Dans ces temps de disette vidéoludique, il est rare de rentrer en contact, non avec des forces occultes (quoique...), mais avec des softs proposant un vrai scénario. Celui de Mojo ! dépasse allègrement des productions de petites envergures comme Chrono Cross ou encore Xenogears. Vous êtes une boule de Mojo, source de vie, et devez récupérer ce fluide emprisonné dans des cubes de glace par une force diabolique, afin de restaurer la paix dans l'univers. J'en ai le souffle coupé.
Faisant partie du cercle très fermé des softs dit de "réflexion", Mojo ! doit à son scénario un simple prétexte à la succession de mondes, découpés chacun en dix niveaux. Pourquoi de ce fait avoir implémenté une trame narrative. D'aucuns seraient tentés de dire pour le plaisir. Il serait d'ailleurs bien compliqué de donner tort à cette vision, tant les situations et l'enchaînement des décors ne correspondent en aucune manière à l'histoire précitée. Mais ce n'est pas cet aspect, par ailleurs inintéressant et creux, qui compose le corps du titre. L'intérêt est autre part. Commençons par la présentation de votre avatar peu commun. En effet, à défaut de diriger un jeune homme, ou une jeune femme charismatique, il vous est donné la possibilité et l'obligation de prendre le contrôle d'une boule. Mais pas n'importe laquelle. Pas une bille de flipper, ni encore moins une balle de tennis. Que nenni ! Votre serviteur s'avère posséder des dons que nombre de ces objets rebondis, lui envient. Au contact d'une source colorée, ce dernier modifie sa teinte de manière radicale. Mais à quoi cela peut-il bien lui servir. Intervient alors un principe, novateur dans la forme, mais peu original dans le fond. Explications.
Lors de vos pérégrinations au sein d'environnements divers et variés, vous remarquerez aisément la présence de cubes de couleurs et de textures particulières. Votre but devient alors limpide. Il vous est demandé de détruire les blocs correspondant à votre couleur actuelle. Aucun autre ne pourra être atteint s'il ne dispose pas d'une teinte analogue à la vôtre. Comment faire de ce fait pour détruire un bloc bleu avec une sphère rouge ? Me direz-vous. Et bien, rien de plus simple. Il vous suffira de découvrir sur l'aire de jeu une sorte de fontaine d'un coloris particulier, convenant à votre but. Mais cela ne s'arrête pas en si bon chemin. Une fois tous les obstacles teintés annihilés, il ne vous reste plus qu'à réduire à néant les blocs de glace, intouchables lorsque les différents cubes sont encore debout. Cependant, n'oubliez pas que vous êtes au contrôle d'un objet roulant, ce qui implique de plus la gestion de l'inertie particulière affiliée à celui-ci. Surtout que les niveaux ne sont pas cloués à terre, mais flottent dans les limbes spatiales, dénués de rebords à certains endroits. Quand l'on se rend compte que le moindre choc avec un obstacle vous repousse violemment, et parfois relativement loin, la prudence se révèle de mise. Fort heureusement, la maniabilité vous a été livrée avec deux possibilités bien heureuses, le freinage et l'accélération. Équipé de ces atouts majeurs, il ne vous reste plus qu'à vous lancer au sein d'une aventure passionnante, où l'onirisme côtoie la beauté. Si seulement... si seulement...
Vous serez d'accord que dans l'optique de susciter un intérêt, même mineur, un challenge se doit d'être présent. Il est ici représenté par la jauge de Mojo, surplombée de celle de turbo (qui se remplit avec le temps, ou bien à chaque collision avec une source colorée). Comme tout le monde le sait pertinemment, le Mojo est une denrée rare et périssable. De ce fait la barre représentant sa consommation diminue lentement au fur et à mesure de la durée de jeu, et rapidement lors de chutes mortelles. Une fois cette énergie vitale amenée à zéro, la partie se termine, vous laissant seul face à la froideur inhospitalière de votre écran. Néanmoins pas d'inquiétude, car il vous est possible d'alimenter de nouveau votre capital santé, en collectant ce Mojo dans les blocs de glace, ainsi que dans certains blocs barrières (en pierre), en les frappant d'un côté particulier. A noter que vous conservez votre jauge tout au long d'un monde, donc durant dix étapes. Autant perdre le moins de temps possible. Et c'est à ce moment précis que les défauts commencent à poindre insidieusement. Bien que prenant part à la personnalité du soft, le comportement de la balle reste outrageusement exagéré. Parvenir à évoluer le long d'une corniche demeure dans le cadre de l'exploit personnel, tout autant que la remise dans l'axe de cette sphère étrange. Un outil de stress supplémentaire, mais qui transforme souvent la difficulté et le jeu sur les réflexes en simple exaspération. D'autre part, le gameplay, sous ses faux airs d'innovation, cache un habile mélange entre Puyo Pop dans le système de codes couleurs, et Monkey Ball concernant la gestion de la boule.
Pourtant il n'arrive pas à emprunter l'ingéniosité et le concept fort des deux inspirateurs précités. Rapidement lassant du fait d'allers retours incessants dans un but sempiternellement identique, le titre ne s'autorise aucune fantaisie susceptible de sortir le joueur de sa torpeur. Par ailleurs, les environnements dépouillés et peu imaginatifs, plus qu'avares en animations et en détails, ne participent pas vraiment à un possible regain d'intérêt au fil des parties. Manquant d'un attrait salvateur, il faut vraiment souhaiter se confronter à des puzzles, certes bien construits et à la difficulté progressive dans le fond, mais d'un classicisme exacerbé dans la forme. Après un ensemble d'efforts titanesques, il vous sera offert un mode de jeu supplémentaire, représenté sous la forme d'un mini-golf, amusant mais cette fois-ci sans aucun doute possible apparenté aux fabuleux voyages de singes en boules. Souhaitant imposer un gameplay et un concept fort, à la bomberman, Dreamcatcher ne parvient qu'à nous proposer un jeu faussement novateur, pétri de bonnes idées, mais par trop lacunaire graphiquement, musicalement et surtout ludiquement. Nul doute que disposant d'une austérité moins mise en avant, ainsi que d'une physique de balle plus agréable ne sanctionnant pas froidement le moindre écart d'un millimètre, ce soft aurait rallié à sa cause nombre de personnes en manque de puzzle-games. Ce ne sera visiblement pas le cas.
- Graphismes7/20
Agrémentés de nombreux bugs, de scintillements intempestifs sur certains niveaux, et d'un aliasing intégriste, on ne peut pas dire que Mojo ! soit en phase avec son temps graphiquement parlant. Équivalant les meilleures productions Takara ou Agetec de ce côté-là, le titre est heureusement rattrapé par la fluidité de l'action. Une piètre consolation.
- Jouabilité9/20
Tout d'abord, il est de bon ton d'avouer que la prise en main est intuitive, et ne souffre d'aucune carence majeure. Cependant, l'inertie de la balle est telle qu'un véritable effort physique est nécessaire à son contrôle optimal. Une partie de ce défaut est inhérent à la volonté intrinsèque du jeu, mais l'autre partie est tout simplement un défaut de maniabilité. Un gameplay plus inventif et mieux équilibré aurait fait l'unanimité.
- Durée de vie14/20
De ce côté-là, vous en aurez pour votre argent, à la vue de la difficulté du titre. De plus un mode multijoueur, permettant d'affronter de un à trois joueurs supplémentaires, tient une place de choix. malgré tout, son intérêt plus que limité ne le destine pas à la gloire.
- Bande son9/20
Pour une fois des compositions musicales aux doux sons de synthétiseurs bas prix, se payent le luxe de n'être pas redondantes, malgré le fait que leur construction soit relativement répétitive et pauvre. Par contre, les différents bruitages demeurent pauvres et peu convaincants.
- Scénario5/20
Tout est dit dans l'accroche du texte, mis à part le fait qu'il faut avoir du courage pour implémenter une trame scénaristique à ce type de soft. Respectable.
Original lors de la première approche, Mojo ! rabroue rapidement les petits malandrins espérant y trouver grand intérêt. Ne pouvant se reposer sur des bases solides, la volonté d'instaurer un nouveau genre, ou tout du moins d'amener une nouvelle approche du puzzle-game s'écroule lourdelement. Non dénué d'un certain charme, en rapport avec l'aspect réflexion s'exhalant furtivement, doublé d'une mise en éveil des réflexes, il peut être divertissant, mais pas sur le long terme. Son petit prix joue en sa faveur, mais essayez-le avant toute action que vous regretteriez.