Souvenez-vous, en mars 2001, nous étions à l'aube de l'histoire de la PS2 et Hideo Kojima, l'homme qui allait engendrer l'inoubliable MGS2, avait su nous surprendre avec une production totalement inattendue nommée Zone of the Enders. Mais si nombre de joueurs étaient restés sur leur faim avec ce premier volet, c'est un soft d'une tout autre ampleur que Kojima nous sert aujourd'hui avec The 2nd Runner. Un projet dans lequel le maître s'est investi entièrement et qui a toutes les chances de marquer au fer rouge l'histoire du jeu vidéo en général.
Autre jeu, autre histoire, autres acteurs. Si ZOE 2 fait suite à son prédécesseur, il s'en détache suffisamment pour proposer un ensemble qui se suffise à lui-même tout en s'imbriquant de façon logique au contexte du premier volet. L'univers décrit dans Zone of the Enders étant relativement complexe, The 2nd Runner comporte un historique bienvenu qui rappelle les événements clés que l'on a pu appréhender dans ZOE. Après un tel briefing scénaristique et un retour sur les possibilités d'action du Jehuty via le VR Training, l'immersion dans ce second chapitre peut véritablement commencer. Nous sommes au XXIIème siècle, Mars est à présent une colonie de la Terre et Jupiter est devenu le nouvel objet de convoitise des humains. Le fossé qui sépare les terriens des humains nés dans l'espace tourne au conflit. C'est alors que Dingo Egret découvre, au cours d'une mission de routine sur le satellite de Jupiter Callisto, une source de Metatron qui le mène à prendre le contrôle de l'Orbital Frame Jehuty et le projette au premier plan de la lutte contre Aumaan. Le duel contre Anubis et son runner Nohman semble inévitable, et il se peut que les acteurs de jadis aient à nouveau un rôle à jouer dans ce combat décisif.
La narration s'enchaîne alors très vite, avec un mélange efficace de séquences d'animation clairement typées manga, de cut-scenes fonctionnant avec le moteur du jeu à base de cel shading et de dialogues sous forme de codec. On comprend tout de suite que l'action ne faiblira pas une seconde durant tout le déroulement du jeu, et l'on sait déjà qu'il faudra bien plus que de la volonté pour interrompre cet hymne aux softs de mechas. La prise en main est instinctive et les possibilités d'action autorisent différentes approches dans la gestion des combats. Selon les circonstances, il faudra soit opter pour une attaque à distance et déverser une véritable pluie de missiles sur plusieurs dizaines d'ennemis à la fois, ou concentrer toute son énergie sur un seul adversaire. Au corps à corps, les enchaînements permettent d'envoyer l'ennemi dans la direction de son choix pour l'exploser contre le décor, ou carrément l'empoigner pour s'en servir comme bouclier avant de l'envoyer dans la face de ses congénères. La plupart des éléments du décor sont destructibles ou peuvent servir d'arme pour décupler sa puissance offensive et défensive. Les armes secondaires s'acquièrent progressivement, allant de l'impressionnant V-Cannon au terrible 0-Shift. Tout cela n'est d'ailleurs qu'un aperçu des nombreuses possibilités d'action du Jehuty, la seule ombre au tableau étant une gestion des caméras soit tellement rapide qu'elle en devient difficile à suivre durant les combats, soit trop lente lorsqu'on cherche à balayer une zone en manuel.
Mais ce qui rend le jeu si fabuleux à jouer, ce n'est pas seulement le caractère hallucinant du gameplay. C'est aussi et surtout l'extrême variété qui caractérise l'alternance des missions qui s'enchaînent d'ailleurs sans aucune véritable interruption de manière à ne pas briser le déroulement de l'histoire. On se trouve ainsi en présence de véritables scènes d'anthologie, telle cette attaque des croiseurs Bahram qui déchire tout autant que la destruction des croiseurs de l'empire de Rogue Leader. Il faudra se battre contre un ennemi invisible en devinant ses mouvements grâce aux indications d'ADA, traverser un champ de mines, assurer la protection d'Ardjet, l'Orbital Frame de Ken Marinaris, ou même guider plus d'une centaine de LEV en territoire ennemi. Impossible de rester insensible devant l'efficacité de ces phases de jeu.
Des moments cultes qui donnent envie que le jeu ne s'arrête jamais, et qui rendent la déception encore plus dure à digérer lorsqu'on s'aperçoit que le soft se conclut brutalement par l'inévitable duel contre Anubis dès la fin de la dixième mission. Six heures à peine suffisent pour découvrir le fin mot de l'histoire, ne laissant comme maigre consolation que la perspective d'accéder à divers extras. On pourra ainsi participer à des combats deux joueurs en mode Versus en débloquant l'ensemble des Orbital Frames du jeu, et compléter le soft sous cinq modes de difficulté différents. Comme promis, la version Special Edition exclusivement distribuée en Europe comporte plusieurs bonus inédits : des niveaux supplémentaires et plus variés, des cut-scenes plus longues, et un mode Extra Missions très sympa puisqu'il permet de rejouer notamment toutes les scènes clés du mode Solo et d'affronter tous les boss dans n'importe quel ordre. Il est toujours difficile de sanctionner un titre pour ses simples lacunes en termes de longévité, surtout quand le soft en question a autant des allures de chef-d'oeuvre. Cela ne retire en tout cas rien au fait qu'il s'agit là d'un jeu d'action réellement somptueux qui réalise la prouesse d'offrir un plaisir de jeu hors norme et qui saura sans problème trouver sa place dans le coeur de nombreux joueurs.
- Graphismes19/20
Une réalisation en cel shading magnifique, bourrée d'effets visuels somptueux et soutenue par une animation hallucinante de dynamisme. Les séquences animées sont dignes d'une OAV et le design général fait beaucoup plus adulte que celui du premier volet.
- Jouabilité17/20
Le gameplay est à la fois intuitif, complet et étonnant de nervosité et les missions affichent une variété vraiment appréciable en proposant de nombreuses scènes d'anthologie. Dommage que la gestion des angles de vue soit un peu chaotique.
- Durée de vie14/20
Difficile à croire, mais le jeu se termine pourtant en à peine six heures. Les à-côtés sont tout de même intéressants et l'on dispose tout de même d'une version spéciale européenne plus complète que ses homologues nippon et américain.
- Bande son18/20
Pourquoi avoir évincé le doublage original au profit des voix en anglais ? ZOE 2 comporte quoi qu'il en soit une bande-son culte, avec un thème musical grandiose soutenu par des mélodies souvent somptueuses qui interviennent en plein coeur de l'action. Rappelons que l'OST devrait être distribuée simultanément avec le lancement du jeu en Europe.
- Scénario17/20
La narration se fait avec une habile alternance de cut-scenes, de séquences animées et de dialogues qui ne sont pas sans rappeler les phases de codec de MGS2, mais en beaucoup moins lourd. La signature de Kojima est d'autant plus évidente que le scénario flirte allègrement avec les sphères de la complexité, en proposant une psychologie des personnages intéressante à travers l'intervention des figures emblématiques du premier volet.
ZOE The 2nd Runner démontre plus que jamais le talent de Kojima qui parvient à allier une esthétique sublime à un gameplay hallucinant de nervosité. Les phases de jeu sont aussi variées que somptueuses, la narration est un véritable hommage aux fans de manga, et le rythme effréné de l'action est à couper le souffle. ZOE 2 n'était pas loin de la perfection, mais sa durée de vie scandaleuse nous oblige à sanctionner la notation de manière à traduire la frustration que l'on pourra ressentir en terminant ce titre en à peine six heures de jeu.