En ces temps de disette créative, il peut sembler paradoxal de voir surgir l'originalité dans un genre que l'on croyait tous figé dans le temps et que certains même vouaient à la disparition. Et pourtant, The Mark Of Kri vient nous montrer que l'innovation n'est pas morte et que même le Beat'em All peut surprendre. Le meilleur beat de l'année passe pourtant inaperçu.
Pour la petite histoire, il faut tout de même signaler que The Mark Of Kri, développé en interne chez SCEA (Sony Amérique) par le studio San Diego est sorti aux USA l'été dernier ! Ce titre semble sorti de nulle part, Sony donnant l'impression de s'en contrefoutre royalement préférant mettre son argent et sa puissance marketing au service d'un gouffre à fric sans fond au gameplay foiré dont je tairai le nom ici pour ne pas créer d'ennuis aux développeurs de Getaway (oups). Pendant ce-temps, le géant héberge en son sein un des softs les plus innovants de ces dernières années mais ne lui apporte aucun soutien, non seulement Mark Of Kri est quasiment inconnu du public mais on sent de plus que le titre n'a pas eu tout le soin qu'il aurait mérité. Qu'on ne vienne pas me dire que les responsables marketing savent ce qu'ils font en matière de jeux vidéo.
Bref, maintenant que je me suis payé Sony, je vais vous parler du jeu. Comme il est dit dans la preview, le genre qui eut le plus de mal à négocier l'arrivée de la 3D c'est bien le beat'em all, problème de caméra en tout genre et surtout manque d'innovation dans un gameplay d'un autre âge ont bien failli mettre la discipline à mort. Puis vint Rau, guerrier dont le destin est d'empêcher la réunion des composantes d'un sortilège dévastateur. C'est avant tout le système de combat qu'il faut mettre en exergue et saluer ici, alors jetons-nous dans le sujet. Les bases sont très simples même s'il faudra un petit temps d'adaptation pour s'habituer. Pour livrer combat, vous devez au préalable locker vos cibles à l'aide du stick droit. En fonction de l'arme utilisée de 3 à 9 ennemis seront ainsi lockés. Chacun se voit attribuer une touche du pad (croix, carré ou rond) et n'échappera plus à votre vue. Pour les frapper, il suffit d'appuyer sur la touche adéquate. De cette manière, les combats prennent une dimension tout juste descriptible. Finies les galères pour trucider un type qui vous prend par derrière ou pour éloigner un mécréant sur le côté. Et quelle classe de voir Rau balancer un coup en aveugle dans son dos ou sur la droite. Un simple bouton suffit tout en vous permettant de terminer celui que vous avez commencé en face de vous. C'est pour les combos qu'il faudra prendre le coup, ceux-ci devant être commencés avec la touche attribuée à la cible.
Avec ces bases, c'est fou ce que l'on peut faire. C'est la même méthode qui sera employée pour les stealth kills. Car si The Mark Of Kri se donne des airs très bourrins, il n'en est rien et la furtivité sera de mise pour s'en sortir. Rau peut donc tuer de manière très discrète (bien que très violente). Plaquez-vous au mur et chopez le garde qui passe pour le clouer sur une façade ou lui fracasser le crâne à coups de garde de sabre ou tombez du haut d'un toit sur vos ennemis inattentifs. Et comme si cela ne suffisait pas, vous pouvez même réaliser ce genre d'attaques sur deux ou trois adversaires. Mais la subtilité va plus loin. Rau ne sera jamais seul dans son aventure mais toujours en compagnie de son oiseau, son guide spirituel, Kuzo. Kuzo pourra être envoyé sur des perchoirs et vous prêtera sa vue, vous donnant ainsi la possibilité de voir les dangers qui vous menacent, quels types de gardes, ou sont-ils, combien sont-ils ? L'occasion de repérer les ennemis porteurs de cors qu'il faudra tuer rapidement avant qu'ils ne donnent l'alerte ou de voir que des archers bien lourds protègent des hommes de pied et d'ailleurs, ces derniers portent-ils une armure ou pourront-ils être éliminés d'une flèche dans la tête ?
Autre utilité de Kuzo, l'ami des hommes, il pourra déclencher des mécanismes, descendre des échelles en se posant dessus ou même créer une diversion en faisant peur aux moineaux. Cette bestiole deviendra donc votre meilleur allié, presque aussi cruciale que votre sabre ou votre arc.
En terme de gameplay, c'est simple, The Mark Of Kri est jouissif, les combats qui peuvent mettre en scène de nombreux opposants sont très nerveux tout en faisant preuve de technicité (je frappe devant, je pare dans le dos et frappe en aveugle, gniarf) quant aux stealth kills, quelles merveilles. Honnêtement, même Les Deux Tours peut à mon humble avis aller se rhabiller car malgré sa sublime réalisation, son gameplay a pris un coup de vieux. Et encore, je n'ai pas parlé du bois dans lequel votre lame se bloque ou des murs sur lesquels elle rebondit, vous déstabilisant en pleine attaque.
Du point de vue de sa réalisation, The Mark Of Kri joue simple mais efficace. Avec son design à la Disney, on se croirait facilement face à une adaptation d'un dessin animé un peu niais, mais point du tout. Les environnements sont d'une grande finesse mais c'est essentiellement l'animation qui scotche. Rau est pourvu d'un grand nombre de mouvements et bouge avec classe en fonction de la distance ou des coups portés, son arme vole d'une main à l'autre, les membres volent eux aussi au passage. Un pur régal. Et si aucun effets spéciaux compliqués ne viennent nous émoustiller les rétines, le résultat demeure sublime. Est-il besoin que je dise une fois de plus depuis la preview de quelle manière ce contraste entre design enfantin et violence extrême des combats se montre plus que convaincant ? Techniquement, le seul reproche que je me permettrai sera pour les cinématiques particulièrement foireuses, comme trop compressées et par voie de conséquence très moches.
Malheureusement, il y a des couacs dans cette mélodie du bonheur, un surtout, la durée de vie. Est-ce la faute de Sony qui n'a pas laissé le studio San Diego finir comme il le voulait ou un problème lié à l'attraction lunaire, en tout cas, les 6 niveaux se plient bien trop vite (2 ou 3 jours et hop). Restent alors les nombreux bonus (arènes de combats, artworks ou tenues) que l'on débloque en remplissant les défis d'un niveau, mais ça fait quand même mal au bide.
Il n'en demeure pas moins que The Mark Of Kri est à n'en pas douter l'un des titres les plus innovant de ces derniers temps, aussi bien dans sa propre catégorie que par rapport à toute la production actuelle sur consoles et qui manque à la note qu'il mérite en raison de cette stupide durée de vie bien trop courte. Un must.
- Graphismes18/20
Pas de déluges d'effets et de technique, simplement un design excellent servi par des décors très fins et une animation superbe. Quelques légers bugs parfois mais l'atmosphère visuelle qui se dégage de Mark Of Kri est vraiment somptueuse et originale. Et quelle animation !
- Jouabilité17/20
Casser la routine du beat'em all, ce n'est pas rien. Le gameplay est tout bêtement jouissif et incroyablement intuitif. La furtivité n'est de plus pas qu'un apparat à la mode et l'idée de Kuzo est bienvenue. Là je dis bravo.
- Durée de vie11/20
C'est sans conteste le point noir, on boucle le jeu bien trop vite malgré les nombreux bonus. C'est balot.
- Bande son15/20
Si le design assure, les musiques ne sont pas en reste avec des composition soignées et aux sonorités peu usuelles au jeu vidéo. Les effets sont très réussis mais les voix manquent de variété.
- Scénario14/20
C'est plus l'ambiance (l'univers maori) qui séduit que le scénario assez classique mais qui suffit à nous maintenir dans le trip.
Sans conteste le Beat'em all de l'année et même plus même s'il pêche par une durée de vie trop courte, on ne peut qu'espérer que The Mark Of Kri parviendra à faire carrière en dépit de sa discrétion et sa courte durée de vie. Peut-être le grand chambardement qu'il fallait au genre pour sortir de sa torpeur.