Bande dessinée culte au scénario richissime, XIII attisait l'impatience depuis de nombreux mois. Outre la récupération habile d'un univers complexe, l'adaptation des aventures du héros tatoué et amnésique tente un pari graphique audacieux. Faire du cel shading dans un FPS, il y a peu, on aurait pris ça pour une blague, et pourtant ça marche. Ca marche même très bien.
Prendre en main l'adaptation d'une BD aussi complexe que XIII, ça doit vous mettre une sacrée pression sur les épaules, c'est le genre d'idées qui vous foutent en l'air votre sommeil. Courir le risque de se planter et de subir les malédictions vaudou des fans, ça vous pousse à soigner le boulot et à faire quelque chose d'aussi surprenant que l'oeuvre de Van Hamme. Il faut croire que le stimulant est efficace parce que le soft a plus d'un atrait design osé, ambiance percutante et gameplay diversifié. Lancez le jeu et plongez dans l'histoire. Sheridan, président des USA qui ne manquera pas de nous rappeler un certain Kennedy, est assassiné en pleine rue. Vous, vous êtes le numéro XIII, amnésique mais indubitablement lié à cette affaire. C'est inconscient qu'une secouriste vous retrouve sur une plage. A peine éveillé, une bande de malotrus tente déjà de vous trouer la peau. On ignore qui ils sont et encore plus ce qu'ils nous veulent. Il va falloir payer de notre personne pour le savoir. Et pendant ce temps, l'ami du petit déjeuner, il fait quoi pour m'aider de bon matin ?
C'est la première force de XIII que d'avoir une intrigue vraiment prenante et solide, chose plutôt rare dans les FPS. Pour les amateurs, sachez qu'elle reprend d'une manière simplifiée la trame des 5 premiers albums originaux. Le scénario à lui seul pourrait suffire à nous scotcher au jeu. D'autant que l'ambiance générale est particulièrement bien rendue en partie par le design, inspiré de la bande dessinée avec ses cinématiques qui reposent sur des cases de BD animées ou même l'incrustation de ces images en plein jeu pour nous avertir de la présence d'un garde ou d'une bande d'ennemis au détour d'un couloir. Outre l'aspect pratique de la chose, il s'agit également d'un élément de mise en scène non négligeable. De même que l'usage des flashbacks assez fréquent et absolument génial. Génial parce qu'il ne s'agira pas de vous montrer une cut scène, mais bien de vous y faire participer. L'image passe en noir et blanc et devient distordue, peu claire, évasive même, on garde les commandes et on vit ce souvenir. Le degré d'immersion est assez élevé, et on ne se contente pas de regarder le scénario se dérouler, on EST le numéro XIII, perdu dans ses souvenirs confus.
Et le plus surprenant avec ses souvenirs, c'est qu'ils vous prennent d'un coup, comme une claque en pleine face. Ce qui m'amène à ajouter un autre litre d'eau au moulin en parlant un peu du rythme emporté des missions. Tout s'enchaîne parfaitement, les débuts sont nerveux mais suivis de quelque chose de plus clame, on nous promène à un rythme cassé, qui évite tout ennui. Si le gameplay reste classique, la diversité de vos objectifs assure la rupture de la monotonie entre missions très speed avec gunfights et passage d'infiltration en toute discrétion. Sans parler de votre évasion d'un asile militaire plutôt flippante, avec tous ses dingues qui délirent à côté de vous ou de cette scène qui vous voit espionner une conversation à distance.
Mais XIII a tout de même quelques originalités dans son gameplay, surtout, liées au style BD, une fois encore. On citera le sixième sens qui lui permet de localiser un ennemi. En demeurant immobile, vous pouvez sentir une présence qui se manifestera par le biais d'onomatopées représentant les bruits de pas. Idéal pour savoir quand passer sans être vu ou éviter d'être surpris au détour d'un couloir. Le genre d'idées qui rejoint celle de l'incrustation d'images avertissant de la proximité d'un point important. Ces cases de BD auront de plus une autre utilité, qu'il s'agisse de vous faire voir et entendre une conversation clé ou de mettre en valeur un joli headshot suivi de la chute du malheureux à tête trouée. Pour rester dans l'influence BD, chaque son sera ici accompagné d'une onomatopée, les Boum, blam plaf et autre tap, tap sont légions. Au départ ça déconcerte, mais on s'y fait très vite. Autre ajout sympathique, la possibilité d'utiliser divers éléments de décor comme armes, chaises, cendriers, pelles, autant d'objets qui pourront faire de très bons assommoirs.
Avoir recours au cel shading était un pari audacieux mais la réussite est éclatante. Je ne reviendrai pas sur l'atmosphère particulière qui s'en dégage et je me contenterai de dire que le design apporte un vrai vent de fraîcheur sur les FPS. Basé sur le moteur d'Unreal, le jeu n'est pas une claque visuelle et technique mais une réussite en termes d'esthétisme. XIII tourne rond, l'animation file doux et à part quelques modèles un peu anguleux, on n'a pas à se plaindre. En ce qui concerne le level design, le jeu se veut linéaire et scripté en diable, ce qui n'a pas empêché les développeurs de pondre des d'environnements assez vastes. Personnellement je me réserve le droit de couiner sur le franchissement d'un canyon un peu longuet, qui reste le seul niveau au cours duquel j'ai poussé quelques soupirs..
On ne va pourtant pas se quitter sur tout ce bonheur. Il faut d'abord en passer par quelques regrets concernant l'IA. Les ennemis ne sont pas d'une grande intelligence avouons-le. Leur tendance à user de leurs super oreilles bioniques peut parfois agacer par exemple. Plus tard, ce pourra être leur façon d'attendre un peu trop gentiment la mort ou de foncer comme des dingues. Rien d'abominable mais bon, on aurait préféré voir quelque chose de plus poussé pour parfaire encore un tableau déjà brillant et qui sort du lot des FPS habituels.
- Graphismes16/20
Pas d'esbroufe technique pour XIII mais un rendu excellent et une maîtrise du cel shading qui apporte réellement une ambiance graphique hors du commun. Même si on peut lui reprocher certains détails un peu trop carré, XIII surprend et séduit.
- Jouabilité17/20
La prise en main est classique, aucun problème de ce côté. XIII offre un gameplay qui sait être varié et qui repose sur l'alternance entre rythme emporté et missions plus calmes d'infiltration. L'ambiance et la mise en scène du titre sont pour beaucoup dans son caractère addictif..
- Durée de vie15/20
La campagne solo est conséquente et devrait vous occuper. En revanche, ne comptez pas spécialement sur le multi, bien traditionnel dans ses modes de jeu et surtout pas très gâté en maps pour rallonger la durée de vie.
- Bande son17/20
La bande-son est une petite merveille avec des musiques dynamiques dans le plus pur style film d'espionnage et des effets réussis. La VF est de plus de très bonne qualité.
- Scénario17/20
Un FPS avec une trame aussi complexe, c'est rare. L'oeuvre est adaptée mais non trahie et même sans connaître la BD originale, on parvient à démêler les fils. Plus qu'à attendre la suite. La mise en scène de l'action est elle aussi appréciable.
Avec XIII, Ubi Soft nous livre un FPS qui profite d'une forte personnalité. Certes, le gameplay n'est pas révolutionnaire mais la diversité des missions, l'ambiance fortement marquée, l'approche visuelle et le scénario riche en rebondissements sont autant de choses à côté desquelles il serait dommage de passer. Une IA un peu boostée eut été la bienvenue pour parfaire le tout.