Si vous connaissez les spécificités personnelles d'un elfe des marais, si vous êtes capable de divulguer la taille exacte d'un orteil de troll, si Tolkien ne vous sert pas qu'à caler votre armoire chancelante, alors vous devez au moins avoir entendu parler ou sans doute pratiquer au moins une fois dans votre morne existence un combat sanglant muni de cartes étranges.
Bienvenue dans l'univers héroic-fantasy de Magic The Gathering, jeu de cartes hautement stratégique édité par la célèbre société Wizard On The Coast (on se demande bien ce qu'ils y font d'ailleurs). Si cela est aussi parlant pour vous qu'un après-midi dans le Berry en novembre,en voici le fonctionnement en quelques mots. Vous êtes un mage, défiant un homologue au sein d'un affrontement sans merci. Pour ce faire, des cartes demeurent à votre disposition, représentant diverses créatures conservant un rapport avec les éléments de la nature. En résumé, il existe cinq couleurs les représentant : le noir (chaos), le vert (forêt), le rouge (feu), le bleu (l'eau), et enfin le blanc (vertu). Chacune d'elle permet d'invoquer un être magique répondant à son domaine spécifique. Un golem de feu par exemple, sera mis en jeu à partir de la teinte rouge. De plus un coût en territoire vous est imposé, en rapport direct avec la force de la chimère invoquée. Pour un dragon noir, il faudra vous munir d'environ quatre cartes marais, estampillées comme appartenant au chaos. D'autre part ce même principe s'applique aux sorts offensifs, défensifs, ainsi qu'aux modifications d'état. A la fin d'une opposition violente, le nombre de points de vie de l'invocation de défense sont déduits des points de force de celle d'attaque, renseignant de ce fait sur le nombre de dégâts dispensés au mage adverse (donc vous). Essayez vous comprendrez mieux.
La première impression qui choque vraiment, est le pure et simple abandon de certaines des règles précitées. En effet, le système de coût territorial s'est évanoui. Faire appel à un fidèle serviteur monstrueux ne repose plus que sur la collecte d'orbes et d'échardes de mana (apparaissant automatiquement pour les premières, à la mort d'un ennemi pour les deuxièmes), emplissant une jauge située sous votre barre de vie. La réflexion reste fondamentalement identique, mais révoque un principe intéressant et apportant une crédibilité à un univers exhaustif, par une vulgaire course au sein d'un espace de 15 m², cherchant à se saisir d'objets scintillant au plus vite. On jurerait un titre Game and Watch ! Surtout quand la jouabilité vous conforte dans votre jugement. Si encore l'animation et les décors avaient bénéficié d'attention. Mais il n'en est rien. Des personnages au design fantasque dans le mauvais sens du terme, évoluent nonchalamment, entourés d'univers vides et ternes.
D'autre part, le nombre d'enchantements (caractéristiques modifiées durant un certain temps), de rituels (capacités supplémentaires octroyées jusqu'à la mort de votre gobelin préféré), ainsi que de vils mignons à votre disposition, est limité à dix unités. Ce qui aboutit au même écueil que dans le fabuleux Chaos Legion, c'est à dire une avancée dans un inconnu voilé de doutes, vous obligeant à deux solutions contraignantes : la première est de commencer l'affrontement en misant sur la chance, puis de le reprendre en ayant adroitement visualisé vos points faibles, tandis que la seconde est de prêter le soft à un ami, afin d'observer ses cruelles erreurs et de noter tout ceci sur un petit carnet. Vous aurez l'air bizarre, mais ne vous inquiétez pas.
Séparés par une ligne de front semblable à une peinture d'origine celtique, les deux mages, usant d'une stratégie ancestrale cherchent la faille dans la défense de l'adversaire. Là réside le point vraiment captivant du titre, même si vos talents dignes de Sun Zi, n'oeuvreront pas à leur pleines capacités. En effet au sein du mode quête, des batailles pratiquement perdues d'avance vous seront proposées afin d'affiner votre art de la guerre. Invoquer des aigles afin de surpasser la défense ennemie composée de fantassins en se garantissant une sûreté éphémère grâce à une division de maraudeurs elfes, sera à n'en pas douter votre pain quotidien. Le problème réside dans le fait que la puissance brute sera plus probante que la sage méditation. D'autre part, les compétences acquises dans ce mode, ne vous serviront en aucune manière dans la partie arcade. La raison de cette carence demeure assez floue. Toutefois il est à noter que l'utilisation de ces dernières est on ne peut plus intuitive et réfléchie. Plusieurs combinaisons basées sur trois touches suffisent à déchaîner votre courroux.
Au final, soutenu par une bande son de faible qualité et des voix peu convaincantes, "Magic The Gathering", s'éloigne à dos de Nazgûl de la profondeur intrinsèque à sa vaillante inspiration. Mais les âfres de la douleur s'empareront de votre frêle corps à la vision des temps de chargement les plus longs existants sur Xbox. Amateurs de grands crus torréfiés à coeur, ce titre est pour vous. Déception notable à la vue d'une première impression sensiblement positive, cette mise en 3D d'un des fleurons des jeux à ambiance fantasy, seule la durée de vie pourra épargner ce soft d'une fin prématurée et du retour tant espéré d'un plaisir à la fois visuel et tactile. Dressez une table et préparez vos decks. Ce sera toujours moins cher et encombrant qu'une Xbox.
- Graphismes9/20
Des environnements vides et mal texturés, incluants des mages peu charismatiques et mal modélisés. Les différentes incantations demeurent correctes mais ne rattrapent pas la chute vertigineuse.
- Jouabilité11/20
D'un côté nous avons des déplacements laborieux sur un lopin de terre plus que réduit, et de l'autre une navigation aisée au sein de la palette de sorts. Ce déséquilibre étonne et énerve à la fois.
- Durée de vie14/20
Si la lassitude ne vous a pas rejoint au gré d'une partie, le nombre d'affrontements nécessaires dans le but de clore le titre se révèle très conséquent. De plus la possibilité de défier le monde entier sur le Xbox-live, rajoute une petite touche d'intérêt.
- Bande son8/20
Les compositions très discrètes ne participent pas à rendre crédible ce monde enchanteur, de même que les voix ne nous plongent pas dans le vif de l'affrontement.
- Scénario7/20
Ce n'est qu'un prétexte à de multiples combats, mais le soft a le mérite d'en proposer un.
Difficile challenge que d'adapter Magic dans un monde vidéoludique impitoyable, peuplé d'univers imaginatifs et passionnants. Le souhait de tout fan de ce jeu de cartes légendaire est concrètement défait par des lacunes trop importantes, empêchant sincèrement d'expérimenter un plaisir à la hauteur. Cependant il pourra convenir aux avides compétiteurs ne vivant que pour l'affrontement magique, prêts à faire fi de manques de finition. Au moins lors de parties face à un adversaire malin, les chargements ne sont qu'humains.