Des hurlements barbares résonnent le long des hautes colonnes de marbre, répercutant les sonorités plaintives d'une souffrance soudaine. Le seul écho demeure un flot d'applaudissements, entremêlé de rires et de réprobation. Que trouvent-ils de bon dans ces massacres ? La poussière me fouette les yeux, la grille s'ouvre. Mon tour vient de participer à ce bal macabre.
La scène d'ouverture de ce Gladiator : Sword Of Vengeance, s'inspire sans nul doute du film de Ridley Scott, se déroulant au sein d'un empire romain décadent, hymne aux affrontements violents et immoraux de rudes gladiateurs. De ce fait les premières impressions en débutant le titre s'avèrent délicieusement agréables, provoquant une immersion rapide et englobante. Une mise en scène de grande qualité, par le biais d'angles de caméras astucieusement choisis, parvient à faire ressentir viscéralement le gigantisme et l'étouffant étau psychologique communs au Colysée. Agissant instinctivement aux injonctions de la foule, votre manière de combattre se lie aux mouvements d'humeur de cette dernière. Pendant de fugitifs instants, vous comprendrez d'où pouvait provenir cette force intérieure nécessaire à ces pauvres hommes, obligés de supporter que leur propre mort devienne en elle-même un spectacle. La négation de l'individu est bien ancienne.
De même, la qualité graphique participe de toute sa hargne à exposer à vos yeux ébahis, les différentes structures composant cet univers antique. Du moins lors du prologue. En effet, par la suite, le soft abandonne sa réalisation filmique de premier ordre pour ne proposer qu'une caméra souffrant apparemment d'arthrite chronique, du fait de sa faible mobilité. Néanmoins, dans un sursaut d'orgeuil, la volonté artistique reprend ses droits à de rares moments, vous conviant à l'admiration de temples massifs, et d'autels majestueux. Et c'est exactement lors de ces phases que l'on regrette amèrement l'inexplicable carence de direction cinématographique la majeure partie du temps. Un choix passablement étrange, endiguant de ce fait un motivant intérêt. De plus il arrive assez fréquemment que notre ami à tous, l'aliasing, vienne participer activement à la quête épique de Invictus Thrax, le héros déchu du titre. Un invité surprise de bien mauvais aloi, surtout dans cette version PS2, handicapée de côté là. Mais il est important de mentionner l'aspect le plus porteur du jeu, l'ambiance. Sans vous révéler de trop précises informations concernant le scénario (qui n'est pas spécifiquement étoffé), les adeptes de mythologie grecque seront comblés. Défiant les dieux, le despotique Arruntius se voit désigné par les hautes instances de l'Olympe, comme responsable de la perte d'énergie vitale de Rome. Son plus fidèle opposant, en d'autres termes vous, est par conséquent décrété volontaire dans la mise à terme de l'empire corrompu. Vous pénétrez alors au sein d'un univers peuplé de créatures fantastiques, telles que guerriers-squelettes et cyclopes, côtoyant les lieux sacrés les plus célèbres des récits d'Homère. Bercée par des thèmes musicaux de bonne qualité, tantôt épiques, parfois inquiétants, votre aventure aux confins des mythes et légendes aurait par conséquent dû vous transcender. Logiquement ...
Suivant le principe du désormais célèbre jeu impliquant un grand maigrichon ridicule, alias "Où est Charlie" (à la première réponse vulgaire, j'arrête ce test), on peut décemment se poser une question analogue, sous cette forme : "Où est l'intérêt ?". Partant d'un principe accrocheur d'évolution de votre personnage au gré de reliques célestes ramenées à l'Elysée, le titre s'embrouille de plus en plus dans un lassant principe de missions annexes. En fait il vous est octroyé une quête principale par monde. Cependant au lieu même de cet univers, vous découvrirez des sortes de bornes mystiques vous octroyant la possibilité de réaliser des mini-challenges afin de collecter des bonus d'armures et autres améliorations diverses. Si cela paraît intéressant de prime abord, cela en devient vite contraignant par la suite.
D'autant plus que le but à atteindre est pratiquement toujours identique. D'autre part, vers le début du scénario, vous obtiendrez une jauge au-dessus de votre belle tête brune, proposant divers bonus s'incluant automatiquement à votre personne à mesure des combos effectués. Il vous arrivera donc à intervalles très réguliers de bénéficier de force supplémentaire ou autres améliorations sans n'avoir rien demandé. Surprenant. De même, une attaque dévastatrice peut être déclenchée à tout instant, une fois un nombre d'ennemis anéantis. L'écueil est que cette dernière se rend disponible fort rapidement. Dommageable pour un gameplay, qui plus est limité, et reposant éternellement sur le même mécanisme. L'aspect aventure ne prend malheureusement pas le pas sur le beat'em all sanglant, bourrin et répétitif. Si l'on ajoute à cela des niveaux tubulaires dans lesquels le moindre pas en dehors des rails est sanctionné par un mur invisible, et des sauts paramétrés à l'avance, la volonté d'inspection et tout simplement de quête s'évapore rapidement. Le vent de la frustration souffle adroitement.
Au final, on ne retiendra que l'impression d'un soft volontairement sanglant et simpliste, alors que ce dernier aurait mérité une approche différente, plus proche d'un Rygar par exemple. Mais là ou ce dernier multiplie avec aisance et grandeur les effets de styles cinématographiques, "Gladiator SoV" ne s'attarde que peu, mais avec brio, sur cet aspect. Morituri te salutant.
- Graphismes14/20
Des environnements en 3D précalculée relativement bien réalisés mais peu mis en avant, de par la fixité outrancière de la caméra. D'autre part un effet d'aliasing participant effectivement à l'action ne rend somme toute que difficilement hommage à la beauté ancestrale des constructions antiques. A noter cependant des animations crédibles. Mais, cette version PS2 souffre d'un aliasing prononcé.
- Jouabilité13/20
Des commandes intuitives mais entâchées par un système de lock se révélant peu ergonomique. De plus, la caméra n'en faisant qu'à sa tête, les ennemis sortent fréquemment de votre champ de vision. Une palette de coups simple, et la possibilité de manier plusieurs armes, enjolivent péniblement ce désagrément.
- Durée de vie10/20
D'une difficulté moyenne, le titre ne dépasse que difficilement la dizaine d'heures de jeu. Toutefois, si votre objectif premier demeure de récolter l'ensemble des améliorations disponibles pour la musculaire stature de votre héros, vous dépasserez ce temps imparti. Tout cela en tenant compte de la lassitude vous guettant, insidieuse derrière chaque pilier moussu.
- Bande son14/20
Des compositions musicales de qualité correcte, recherchant à communiquer l'esprit épique approprié à ce genre de production. Souvent différentes elles apportent un complément non négligeable à l'ambiance. Les voix françaises restent crédibles et vivantes.
- Scénario8/20
Non qu'il n'y ait de grande révélation à la Chrono Cross, mais je tairais le rebondissement du scénario. Malgré cela, ce dernier n'est qu'un prétexte à un beat'em all somme toute classique, dans lequel les méchants le sont énormément, et les gentils tout autant (gentil évidemment).
Chronique d'une déchéance. Voici ce que pourrait être le sous-titre de "Gladiator : Sword Of Vengeance. Doté de quinze premières minutes sincèrement époustouflantes, il se voit misérablement tombé en déliquescence pendant les six cents restantes. Pataugeant au sein d'une ambiance mythique et onirique, votre fidèle Thrax, perd sa voie vers l'affranchissement définitif. Son horizon masqué par les affres de la technique. Le pouce ne se baissera pas. Le gladiateur n'est pas rentré dans l'arène.