Avant tout allégation qui ne serait qu'une expression d'une haine sans borne, il est bon de définir le terme qui sera la pierre de voûte de ce test. Ce mot, le voici sans fioriture. "Affligeant" : adjectif. Qui cause de l'affliction. D'un geste ample rendons-nous donc à la page en question. "Affliction" : nom féminin. Grand chagrin, peine profonde. Et effectivement, ces deux sentiments prédominent après seulement quinze maigres minutes de jeu.
Connaissez-vous le manga intitulé Monster de Urasawa Naoki ? Relatant l'enchaînement de meurtres d'un tueur en série, un des personnages déclame des mots qui conviennent parfaitement à l'état de délabrement de ce soft. Ce sont les suivants : "Dans cette affaire, je n'arrive pas à trouver les mots justes [...] mais si je devais trouver une manière de le dire, je ne pourrais employer que des vieilles formules dépassées ... C'est l'oeuvre du Démon." En effet, les termes manqueraient à quiconque désirerait décrire parfaitement l'émotion particulière expérimentée à l'essai de ce titre, original dans le nombre de défauts présents au pixel. Commençons la dissection de cet animal plus fantastique encore que la bête du Gévaudan elle-même. Il n'a mangé personne (encore que), mais ses blessures sont plus insidieuses. Tout d'abord, et c'est là le point le plus démonstratif, la traduction semble avoir été léguée à un homme demeuré pendant au moins 20 ans au sein de la funeste forêt amazonienne, sans avoir pu ne serait-ce une fois, discuter avec un être humain sensé. Ce qui aboutit logiquement à des "points clairs" (pour "clear points"), "maintenant chargeant" (pour "loading"), et autres fautes de français lamentables telles que "félécitations", ou encore "Fille à sens unique Directe" qui reste pour moi un grand mystère. Signes avant coureur de la qualité intrinsèque d'un produit vidéoludique, ces détails rassurent immédiatement sur la perspicacité de son choix. Mais le meilleur reste pourtant à venir.
Qu'est ce qui apparaît comme indispensable au sein d'un jeu de flipper (je ne l'avais pas précisé consciemment) d'après vous ? La physique de la bille, vous avez raison. Toutefois, les développeurs de chez Astroll ne doivent pas être du même avis. De ce fait ils ont préféré en leur âme et conscience implémenter à la pauvre boule qui n'avait rien demandé, le comportement d'un ballon gonflé à l'hélium. A vous les parties endiablées, ne parvenant pas à savoir la réaction dont la sphère va faire preuve. De toute manière cela ne vous aurait été d'aucun secours, étant donné que les flips rivalisent de mollesse avec une nouille trop cuite. Si bien que l'impression de participer à la première expérience de l'homme concernant la réaction d'un flipper en condition lunaire, devient de plus en plus pressante. Les digues contenant l'intérêt s'affaissant une à une, il est à l'évidence nécessaire d'aborder les points restant avant une inondation notable. Honteux, les mécanismes de jeu et leur pendant, en la personne de la jouabilité, se dissimulent derrière une imposante simplicité. Ils ne tardent cependant pas à se montrer. Et là, c'est le drame.
Jamais, même dans les bars de hameaux de moins de quinze résidents, n'avaient existé de flippers autant dénués de la moindre étincelle d'inventivité. A la suite d'une épreuve de ce genre, il vous est légitimement permis d'affirmer avoir eu entre les mains l'incarnation matérielle de l'ennui. Aucun bonus particulier, aucune table originale, aucun ajout destiné à submerger la lassitude inhérente à ce type de jeux. Rien de comparable à ce qu'ont tenté et réussi ces messieurs Pokémon, accompagné de Sonic. Apparemment peinée par ce manque d'innovation dégradant, l'équipe chargée du projet a décidé d'inclure une possibilité alors inconnue jusqu'à ce jour, au moment du rush final. Cette révolution permet de faire exécuter à l'aire de jeu une rotation, via le côté droit de la croix directionnelle, et le bouton carré. Vous perdez alors la maigre visibilité que vous possédiez pour vous retrouver en situation de jeu à l'aveugle. Passionnant de bout en bout. Heureusement tout du moins, qu'il vous est autorisé de zoomer et inversement, car le calvaire aurait été proche de la damnation éternelle. Et que dire de la fulgurance des modes de jeu. Un championnat et une partie libre sont les deux seules "distractions" qui vous attendent, un couteau entre les dents.
J'allais omettre de vous parler de la qualité graphique de l'ensemble. Cruel oubli. On ne peut décemment pas se priver du premier scintillement dans un soft de flipper. Pourtant, une énigme subsiste. Par quels moyens les programmeurs sont-ils parvenus à provoquer ces désagréments, sachant que la qualité graphique s'approche de n'importe quel shareware disponible sur le net, que les détails visuels sont au chômage technique, que l'environnement artistique se résume à une citrouille et un fantôme présents pendant les menus de pause (et qui n'ont aucun rapport avec le jeu d'ailleurs), et qu'il n'y a pas la moindre trace d'un effet quelconque, à croire qu'une épidémie les a décimés. C'est dans ce monde post-apocalyptique qu'une lente agonie prend fin. Brisant cette belle tranquillité cadavérique, des odes s'immiscent dans vos conduits auditifs. Faites rapidement quelque chose ! Vous venez en effet d'être attaqué par l'association malsaine de compositions musicales de faible qualité et dramatiquement répétitives, avec une ambiance sonore quasiment absente et ô combien peu immersive. Une leçon de médiocrité. Au final, vous aurez aisément compris que ce n'est un achat valable que si vous faites partie de la Mafia, et que vous voulez terroriser un mauvais payeur. Rien ne rattrape ce titre. Le désarroi des développeurs doit être grand. Le nôtre également.
- Graphismes1/20
Digne héritier du jeu de flipper livré avec Windows, la qualité graphique, tout autant qu'artistique, semble avoir fait une rencontre du troisième type qui aurait mal tournée. Doté de couleurs criardes, et d'un contraste inexistant, le soft ne peut rivaliser avec l'abondance d'un Pokémon Pinball.
- Jouabilité1/20
Les moindres actions que vous essayez malgré vous d'exécuter sont soumises à une gravité curieusement multipliée par trois, tandis que la bille gambade joyeusement aux quatre coins de la table, sous l'emprise d'une atmosphère quasi lunaire. Comment de ce fait demeurer précis ?
- Durée de vie5/20
La possibilité de débloquer quelques environnements supplémentaires a de quoi occuper votre temps mort, d'autant plus que votre capital point croît de manière fort lente. Mais tiendrez-vous plus d'une heure, là est la question.
- Bande son2/20
Des thèmes musicaux stressants, au sens premier du terme, se réduisant à des schémas très simples, revenant extrêmement régulièrement, doublés de sons caractéristiques de flipper, qui ne le sont plus tellement du fait de leur quasi absence.
- Scénario/
Il ne faut pas exagérer non plus.
Pour toutes les remarques faites précédemment, et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je... dis n'importe quoi. Sincèrement lacunaire à tout point de vue, Pinball dégoûte, tout autant qu'il énerve. Des errances comme celles présentes dans ce soft ne devraient maintenant plus être à l'ordre du jour. Le monde du jeu vidéo souffre d'un manque de fonds, notamment pour les petites sociétés, mais cela n'empêche pas certaines d'innover dans des domaines aussi importants que la qualité artistique et le gameplay. Ce n'est aucunement, et de loin, le cas de ce titre. Une boule creuse et éraflée.