Si La Grande Evasion a su marquer l'histoire du cinéma de son empreinte indélébile, je crains fort que son adaptation ludique ne connaisse pas le même destin. On va même tout faire pour l'oublier très très vite.
Les plus anciens se souviennent peut-être d'une première adaptation de La Grande Evasion sur Amstrad. C'était en 2 couleurs, et déjà on pouvait « revivre » une partie des scènes clés du film. Pour cette nouvelle transposition, que l'on doit à SCi, l'idée est la même : vous remémorer toutes les séquences du film et vous envoyer directement dans le feu de l'action. Enfin.... de l'inaction plutôt, le jeu étant particulièrement mou du genou. Tout au long des 18 niveaux, on va alterner entre quatre personnages différents qui devront se faire la malle des prisons allemandes et autres camps dans lesquels ils se retrouvent inexorablement enfermés. Les héros de l'aventure sont MacDonald, Hedley, Sedwick et Hilts, incarné à l'écran par Steve McQueen.
Vous vous en doutez, le gameplay laisse une grande place à l'infiltration, puisqu'il vous faudra parcourir les camps en long et en large à la recherche de différents objets avec toujours la stricte contrainte de ne pas vous faire voir. Sur le papier, on peut alors s'attendre à un bon jeu, bien sympa et marrant, proche de Prisoner Of War sorti l'année dernière, la licence du film en plus. Sur l'écran, nos attentes s'effondrent d'un coup d'un seul dès que débute le second niveau. Je ne parle volontairement pas du premier niveau qui m'a plutôt bien plu, car plus nerveux et intense que la suite (à bord d'un avion, il faut descendre la flotte aérienne allemande avant de sauter en parachute). Le second niveau, disais-je, nous met de plein pied dans ce que seront pratiquement tous les autres niveaux de jeux, un simple simulateur de larbin, comme je me plais à l'appeler. Aller chercher tel objet pour le rapporter à ce personnage, puis partir prendre autre chose pour ce second personnage. On passe son temps à faire des allers retours pour pas grand chose. Par la suite, ça se calme un peu, mais le sentiment de ne pas pouvoir faire ce que l'on veut ou de ne pas choisir la méthode pour passer un niveau, perdure. En clair, on se sent comme vissé à des rails que l'on ne peut pas quitter. C'est comme ça et pas autrement.
Autre gros regret du titre, l'IA des gardes allemands. Avec un jeu où tout est basé sur la furtivité, sur la peur de se faire voir par une sentinelle, on a la désagréable surprise de constater que les vigiles sont aussi stupides qu'aveugles. On peut se balader à vingt mètres d'eux, ils ne nous voient pas et continuent tranquillement de faire leur ronde. Ca casse un peu le trip « jeu du chat et de la souris » et pour un titre qui s'appuie entièrement sur ce principe, ça fait bien tâche. Mais bon, si encore La Grande Evasion se contentait d'une IA foireuse, on pourrait à la limite le qualifier de jeu un peu facile, d'un jeu pour débutant quoi. Mais que nenni ! Tout est raté dans le titre. Alors tant qu'à faire un mauvais jeu, SCi y est allé gaiement et l'a parsemé de multiples bugs afin de plomber une réalisation déjà pas très réjouissante.
Point de vue maniabilité, ça va encore. Les prisonniers de guerre obéissent gentiment aux commandes de la manette. Les différentes vues de caméra sont bien étudiées pour nous permettre de voir tout de qui nous entoure assez facilement. On reste par contre très dubitatif en ce qui concerne l'usage abusif de la visée automatique (oui, il y a quand même des scènes d'action dans le jeu). Le personnage pointe immédiatement dans la direction des ennemis et bien souvent, si ce n'est tout le temps, un coup suffit à abattre n'importe quel garde qu'il soit à deux mètres de nous ou beaucoup plus loin, genre au fond du décor, posté sur un mirador, derrière un projecteur. C'est vraiment du grand n'importe quoi. Dans le même style d'aberration, il est impossible d'utiliser une trousse de soins alors qu'on tient une arme. Pour se refaire une santé, il faut impérativement passer par le menu d'inventaire, poser son fusil et prendre la trousse. Quitter le menu et utiliser la trousse. Pour continuer à se battre, il faut bien évidemment faire la même manip en sens inverse. Super mega lourd !
Ce n'est pas du côté de la réalisation que l'on trouvera un quelconque salut puisqu'en plus d'être spécialement moche (seuls les décors extérieurs sauvent l'honneur), La Grande Evasion ressemble un peu à une foire aux bugs. Graphiques ou sonores, faites votre choix, ils sont tous réunis dans un seul et même jeu. On pensait que seul l'éditeur hollandais Davilex maîtrisait l'art du Ultimate Bug, il faudra désormais aussi compter sur les développeurs de La Grande Evasion. En vrac, on a trouvé des gardes qui s'encastrent dans les murs (quand ce n'est pas le joueur lui-même qui reste littéralement collé aux parois), des collisions mal gérées, des dialogues qui se lancent alors que ceux qui sont censés les dire ne sont même pas là, je vous en passe et des meilleurs ! Pas forcément un bug, mais terriblement rigolo quand même : les conversations qu'entretiennent les personnages secondaires. Avec la volonté de créer un univers assez vivant, les développeurs ont prévu de multiples lignes de dialogues que les prisonniers sortent aléatoirement. La chose la plus fun du jeu consiste donc à vous placer à côté de deux détenus et d'écouter ce qu'ils ont à dire. Voilà en gros ce que ça donne : «- On aurait dû arrêter Hitler en 1936, Espagne. - La notion de liberté est toute relative. - J'aime bien le ragoût. - Je m'inscrirai sûrement au cours d'ornithologie de Blank ». Absolument passionnant. Quand on pense à d'autres jeux qui se cassent la tête à offrir des dialogues cohérents pour le moindre personnages, La Grande Evasion fait vraiment pitié à entendre.
Je pense avoir été assez clair sur l'intérêt tout relatif que l'on peut porter à ce titre. Oui, il est fidèle au film avec la séquence du tunnel en ouverture et celle de la moto en clôture (aïe, aïe, aïe, je ne vous ai même pas parlé de la moto, une vraie catastrophe au niveau de la prise en mains), mais que penser de la réalisation aussi bâclée ? De l'intelligence artificielle d'oursin donnée à chaque garde ? Allez hop, on oublie ce jeu et on se loue bien vite le DVD de la Grande Evasion. Je suis sûr que naviguer dans les bonus est déjà plus amusant.
- Graphismes11/20
Lisses, plats, sans âme. On pourrait dire aussi moche, mal animés, gestion de la lumière simpliste. Les graphismes sont loin d'être convaincants. Seuls quelques décors extérieurs sauvent la mise.
- Jouabilité12/20
Si on parvient à faire ce que l'on veut (sauf à moto, où la maniabilité est déplorable), le gameplay est tellement creux qu'il n'autorise même pas à changer d'arme sans passer par le menu. Pareil pour l'utilisation de trousses de soins. Gonflant.
- Durée de vie8/20
Les missions sont nombreuses mais extrêmement courtes et pas bien difficiles non plus. Comptez cinq ou six heures à peine.
- Bande son9/20
Dans l'absolu c'est plutôt pas mal. Les voix sont plus ou moins bien interprétées, le vocabulaire bien dans l'esprit du film, tout comme les musiques d'ailleurs qui reprennent les thèmes principaux. Cela dit, certains dialogues de sourds semblent tout droit tirés du « Grand Détournement » et ça, ça passe difficilement dans un jeu qui se veut sérieux.
- Scénario15/20
Respectueux de celui du film. C'est tout ce que j'ai à dire.
On pouvait s'attendre à un meilleur résultat pour cette adaptation d'un classique du cinéma. Tous les éléments étaient là pour faire un bon jeu, mais de trop grosses lacunes dans à peu près tous les domaines le condamnent à prendre la poussière au fond du placard.