Si, en rentrant chez vous, vous pensez avoir vu une ombre bouger dans la nuit, ou entendu un feulement dans votre dos, ne vous croyez pas parano, vous êtes juste dans le passage d'un agent d'Echelon 3. Ne bougez pas, ignorez ces bruits nocturnes, passez votre porte. C'est ça, c'était sans doute un chat. Tout ira bien...
Avec son copain Code 47, Sam Fisher a régné sans partage sur le genre de l'infiltration à la troisième personne l'année dernière. En 2004, ils reviennent tous les deux dans leur style bien à eux. Plus furtif que jamais, Sam Fisher part sur les traces d'un nouveau groupe terroriste pour percer le secret de l'opération Pandora Tomorrow. La première bonne chose que je peux déjà vous confier, c'est que le scénario se montre un peu plus stimulant que dans l'opus précédent et surtout moins décousu.
A ceux qui pourraient se le demander : oui Pandora Tomorrow est bien le digne successeur de son grand frère. En premier lieu parce qu'il s'efforce de corriger ses erreurs, même s'il n'y parvient pas toujours ou pas comme on le pensait. En fait Pandora Tomorrow ne révolutionne pas l'expérience de Splinter Cell, il essaie juste de la pousser plus loin. Prenons les nouveaux mouvements qui viennent s'ajouter à la palette de Sam par exemple. On reprochait au split jump d'être aussi fun qu'inutile, on reprochera la même chose au semi-split jump qui permet à Sam d'atteindre des lieux en hauteur. Un mouvement très attrayant, mais qui ne sert malheureusement à rien. De même, Sam est aujourd'hui capable de faire le cochon pendu et d'utiliser son arme lorsqu'il est suspendu à une poutre. Un mouvement génial, mais qui une fois de plus ne servira que très rarement (personnellement : 3 fois en comptant le tutorial). Il n'en va pas de même pour le 360 degrés bien plus utile. Quoi de plus frustrant que de marcher dos au mur et d'être bloqué par une porte ouverte ? Surtout s'il y a un type dans la pièce. Et bien hop, qu'à cela ne tienne, Sam peut effectuer un mouvement gracile et rapide qui lui permet de passer l'obstacle sans être remarqué. C'est classe et en plus ça sert vraiment. On citera également dans les nouvelles aptitudes la possibilité de siffler pour attirer les gardes et les neutraliser tranquillement.
Mais là où Pandora Tomorrow veut vraiment améliorer le concept, c'est bien dans le level design souvent jugé trop linéaire dans le premier volet. Mais qu'on attende pas une liberté de mouvement comme on la voit dans un Hitman 2. C'est pas la même école. En fait, le jeu est toujours linéaire, mais on s'en rend moins compte. En règle générale, le level design a été pensé de telle manière que trouver LE chemin ou une façon de passer discrètement soit plus difficile (y compris en intérieur d'ailleurs). Enfin, c'est pas toujours le cas. On notera tout de même qu'il est possible, dans certains lieux, de trouver deux façons de franchir un obstacle, on pourra aussi bien traverser la zone en prenant garde ou grimper sur un poteau et se laisser glisser sur un câble par exemple, mais cela reste rare. C'est du côté des niveaux outdoor qu'il faut chercher la solution qu'ont adopté les développeurs : duper les joueurs. Qu'il s'agisse de la ville de Jerusalem ou de la jungle indonésienne, tout repose sur une illusion. Les niveaux dans la forêt tropicale sont linéaires, mais vastes et surtout, on ne voit pas les "bordures" du niveau, et on est tellement concentré sur ce qu'on a à faire (rester discret) qu'on n'a jamais le sentiment d'être enfermé. Un sentiment renforcé par le niveau de détails puisque, aussi loin que le regard porte, rien n'est factice, dans un village, on peut entrer dans toutes les huttes par exemple, c'est cette vraisemblance qui fait illusion. A noter que ces niveaux sont une véritable bouffée d'air frais d'ailleurs. Quel pied de s'aventurer dans les herbes hautes, de contrôler la présence de booby traps à la vision thermale et de stopper net quand on a effrayé un groupe d'oiseaux idiots.
En gros, on retrouve le gameplay excellentissime du premier Splinter Cell (infiltration fourbe, mouvements et gadgets) et à défaut d'une vraie liberté, on perd en tout cas le sentiment d'emprisonnement sur des rails. Mais Pandora Tomorrow met également l'accent sur l'ambiance. L'exemple type étant le fameux niveau du train Paris-Nice. Probablement le plus court du jeu (à peine 10 minutes contre une bonne heure pour les autres) mais quel pied. J'en ai fait une de mes séquences ludiques cultes. Une fois à l'intérieur du train, on note de suite le soin apporté aux détails, aussi bien côté son que dans la présence du mouvement de balancier si agaçant des trains. Tout ça avant de se retrouver suspendu sur le côté du train, en prenant garde de ne pas se faire repérer par les passagers, et on termine carrément sous le train et on s'y croirait presque. Il en va de même pour d'autres niveaux qui misent eux sur leur bande-son, je pense notamment à Jerusalem qui fait très fort sur ce point, mais il y en a d'autres. On peut encore ajouter une foule de petites trouvailles qui viennent rythmer le jeu comme ce passage ou l'on doit rester en plein dans la lumière d'un projecteur pour ne pas être vu par un garde équipé de night goggles. Sans parler de cet orage violent en pleine nuit dont les éclairs nous éblouissnet terriblement si on porte utilise la vision nocturne. C'est vrai, c'est linéaire, mais c'est loin d'être monotone.
Histoire de corser un peu la difficulté du jeu, l'IA a subi un petit lifting. Rien de colossal mais suffisant pour que tirer sur une ampoule entraîne enfin une réaction de surprise et de méfiance. De plus, un nouveau système de niveaux d'alertes est introduit. a chaque fois que vous êtes repérer, le niveau augmente, (et au bout d'un moment la mission échoue comme avant) modifiant le comportement des gardes. Au niveau 1, ils sont méfiants et enfilent leur gilets pare-balles, il sera plus dur de les surprendre. Au niveau 2, ça devient la cata, les rondes se multiplient et les gardes portent carrément un casque, il devient impossible de faire un headshot. Si on reste tranquille u moment, la situation se calme, tout le monde pense avoir vu un fantôme et on se détend. Le petit hic à ce niveau, c'est qu'il peut sembler étrange de voir tout le monde revenir au pays des schtroumpfs quand une alerte a été donnée après avoir vu Sam dézinguer un ennemis. Enfin, rien n'est parfait.
Mais Pandora Tomorrow ça n'est pas qu'un gameplay solo effroyablement addictif, c'est également un multijoueur pour le moins hors norme et qui va très loin dans la question de l'équilibre des classes. A lui seul il mériterait un test complet. Au passage il est fort appréciable de noter que le mode Neutralisation est directement lié au scénario de la campagne solo. D'ailleurs, dans son ensemble le mode multi est un vrai Splinter Cell à part entière. Deux équipes de deux joueurs (oui, 4 joueurs ça peut surprendre), s'affrontent. D'un côté nous avons les Shadownets, le niveau juste inférieur à Echelon 3, qui tentent de s'infiltrer et de saboter ou pirater. Les espions ressemblent à Fisher mais sont un peu plus lestes et vifs dans leurs mouvements (qui sont les mêmes que ceux de Sam) et dépourvus d'armes mortelles et profitent d'un large point de vue à la troisième personne. Pour frapper, ils doivent être au corps à corps. Les mercenaires eux sont plus lents, bardés d'armes lourdes et tuent à distance mais leur champs de vision est réduit par une vue à la première personne. Je ne ferais pas une revue de détails des différentes balances entre les classes mais quelques exemples ça vaut le coup. Les modes de vue me semblent à ce sujet appropriés. Les shadownets disposent des visions de Sam, nocturne et thermale donc. Les mercenaires utilisent quant à eux un détecteur de champs électromagnétiques qui repère à coup sûr un espion utilisant sa vision thermique ainsi qu'un détecteur de mouvements à portée limitée qui rend les déplacements presque impossibles tant la vue est brouillée mais qui sera parfait pour retrouver un espion dans le noir. Bien sûr, les gadgets ne sont pas oubliés et parmi eux le mouchard mérite d'être cité. Il est possible et même recommandé de jouer avec un micro-casque. Mais attention, un outil permet d'espionner les conversations !
Je vous laisse imaginer les possibilités offertes par un tel mode. Il y avait longtemps qu'on n'avait pas été surpris par des modes multijoueurs tous aussi classiques les uns que les autres. Quel pied de profiter de la vue basse d'un mercenaire pour lui tomber dessus dans le dos. Quel panard de repérer un espion et de le descendre froidement.
Bien sûr, Splinter Cell c'est aussi une technique. Est-il besoin de revenir sur le brio des éclairages dynamiques et des jeux d'ombres et de lumières qui sont au coeur même du gameplay ? Alors pour ceux qui l'ignorent c'est simplement magnifique et clairement dans ce qui se fait de mieux en ce moment à ce niveau. Non seulement en technique pure, mais surtout dans l'exploitation de la technique de manière esthétique et pratique. De même, l'animation de Sam semble avoir été détaillée encore plus qu'auparavant, le bougre disposant d'un plus grand nombre d'animations contextuelles ou de transitions. Un coup de chapeau également pour les traversées d'herbes hautes, ces dernières bougeant à votre passage avec un réalisme certain. Et pour finir saluons encore une fois les détails qui tuent comme la façon dont les vêtements de Sam bougent dans le vent sur le train ou les rebonds de la pluie sur sa tête. Bref, Pandora Tomorrow, c'est beau.
- Graphismes17/20
Pour me plaindre je dirais que le HUD est un peu envahissant des fois mais bon. Les jeux d'ombres et de lumières sont toujours aussi saisissants et bien mis en valeur. Les modèles sont fins et bourrés de détails et surtout animés avec un talent indéniable. Le tout évoluant au milieu d'environnements plus vivants et texturés avec finesse.
- Jouabilité18/20
De nouvelles possibilités pour Sam même si toutes ne sont pas utiles, c'est toujours bon à prendre. Ce nouveau volet ne transforme pas le gameplay mais il le pousse un poil plus loin grâce à un level design plus fouillé, plus varié. C'est Splinter Cell en mieux et avec un excellent multijoueur.
- Durée de vie17/20
Environ une bonne quinzaine d'heures pour faire la campagne solo, avec un niveau de difficulté accru et une IA un peu plus futée qui ne reste pas plantée bêtement quand une ampoule éclate au-dessus de sa tête. Ensuite, à vous de voir si vous allez vous laisser tenter par le multi. Y a de fortes chances
- Bande son18/20
Une bande-son simplement excellente. Le doublage d'une part est idéal mais on reste sous le charme des thèmes musicaux dynamiques qui accompagnent l'action et qui varient selon les niveaux. D'une manière générale, les effets sonores d'ambiances sont parmi les meilleurs qui soient et jouent un rôle primordial dans l'immersion.
- Scénario15/20
Moins décousu et plus facile à suivre que dans le premier volet, le scénario de Pandora Tomorrow est aussi un peu plus intéressant.
Splinter Cell : Pandora Tomorrow n'est pas une révolution vis à vis de l'épisode précédent mais il apporte son lot de petites améliorations, voire de petits bouleversements au niveau du level design et le simple fait de retrouver les sensations de Splinter Cell dans un nouvel épisode encore plus soigné est un vrai bonheur. Un Splinter Cell en un peu mieux, qui cracherait dessus ? Quant au multijoueur, il y a de grandes chances qu'il fasse date dans l'histoire du jeu.