pas à ressentir les matches et à se plonger dans la folie du stade. Les commentaires, fidèles à eux-même semblent toujours aussi déprimants, bien que variés et s'adaptant à peu près aux situations.
Mais tous ces points dignes de louanges n'empêchent pas d'avoir l'impression de se trouver devant une version épurée de FIFA 2004, moins complète, moins bien optimisée, car sujette à des ralentissements inexplicables, et le pire de tout, moins intéressante. Ce titre demeure vraiment agréable dans le fond, car calqué sur son convaincant prédécesseur, mais ne vaut pas la peine d'être acheté, surtout à 60 euros. Tenant plus d'un complément à la faible durée de vie, son prix demeure bien trop prohibitif et honteux. Si vous avez rêvé de vous tenir face à un porte-monnaie se moquant de vous, jouez à UEFA Euro 2004. Réfléchissez à deux fois avant de courir dans votre magasin préféré, et attendez qu'Electronic Arts arrête de prendre le monde vidéoludique pour une ferme d'élevage intensif, gavant les acheteurs à outrance.
- Graphismes15/20
Bénéficiant d'une qualité graphique conséquente, ce "nouvel" épisode de la série FIFA se montre tout aussi réussi que ses prédécesseurs, mettant en scène des joueurs à la modélisation convaincante et aux animations réalistes. Pourtant, de nombreuses baisses de défilement des images et des ralentissements assez fréquents entament quelque peu ce constat. Le plus beau soft de football tout de même. Cette version Xbox est d'ailleurs plus fine que son homologue PS2.
- Jouabilité15/20
La nouvelle cuvée EA Sports comporte des ajouts notables au niveau d'une part du plaisir de jeu, et d'autre part de la construction d'une partie. Mettant en avant la complémentarité d'un sportif vis-à-vis d'un autre, cet opus place en proue de son navire une gestion plus poussée de la stratégie de jeu. Plus intuitif et plus précis, le gameplay pousse à construire ses actions, à adopter une tactique, et à s'entraîner sans cesse pour atteindre une maîtrise des nombreux mouvements possibles. Néanmoins, même s'il est innovant, le système "Off the Ball" reste encore un peu trop austère et imprécis, surtout avec la manette Xbox.
- Durée de vie10/20
Malgré le fait de pouvoir créer sa propre compétition, le nombre d'équipe, de modes de jeux et de véritables raisons de poursuivre son chemin au sein du jeu, est dramatiquement faible. Sorte d'add-on peu complet et sans intérêt véritable, il ne passionnera que les impatients, attendant avec ferveur le début de la coupe d'Europe. De la poudre aux yeux.
- Bande son14/20
Les différentes compositions présentes dans les menus et lors des ralentis sont de très bonne facture, abordant des styles différents et demeurent véritablement intéressantes à écouter. Cependant, l'ambiance sonore des différents stades apparaît moins immersive que les précédents opus, ne procurant cette petite montée d'adrénaline avant le but. Les commentaires sont quant à eux acceptables, bien que peu enjoués.
- Scénario/
-
Si l'on s'arrête à sa jouabilité, sa réalisation et le plaisir de jeu ressenti à l'essai, UEFA Euro 2004 est incontestablement un titre agréable. Le problème se situe surtout dans le principe même d'éditer un titre sans innovations, inintéressant et sans légitimité autre que financière. Tant que EA continuera à ne pas daigner travailler sérieusement sur le contenu de cette série sportive, préférant la vente au plaisir, on peut être sûr qu'un Coupe Du Monde 2006 paraîtra fièrement, souffrant des mêmes maux que cet UEFA. Espérons que d'ici-là les attentes des sportifs vidéoludiques seront entendues dans leur juste mesure. Au final, ce titre peut se révéler être un achat sûr et très divertissant dans 3 ou 4 mois, lorsque son prix vaudra vraiment le fond de ce dernier. Vite un FIFA 2005 !