Alors que certains FPS jouent à celui qui sera le plus compliqué, le plus original, le plus machin ou le plus truc, People Can Fly a décidé qu'ils allaient nous faire jouer à Doom. Oui mais pas n'importe comment. Pour bien faire les choses il fallait une réalisation de rêve, une action soutenue et un charisme imposant. Pari réussi pour ce retour aux sources du FPS.
Pour renouveler un genre qui avait tendance à s'enkyster, diverses méthodes ont été mises à contribution, y ajouter de la tactique, des équipiers, la liberté de mouvement, le réalisme, la mise en scène hollywoodienne, les éléments de RPG, la furtivité et tellement, tellement d'autres. A tel point que le terme FPS désigne maintenant une variété conséquente de titres fort différents les uns des autres. Painkiller, lui, va puiser l'essence du terme First Person Shooter : en vue subjective, on tire. Du gros shooter qui tache quoi. Posez votre cortex et stimulez le cerveau réptilien, c'est le seul qui va servir dans ce titre qui s'inspire autant de Doom que de Serious Sam (l'humour en moins) avec au programme de l'action à outrance et un seul but : faire exploser la tronche de tout ce qui bouge du moment que ça n'est pas vous. Un pari audacieux car faire un jeu de ce genre qui se montre vraiment intéressant est loin d'être simple. Souvenons-nous du plantage de Will Rock.
Première chose, l'ambiance. Tout commence lorsqu'un pauvre gus trop distrait, par une nuit pluvieuse, explose sa voiture contre un 33 tonnes. Le voilà qui se retrouve pris au piège, ni en enfer ni au paradis, embauché comme tueur à gage au service de Dieu afin d'éliminer les généraux de Lucifer qui prépare sa guerre. Je ne vous cacherai pas que le scénario de Painkiller n'est pas ce qu'on fait de plus développé, d'autant qu'on doit supporter des cinématiques au doublage VF assez moyen et surtout une post synchro qui ne l'est pas du tout, synchro. Toutefois, ce n'est pas l'histoire qui compte, c'est le contexte qui va nous offrir un univers gothique à souhait, envoyant Daniel Garner visiter le purgatoire et des environnements contemporains ou de sombres grottes, un village médiéval, une cathédrale ou encore un asile. Le tout toujours servi par une patte graphique et des couleurs choisies dans une palette bien précise. L'esthétique est glauque, malsaine parfois avec ses références religieuses tendance satanistes ou son ambiance détraquée, (l'asile au hasard) Le design séduit donc à lui seul, de même que la bande-son avec de nombreux thèmes gothiques tendance chant grégorien qui cèdent la place à du gros metal qui pique lors des grosses phases d'action.
Venons en à l'action justement. Le principe est simple, on vous plante dans un niveau linéaire qui grouille d'ennemis (de mémoire je me souviens des statistiques d'un niveau avec 350 monstres tués en 15 minutes !), vous, vous les trucidez. Basique, primaire, à peu près autant que l'était Doom. A la différence près qu'on profite aujourd'hui d'une réalisation grandiose, grandiloquente même. Il faut le dire, défourailler comme un malade est en partie rendu formidable grâce au moteur physique Havok qui met vraiment une claque. On prend plaisir à tirer sur les démons uniquement pour les voir gicler dans tous les sens en fonction des points d'impact, c'est parfois un véritable ballet qui nous est offert. Sans parler des éléments de décors interactifs, certains passages sont purement apocalyptiques, les murs se cassent la gueule, des balcons s'effondrent et des tonneaux remplis de poudre explosent à la chaîne. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui font que Painkiller évite de sombrer dans une lassitude mortelle, danger qui guette les shooters bourrins.
Une autre raison est la qualité de l'action, extrêmement nerveuse et composée de mouvements rapides et excessifs. Non seulement elle est particulièrement, soutenue donc, tout en sachant nous ménager quelques temps de répit savamment distillés, mais les ennemis que l'on devra affronter sont variés et offrent des sensibilités différentes aux armes à disposition. Noyé sous un flot sidérant de monstres divers (de la psycho-nonne au commando sado), il faudra être très vif pour identifier la menace la plus immédiate et employer le bon ustensile pour s'en débarrasser efficacement. Sortir la bonne arme et faire feu avec le bon mode de tir, primaire ou secondaire. Mine de rien, cela suffit à rendre les choses moins bêtes et méchantes. Ceci dit, le risque n'est pas nul, mais une petite pause suffit à faire passer la sensation d'outrance.
Je vous parlais de tir primaire et secondaire, continuons donc avec les armes. Au nombre de cinq elles offrent toutes deux modes de tir très différents l'un de l'autre. Le lance-pieu est aussi un lance-grenade, le fusil à pompe peut geler un ennemi, le lance roquette est également une grosse berta et une autre arme dispose d'un lance-shurikens et d'un rayon électrique. Quant à l'arme de base, le painkiller, elle se compose d'un hachoir et d'un rayon très efficace. On peut s'estimer heureux de voir des armes pourvues d'une telle personnalité mais tout de même, seulement 5, c'est bien peu. Surtout qu'en ce qui me concerne, j'ai principalement utilisé le lance-pieu et la fusil à pompe. Réservant les autres armes aux Boss colossaux tels qu'on les connaît dans Serious Sam.
Mais Daniel Garner n'a pas que des armes, il a aussi une aptitude bien à lui. Lorsque les monstres meurent, ils laissent derrière eux une âme qu'il faudra collecter. Ces âme permettent à Daniel de se transformer en démon, se déplaçant plus rapidement, invulnérable et surtout capable de tuer d'un seul regard. Cette métamorphose se montrera bien utile pour vider une salle d'un nombre trop imposant de démons. Et surtout, c'est simplement jouissif de bestialité. Le problème, c'est qu'on a aucun contrôle sur cet aspect, une fois que le bon nombre d'âme est accumulé, la transformation s'effectue, après quelques signe avant-coureurs qui nous préviennent à l'avance. Un peu dommage car trop souvent le moment fatidique survient trop tard, et on se retrouve contraint de ne plus collecter d'âmes si l'on veut pouvoir se transformer à un moment vraiment propice, chose pas toujours évidente. Dans le feu de l'action on passe sur une âme sans faire attention et la métamorphose est gâchée pour zigouiller 3 créatures mineures. Une touche d'activation eut été la bienvenue.
Pour pimenter encore un peu les choses, Painkiller propose de jouer aux cartes. En terminant les niveaux sous des conditions bien précises (et parfois affreusement difficiles d'ailleurs), le joueur débloque des cartes de tarots. Ces cartes peuvent ensuite être placées avant un niveau et leur effet sera soit permanent soit réduit à un certain laps de temps. Ces bonus auront des effets multiples, guérison ou maintient plus durable des âmes ne sont que des exemples restreints. Quelque part, Painkiller a un côté frais, qui réside dans sa simplicité, sa nervosité et sa bestialité, on termine une partie presque en sueur. Il va falloir aiguiser les réflexes pour survivre. Mais après sa campagne solo éprouvante de 24 niveaux, Painkiller nous réserve encore de bons moments en multijoueur avec un gameplay qui lorgne du côté de Quake. Le titre propose 3 modes assez originaux. Dans le mode Voosh, tout le monde dispose de la même et unique arme qui va changer au bout d'un temps défini. Effet de surprise garanti et changement de tactique à la dernière seconde au programme. Le Porteur de Lumière consiste à attraper un bonus multipliant les dégâts infligés par le joueur, ce qui fait de lui un danger mais surtout la cible de tous les autres. Enfin, le People Can Fly est sans doute le plus original et le plus marrant. Dans une arène haute de plafond, les joueurs ne risquent rien tant qu'ils touchent le sol, mais qu'une rocket les fasse décoller et ils deviennent vulnérables. A cela s'ajoutent bien entendu les classiques Deathmatches en solo ou en équipes. Le gros hic proviendra du nombre de maps disponibles : 6 à partager entre les modes Voosh, Porteur de Lumière et Deathmath, et 2 seulement pour le People Can Fly. Glups, c'est peu tout de même.
L'autre force de Painkiller, c'est bien sa réalisation comme je le disais plus haut. Il est l'un des représentants de cette nouvelle génération de moteurs 3D qui nous envahissent cette année. D'un côté nous avons le Havok que les gars de People Can Fly ont l'air de maîtriser à la perfection, de l'autre un moteur 3D qui, non content d'afficher des décors superbes ne m'a jamais trahis à coup de saccade même lorsque l'écran était envahi de 50 démons fous furieux. Ce qui est d'autant plus impressionnant que les monstres sont très détaillés d'un point de vue graphique et animés avec brio. Alors certes, la distance d'affichage est parfois limitée (la plupart des niveaux sont des intérieurs ou des extérieurs étroits comme les rues, et lorsqu'un niveau est vraiment ouvert, un brouillard vient oblitérer la vue à l'horizon) mais qu'importe, Painkiller roule sans soucis. A tous les points de vue d'ailleurs.
- Graphismes18/20
Avec Far Cry, Painkiller renvoie les titres sortis durant les derniers mois aux oubliettes. La physique est hallucinante, les textures ultra fines, les modèles 3D complexes et l'animation sans faille. Et cerise sur le gâteau, du strict point de vue esthétique, c'est également une réussite.
- Jouabilité17/20
Nerveux et intense sont les deux mots qui qualifient le mieux le gameplay de Painkiller. L'action devient rapidement hypnotique et malgré son côté profondément répétitif, on ne se lasse pas grâce à quelques ruses habiles. Le joueur primitif qui est en vous prendra vite les commandes.
- Durée de vie16/20
24 niveaux pas toujours aisés à boucler et un challenge parfois très corsé pour qui veut débloquer les cartes de tarot. Le multijoueur devrait lui aussi vous retenir un moment, mais on ressent vite le manque de cartes.
- Bande son17/20
Entre le metal bien gras des combats et les thèmes d'ambiance faits d'orgues et de chants, Painkiller est doté de musiques vraiment efficaces. Les effets ne sont pas en reste avec des bruitages souvent très bien sentis dans le genre glauque. En revanche, le doublage des cinématiques est loin d'être au niveau..
- Scénario/
Le cocktail Painkiller est simple mais bien dosé, frappé à la perfection et servi dans un verre coquet surmonté de sa petite ombrelle. Une ambiance qui accroche, une action ultra nerveuse et une réalisation qui tue, voilà la clé du succès. Il est vrai que tout le monde n'aimera pas ce titre ultra bourrin mais ceux qui ont gouté aux joies simples des FPS bruts de décoffrage, qui font appel à la dextérité pure y trouveront un excellent défouloir à l'univers travaillé. On ne lui reprochera que ses armes peut-être pas assez nombreuses malgré leur qualité et des cartes multijoueurs qui mériteraient, elles-aussi, d'être enrichies.