L'ombre est son enveloppe corporelle, la brume sa compagne. Le secret vêt son esprit, ne laissant transpirer qu'une absence d'émotions à consonance humaine. Reclus dans une demeure de silence, les seules preuves de son existence sont les corps sans vie de ses opposants. Craignant la moindre onde lumineuse, torrent impétueux dévoilant ses espérances, son dessein n'apparaît qu'au moment fatal où ses mains obscures se penchent sur votre cou. Vous pensiez à Batman, ce n'est "que" Sam Fisher.
Commençons par une petite biographie de Sam Fisher. Agent secret affilié à une branche ombragée de la C.I.A nommée Third Echelon, cet homme de renom s'est vu confier maintes et maintes missions considérées comme désespérées. Individu d'action et maîtrisant l'art de l'infiltration, il est le candidat tout désigné pour une intervention sur sol étranger. Nous sommes en 2006. L'armée américaine (n'oublions pas que le scénariste est Tom Clancy), se retrouve plongée dans les turpitudes d'un conflit opposant la province du Timor Oriental à une vague guérilla indonésienne. Cela ne serait qu'un épisode tragique comme un autre si seulement le chef des rebelles, Suhadi Sadono n'avait pas dissimulé dans les principaux points névralgiques de la planète des conteneurs emplis du virus de la variole. Pour ne rien gâcher, cette menace n'entrera à exécution que si sa vie se trouve en danger. Machiavélique et fourbe. En bon patriote et enfant du Monde, notre bon vieux Sam reprend du service, le baume au coeur. Mais ce qui l'attend dépasse ses plus funestes espérances.
Un constat s'impose dès votre entrée en matière, solide comme un mégalithe, et indiscutablement ancré profondément dans votre esprit de joueur. Le nombre de possibilités d'action est sincèrement élevé, bien plus que dans nombre de productions, parfois plus ambitieuses. Sauter, s'accrocher, effectuer une roulade, se baisser, se supendre, tirer à une main depuis un point de suspension, prendre en otage des soldats réfractaires, donner un coup de coude, se coller contre les murs, et enfin descendre des parois abruptes en rappel, composent la base même d'une furtive pénétration au sein d'environnements protégés de manière quasi maladive. D'autant plus que contrairement à certains titres, dans celui-ci toutes vos cabrioles et gestes lestes ont une utilité vitale. Chaque action n'est pas affiliée à un cas de figure particulier, et il ne sera pas rare que vous ayez besoin d' entrelacer diverses compétences propres au professionnel que vous êtes, afin d'appréhender de manière optimale une situation pour le moins sujette à inquiétude. Cet état de fait aboutit à l'observation limpide d'une grande variété de schémas possibles lors d'une phase particulière. Une impression d'un renouvellement incessant, même s'il faut noter certains passages redondants, dans le principe, mais pas l'approche. Un tel choix de comportements aboutit à une jouissance carnassière et perverse devant une proie facile. Allez vous l'assommer, puis le cacher dans de sombres buissons, l'exécuter froidement d'une balle dans le crâne, ou encore effectuer une lourde chute sur le pauvre malheureux, une fois perché au-dessus de son inconsciente tranquillité ? Ce qui n'est pas vrai pour les premiers niveaux, très pointilleux sur la discrétion, s'affirme davantage par la suite. Par ailleurs ces morceaux de bravoure vous permettront de profiter de la démarche féline de Sam.
En effet, s'il y a bien une raison inhérente au plaisir de parcourir les couloirs trop illuminés d'ambassades et de bases ennemies, c'est bien la qualité de l'animation. La vision de votre avatar avide de trois petits points verts, dégainant son arme, ou esquissant une légère torsion nécessaire à la dissimulation derrière un obstacle révèle un travail sérieux dans le découpage des mouvements et de la prise en compte de la "prestance de Sam". La fluidité est bel et bien la direction maîtresse empruntée par les programmeurs, avides visiblement de perfection. Si l'on peut regretter seulement un passage d'une position accroupie à une position debout, le reste des attitudes est enrichi d'un réalisme étonnant sur une portable. Cela va de pair avec le level-design, contraignant aux acrobaties les plus folles et aux rapides et silencieuses disparitions. Une grande interaction s'avère possible avec les objets mis en place dans des décors quant à eux correctement réalisés sans pour autant provoquer un engouement identique à celui concernant l'animation. Non que ceux-ci soient épouvantables, mais l'aspect répétitif de certains types d'atmosphère et l'utilisation répétée de motifs et de textures similaires provoquent une certaine négation visuelle de l'arrière-plan. A l'inverse d'un Sword Of Mana, où l'on admire les différentes ambiances, on se contente dans le cas présent d'apercevoir un fond. De même, les couleurs sont pour la plupart ternes, et entretiennent une certaine distance avec l'habillement technique relatif au personnage principal. Le tout reste somme toute supérieur à de nombreux softs du même genre. Pour en revenir à l'utilisation des obstacles, il vous est conseillé de vous servir de chacun comme d'un éden salvateur. Que ce soit une armoire, une table, une porte, tout pourra vous servir de cachette ou d'aide à la progression, même s'il est parfois ridicule d'utiliser un porte-manteau comme abri. Une gestion intelligente de l'espace donc, qui relance de manière analogue à la jouabilité un intérêt jamais absent. Mais que serait un espion sans ses gadgets repoussant les limites de la technologie.
Vous emportez avec vous le parfait attirail du bricoleur anatomique. Tout d'abord, vos lunettes thermiques indispensables dans la détection des faisceaux lasers, ainsi que vos "night goggle", vous octroyant une vision nocturne sans égale. Attention cependant à ne pas équiper ces dernières en plein jour. Effet éblouissant garanti. Ensuite, et pour terminer des jumelles, vous allouant la capacité d'observer les agissements des gardes au loin. Une trouvaille vraiment indispensable, car servant de pierre angulaire à tous vos faits et gestes. Ce qui n'empêchera aucunement d'alerter vos adversaires en ayant provoqué l'envol d'un simple pigeon. Même les instruments les plus perfectionnés ne sont rien contre la maladresse. Un ensemble de détails, synonymes d'un jeu de qualité notable. En outre, la longueur des diverses missions présentées vous obligera à mettre à profit ces ajouts mécaniques. Pas moins de neuf niveaux attendent vos trajets serpentant le long des coins les plus ténébreux, découvrant un challenge important. Chaque stage offre en effet un panel exhaustif de tâches à accomplir, dans des conditions bien précises. Plusieurs objectifs peuvent évoluer en cours de d'activité. Sanctionnés souvent par du crochetage de coffre fort ou du piratage informatique, pour une fois agréable à expérimenter, ces derniers sont aussi nombreux que desservant la trame scénaristique complexe fidèlement. Pensez toutefois à conserver un anonymat relatif en évitant soigneusement de laisser traîner des corps devant vos méfaits dignes d'un cambrioleur, en vous fiant à votre indicateur d'obscurité, un peu trop tranché dans les variations de luminosité.
Malheureusement, il faudra vraiment poser un cadavre devant un garde pour qu'il ait l'idée au bout de deux secondes d'aller avertir ses compatriotes. Cela nuit sincèrement au côté infiltration, pourtant mis en avant. De la même façon, courir derrière une sentinelle ne l'alarme pas plus que la vue d'une saucisse dans un hot-dog (désolé de la comparaison). On peut se dire que le processeur de la GBA est limité, mais on aurait apprécié un effort un peu plus conséquent de ce côté-là. Pour finir dans le cadre des reproches, une troublante méprise fait son entrée plusieurs fois dans le titre. Se déroulant sur deux plans, le jeu vous confronte parfois à un pilier au premier plan justement. Vous ne pouvez pas passer dans ce cas présent. Il vous faudra obligatoirement raser le mur. Cela revient à ne pouvoir traverser une pièce si une colonne se trouve au milieu. Cherchez l'erreur. Au final, Splinter Cell Pandora Tomorrow est donc bel et bien l'illustre petit frère de ses monstrueux aînés, mariant un gameplay accrocheur et une ambiance immersive. Souhaitons juste que la prochaine fois Sam règle mieux ses lunettes afin d'apercevoir les pièges plus habilement dissimulés que d'autres.
- Graphismes15/20
Du même acabit que l'épisode précédent, la qualité graphique soutient la comparaison avec de nombreux titres GBA qualifiés d'agréablement détaillés. Cependant il est toutefois à prendre en compte une certaine répétitivité des environnements au sein d'un même stage et certaines couleurs mal utilisées ou ternes. Loin d'un Prince Of Persia mais honnête et fouillé, Splinter Cell ne fera pas honte à votre GBA. Surtout du point de vue de l'animation.
- Jouabilité16/20
Instinctive et facile d'accès, la maniabilité vous met immédiatement dans la peau de l'agent secret le plus impressionnant de tous les temps, sans un accroc notable. Les fonctions des touches sont réparties intelligemment et le gameplay exhaustif et diversifié contentera tout un chacun. Les phases de "réflexions" disséminées ça et là bénéficient elles aussi d'une accessibilité rare et changent des sempiternels casse-tête qui n'ont pas lieu d'être.
- Durée de vie16/20
9 missions très complètes où vous attendent une multitude d'objectifs plus ou moins importants à remplir, mais jamais imposée de manière illogique. Tout fait corps avec le scénario et vous fait expérimenter nombre de situations critiques. Il vous faudra sans doute une bonne dizaines d'heures pour clore votre aventure, en utilisant la manière douce bien entendu.
- Bande son10/20
Les compositions sont très, voire trop sobres et font les frais d'un aspect fort répétitif, devenant par là même lassant. Les bruitages sont d'une qualité approximative mais restent passables pour une GBA.
- Scénario12/20
Tom Clancy est réputé pour son mélange homogène d'action de complot politique et d'espionnage sur fond d'un contexte géopolitique inspiré de l'actualité. On n'adhère bien à la trame mais l'originalité et le sujet traité font fi de toute originalité. Pour une fois, ce ne sont pas les russes les méchants.
La nouvelle aventure de notre grand ami Sam comble les attentes enfiévrées d'un public avide d'infiltration et de lunettes de vision nocturne au sifflement strident. Bénéficiant d'un gameplay jouissif, car proposant un nombre imposant d'actions diverses, et d'un background addictif, mettant en scène le héros solitaire détenant en ses mains le sort de la planète, ce nouvel opus de la série à succès d'Ubisoft ajoute une nouvelle dimension au jeu d'action sur portable. Dommage que quelques petites erreurs facilement dispensables soient venues ternir ce tableau idyllique. Un bon jeu, qui sincèrement a sa place dans votre ludothèque si tant est que ses menus défauts ne vous rebutent pas. En pleine lumière, bien sûr !