S'il est un homme auquel les adjectifs souples et virevoltant pourraient à merveille s'associer c'est bien Jet-Li, du moins lors de ses pérégrinations acrobatiques au sein de "Il était une fois en Chine". Car lors de son arrivée sur le continent américain, personne ne sait s'il s'agit de la lumière particulière de cet endroit du monde où de la nourriture trop riche, mais le maître a pâli. Le domaine vidéoludique serait-il celui d'une rédemption fugitive ? A première vue le doute s'installe.
Véritable fer de lance de l'opération marketing relayée par le titre, notre ami monsieur Li a visiblement donné de sa personne de manière plus que professionnelle. En effet, le soft n'est pas avare de plans rapprochés permettant sans peine de reconnaître la morphologie et le visage si particuliers de cet athlète accompli qu'est le bien aimé Jet, de son prénom. Toutefois s'il est particulièrement aisé d' identifier le féru d'arts martiaux, il semble que le reste du titre ait pâti de cet état de fait. Cette version non définitive demeure en effet peu évoluée au niveau des décors et de la qualité graphique en général. Loin de se cantonner à du Mojo!, les environnements s'avèrent peu détaillés et le plus souvent identiques à deux ou trois planches près. De plus, il est navrant de constater un aliasing que l'on préférerait savoir décédé au fond d'un lac de lave en fusion. De trop nombreux jeux font les frais de cette plaie parfois incompréhensible à la vue du peu de finition artistique de certains d'entre eux. D'autre part les personnages, pourtant détenteurs d'une hypothétique animation révolutionnaire (dixit les communiqués), se révèlent au final dénués de certaines étapes dans le déroulement des actions. Monsieur Li en tant qu'individu central, focalise toutes les attentions sur sa personne, ce qui n'est pas foncièrement une bonne chose lorsque l'on dispose d'une raideur significative lors des phases de courses ou de sauts. Fort heureusement cette lacune dommageable s'étiole un tant soit peu en plein coeur des combats fort fréquents.
Je vais laisser planer un certain suspens concernant le gameplay. Comment faire ressentir au pauvre joueur l'âpre pugilat, les coups violents, les mouvements brusques, la tension épuisante ? Les hommes de Sony ont trouvé la réponse malgré eux. Pourquoi malgré eux ? Car la maniabilité, se voulant originale sombre quelque peu dans une maladresse flagrante. Il est vrai qu'utiliser les boutons "croix", "triangle" ou encore "rond" pour attaquer exhale trop de classicisme. Du coup, il vous est maintenant possible, grâce à l'avancée de la technologie, de distribuer vos pichenettes à l'aide du stick analogique droit. Une idée mal équilibrée qui aurait pu se révéler fort intéressante. En effet, vous pouvez diriger votre attaque vers une zone du corps en particulier, afin de fabriquer vous même vos combinaisons d'attaque, et ainsi donner du rythme et un renouvellement non feint aux affrontements. Cependant, étant donné que du fait d'une gestion catastrophique des directions avec ce même stick, il vous arrive le plus souvent de rater un tiers de vos actions malveillantes, le principe si accrocheur se scinde rapidement en de multiples blessures handicapant la prise en main du héros oeuvrant à Hong-Kong. Mais le pire réside dans les étapes où vous êtes munis d'une arme à feu (qui doit d'ailleurs disposer d'un chargeur d'au moins trente balles). Viser juste est un tour de force, qui ne trouve son dénouement qu'en mitraillant l'écran de gauche à droite, espérant toucher un sbire de l'ombre. Pourtant, des phases paraissant tout droit sorties de Shenmue viennent égayer ce morne tableau. Des sortes de QTE (Quick Time Event), se mettent en place à des moments clés du scénario, durant des courses poursuites ou des fusillades par exemple. Moins prenantes que celles issues du titre précité, il vous suffira de presser le bouton R1 au moment opportun. Observer les mouvements tous plus gracieux les uns que les autres du maître chinois est un réel plaisir. D'autant que l'ambiance est au rendez-vous, et qui plus est à l'heure.
Des compositions musicales, en passant par les voix, qui chose rare, demeurent en cantonnais, sans oublier l'architecture, tout vous rappellera vos heures de plaisir devant les meilleures productions HK. Défendre chèrement son existence dans une arrière cuisine dirigée par un chef adepte du couteau de cuisine, arpenter les ruelles fumeuses à la poursuite d'un malfrat, tout participe à une immersion facile et agréable. Et ce qui ne gâche rien, le level design possède des variations d'un intérêt notable d'un endroit à l'autre. Les niveaux s'arpentent en hauteur, en longueur, en profondeur, bref, vous ne serez jamais à cours de sensations et de revirements au niveau du cheminement pur. Si l'on ajoute à cela des décors d'une intéractivité poussée, ainsi qu'une mise en scène dynamique, il est compréhensible de porter de grands espoirs sur ce soft. Du moins jusqu'au moment où vous vous saisirez de la manette. Espérons que ce défaut majeur sera réglé dans la version finale (rien n'est moins sûr), et que la carence graphique connaîtra un remaniement significatif. Car en l'état, cela ressemble davantage à "Roméo doit mourir" qu'à "Fist Of Legend".