Avant d'être un héros nourri aux hormones, Conan est avant tout un barbare. Avant d'être un guerrier, Conan est avant tout un homme qui sait compter jusqu'à 5 sans s'aider de ses doigts. Avant d'être une légende Conan est le type même de gaillard prompt à donner un coup de poing à un chameau parce qu'il l'a regardé de travers. Avant d'être une adaptation vidéoludique, Conan est d'abord un concept très abstrait à mi-chemin entre le burlesque involontaire et la barbarie kitchounette à même de nous amuser...tout un programme.
Imaginez-vous dans un champ de pâquerettes, le soleil réchauffant votre âme, un petit vent frais caressant votre peau, un chant d'oiseau invitant tout votre être à s'étendre par terre, à mordiller un brin d'herbe tout en scrutant le ciel à la recherche d'un simple instant de bonheur. Imaginez-vous maintenant vous relever et regarder au loin pour apercevoir une forme floue courant vers vous tout en scandant tel un orc mal poli comme par deux "Que Crom te lacère chien infidèle, pourriture communiste". Imaginez-vous enfin un canasson de labour saccageant tout sur son passage, un barbare gonflé aux stéroïdes enchaînant moulinets sur moulinets, décapitant à tout-va pâquerettes et petits oiseaux et vociférant à qui veut l'entendre qu'il n'arrive même pas à ouvrir un tonnelet d'hydromel sans utiliser sa hache à double tranchant Ginsu ! C'est fait ? Et bien ça y est, vous venez sans le savoir de vous imprégner de la culture Conan Le Barbare et êtes fin près pour le reste de ce test.
Passé cette présentation caricaturale de ce héros de légende, je puis dès lors m'attarder sur le jeu qui traite donc des aventures du barbare venu du Nord. Par où commencer, et bien par le commencement, soyons fou. Le titre de Cauldron s'évertue donc à nous raconter les aventures de Conan en s'appuyant directement sur les oeuvres de Robert E. Howard le géniteur du Cimmérien tout en nous ayant sorti de leur chapeau un scénario original. L'histoire suivra ainsi les pérégrinations de Conan qui, après l'attaque de son village ayant entraîné la mort de tous ses proches, suivra les traces des meurtriers en parcourant des contrées toutes plus hostiles les unes que les autres ces dernières constituant le monde de l'Hyborée. Ce jeu d'action/aventure bénéficie donc d'une oeuvre dont les bases mythologiques sont ancrées dans un imaginaire certain, ce dernier ayant été à l'origine d'excellents films, de comics ou bien entendu de romans des plus réussis. De ce point de vue-là, l'adaptation de Conan est réussie, le charme exotique des contrées visitées par notre nomade parvenant à s'installer au fur et à mesure de notre progression. Mais si l'ambiance, en terme de background, est plutôt bien restituée, le reste ne suit pour ainsi dire jamais et on se retrouvera devant un soft où technique et patte artistique ne parviennent que difficilement à convaincre.
On pourrait pourtant se dire qu'il y a de quoi faire, puisqu'en plus de l'aventure principale (qu'on peut débuter communément ou en choisissant la Partie Rapide qui vous fera débuter votre périple à un autre endroit de la carte) vous aurez également droit à un mode Arène où vous trouverez divers challenges et trois modes de jeu que sont Le Nombre de Morts (où vous devrez tuer le plus d'ennemis possibles), Duel (pour affronter un camarade de jeu) et Défi Chronométré qui s'apparente tout bonnement à un mode Survival. Vous pourrez, concernant ces trois modes de jeu, choisir votre arène parmi un choix de 16 environnements différents et votre personnage qui se trouvera dans un lot de 16 combattants. Cette idée d'inclure plusieurs modes de jeux en plus de l'aventure principale est une très bonne idée et si le tout reste limité (car conservant le gameplay de base qui est loin d'être fameux) ceci rallongera la durée de vie du titre qui se veut déjà fort honorable. C'est en effet au travers de 3 modes de difficulté, huit chapitres, cinq régions à visiter (regroupant quelques 65 niveaux de longueur très variable) que vous en découdrez avec 25 ennemis différents sans oublier une dizaine de boss. Rajoutons à cela 16 armes à utiliser et une cinquantaine d'attaques et de combos pour en terminer avec les chiffres qui devraient parler au mathématicien qui sommeille tout au fond de vous.
Mais sorti de tout cet attirail commercial destiné à appâter le chaland (et accessoirement le rédacteur que je suis), de quoi est réellement constitué Conan ? De plates-formes et d'action vous répondrais-je. Ainsi, après avoir subi (le mot n'est pas trop fort) la très longue cinématique d'intro, vous commencez enfin à jouer en vous retrouvant dans une crevasse sans fond où vous attendent quelques loups. Et là, première constatation, le jeu est à mourir de rire, le tout étant d'autant plus drôle que ce n'est pas voulu. Rien que le début du jeu est un régal, la scène nous montrant Conan arriver sur son fier destrier et ne voyant pas le Canis Lupus qui s'approche de lui alors qu'il est à deux centimètres des nasaux de l'animal. S'ensuit un saut du loup, Conan tombe et le cheval glisse le long de la falaise, une véritable débandade involontaire mais particulièrement drôle. Et le reste est du même acabit, Conan donnant un coup de poing à un pauvre chameau qui n'avait rien demandé, Conan glissant sur une plaque de verglas, Conan sautant comme un gibbon démembré, etc. On se dit alors que le héros de Howard fait peine à voir mais malheureusement tout ceci n'est qu'un début.
Si nous pouvons à la limite passer outre la modélisation calamiteuse du héros (avec une absence totale de jointures entre les différentes parties de son corps), le gameplay lui n'est vraiment pas des plus excitants. Comme le mentionnait Jihem lors de sa preview, on retrouve dans Conan un système d'achats de techniques qui fait penser à celui des Deux Tours d'EA. Mais ici, vous pourrez, après avoir obtenu des points de compétences (en terrassant des ennemis) acheter directement la technique qui vous intéresse, sans attendre la fin du niveau. Le tout est très souple, bien pensé, les points de compétences s'accumulent assez rapidement et les techniques de combats ou de régénération par la même occasion. Mais si sur ce point, Cauldron a bien construit l'évolution de son personnage vedette, les autres aspects du titre ne suivent pas la même voie.
Pour en terminer avec le gameplay, disons qu'hormis le gain de compétences, la maniabilité est approximative. Conan est lourd à diriger (vous me direz pour un barbare), la gestion de la caméra est encore plus massive et il est très fréquent qu'elle se bloque à certains endroits ou qu'elle tourne trop rapidement, etc. Les combats en deviennent frustrants et énervants au possible dans les endroits confinés où nous nous retrouvons constamment avec des ennemis hors champ qui ne se privent pas pour nous frapper. Ceci dit, si vous veniez à mourir lors d'un affrontement (chose plutôt fréquente), vous auriez automatiquement une seconde chance en arrivant dans le royaume céleste de Crom où après vous être défait de deux barbares, vous auriez l'immense privilège de revenir sur le champ de bataille, gorgé d'énergie et prêt à nouveau à en découdre avec la racaille responsable de votre trépas. Une autre idée très intéressante (d'autant que si vous mourrez en dehors d'un combat vous n'aurez point de seconde chance) mais qui au final se révèle un peu pesante, un écran de chargement intervenant à chaque entrée et sortie du royaume de votre dieu. Il nous reste alors les sauts, risibles et énervants en tenant compte du fait que Conan glisse souvent sur les troncs d'arbres ou autres perchoirs par lesquels il doit passer pour évoluer (et tombe comme une pierre de ses promontoires de fortune) ou manque tout simplement son saut puisqu'il vous faut également appuyer plus ou moins fort en fonction de l'impulsion que vous voulez donner. Cet aspect plates-formes ne représente pas un fort pourcentage du titre mais quelques passages vous obligent à passer par là, ce qui est compliqué, ceci ne faisant qu'amenuiser le plaisir de jeu.
De tout ceci résulte un soft bien décevant. Si on y trouve de très bonnes idées, ces dernières ne sont pas suffisamment bien exploitées ou au final se muent en défauts ce qui est fort regrettable. L'aspect graphique est très en deçà de ce qu'on peut attendre d'une telle console et à part la variété des lieux et quelques effets parfaitement maîtrisés (le rendu de l'eau, des flammes, les superbes conditions météorologiques), Conan n'est en rien une vitrine technologique. La bande-son est trop appuyée et caricaturale et si l'aspect conte épique est bien vu, les cinématiques traînent en longueur, possèdent un potentiel comique insoupçonné (et fortuit) et nuisent à l'immersion. La quête est certes de longue haleine (surtout en Difficile) mais rien ne pousse véritablement le joueur à avancer, ce dernier rencontrant problèmes et ennui au fil de l'aventure. Le héros pataud peine à convaincre, la maniabilité est décousue tout comme les graphismes et on aura tôt fait d'un revers de sabre de pourfendre en deux cet hommage en dents de scie au barbare le plus célèbre de tous les temps.
- Graphismes12/20
Les conditions météorologiques (neige, pluie) sont criantes de réalisme, le rendu du feu ou de l'eau est convaincant mais tout le reste fait peine à voir. La modélisation des ennemis et de Conan est à pleurer, leurs animations sont moyennes, les cinématiques sont atroce(ment drôle) et cette version PS2 se paye le luxe d'être un cran en dessous de celle Xbox.
- Jouabilité12/20
Le système d'achat de compétences est une bonne idée, les techniques s'acquérant rapidement. Maintenant les combats sont confus du fait d'une caméra capricieuse et si les enchaînements sortent promptement, il est difficile de placer les meilleurs vos ennemis vous touchant à chaque fois en plein milieu de vos combos. Les phases de plates-formes sont anecdotiques et le level-design n'aide en rien à se repérer, même avec une carte sous les yeux ce qui s'avère désarmant.
- Durée de vie13/20
L'aventure principale possède une bonne durée de vie et d'autres modes de jeu (Survival, Versus...) sont accessibles, encore faut-il adhérer au côté "rentre-dedans" du titre.
- Bande son13/20
Le doublage français ne sort pas du lot et le narrateur adopte un ton trop caricatural pendant les séquences cinématiques. Les musiques sont par contre excellentes, totalement dans la veine des compositions de Basil Poledouris, ce qui n'est pas peu dire compte tenu du score absolument divin de l'homme pour le premier Conan !!
- Scénario9/20
L'ambiance est là mais les cinématiques sont mal montées (avec des plans de caméra renvoyant à du Michael Bay sous acide), trop longues et n'aident en rien l'immersion.
Ca charcle, ça gicle, ça tranche, ça hurle, ça donne des coups de poings à de chameaux, ça se fait dévorer par un moineau géant dans un désert, ça ne connaît pas la biographie de Kant et au final ça ne donne pas grand chose en terme d'expérience vidéoludique. Conan possède quelques atouts mais ses défauts lui faisant beaucoup d'ombre, il vous faudra vous armer de patience (en plus des armes qui vous attendent) pour mener à bien ce périple qui tend plus vers le comique que l'initiatique.