Et moi qui croyais que les jardins de Kyoto affichaient tous une « zénitude » plus tranquille qu'un bouddha de pierre. Je me suis bien trompée ! Si Shigeru Miyamoto s'est réellement inspiré de son propre coin de verdure pour concevoir un jeu aussi étrange, je préfère ne pas imaginer dans quel état ces créatures diaboliques ont pu laisser sa propriété. Hélas pour nous, dans sa grande générosité le sieur Miyamoto n'a rien trouvé de mieux à faire que de se débarrasser de ces monstrueux Pikmin en leur indiquant les coordonnées du vieux continent qui est le nôtre. L'invasion a peut-être déjà commencé...
Je suis le capitaine Olimar et je viens d'une galaxie très lointaine que j'ai dû quitter pour chercher en vain une éventuelle trace de vie sur d'autres planètes. Je mets à jour mon journal de bord dans l'espoir sans doute illusoire que quelqu'un me vienne en aide sur cette planète inconnue où j'ai échoué après le crash de mon vaisseau. Tout a commencé alors que je tentais de retrouver les pièces manquantes de mon vaisseau spatial, le Dolphin. Je n'eus pas besoin de faire plus de quelques pas dans cette nature aux proportions démesurées pour réaliser à quel point mon sort était désespéré. Je sais que ma combinaison de survie ne peut fonctionner que pendant 30 jours. D'ici-là, j'espère avoir trouvé un moyen de réparer ma navette. Ou sinon...
Aussi tragique que puisse être ma situation, j'en restai là de mes réflexions devant l'étonnante chose qui se dépliait sous mes yeux. Un oignon gigantesque duquel jaillirent plusieurs dizaines de graines qui semblaient vouloir continuer leur croissance sous la surface du sol. Je décidai de ne plus m'étonner de rien. Du moins jusqu'à ce que l'incubateur donne naissance à ces adorables petites pousses que je ne pus m'empêcher de déraciner en dépit de toute prudence. Les yeux ronds qui me scrutaient alors me donnèrent subitement envie de croire que tout n'était peut-être pas perdu.
Ça fait déjà cinq jours depuis le crash. Et j'en sais maintenant suffisamment pour comprendre que je n'aurais pas assez de ces 29 journées pour tout connaître de ces créatures. J'ai pu en dénombrer trois sortes de différentes couleurs. Il semble que les rouges résistent plutôt bien au feu, que les bleues soient capables d'évoluer dans l'eau, et que les jaunes aient assez de force pour manier les rochers explosifs qui abondent sur cette planète hostile. J'avoue avoir été obligé d'en sacrifier quelques uns avant d'assimiler parfaitement la technique idéale pour les utiliser, mais ils ont l'air tellement dévoués à ma cause que je n'ai pas l'impression qu'ils m'en veulent de leur faire du mal. Je ne sais pas ce que je pourrais faire sans eux. Il me suffit de les lancer sur des créatures dix fois plus grosses qu'eux pour qu'ils les dévorent en quelques secondes. Un bel exemple de travail de groupe. Je n'ose pas imaginer le sort qui me serait dû si jamais ils s'en prenaient à moi.
16 jours depuis la collision avec la météorite. Je suis maintenant à la tête d'une armée de 800 Pikmin qui me sont dévoués corps et âmes. Ces petits êtres sont décidément plein de surprises. J'ai découvert que la feuille située sur leur tête pouvait germer pour se transformer en fleur, ce qui leur confère de nouvelles capacités. J'ai presque les neurones à vif à force de réfléchir, mais si je parviens à exploiter intelligemment toutes les caractéristiques de mes nouveaux alliés, je crois que je pourrais venir à bout de n'importe quel obstacle. Mais je suis encore loin d'avoir pu réunir toutes les pièces de mon vaisseau. Leurs piaillements aigus me font presque oublier parfois le danger qui nous menace tous. Les situations cocasses ne manquent pas, et pourtant des événements anodins prennent parfois une tournure tragique. Ils se sont laissés distraire l'autre jour par un scarabée inoffensif qui les a conduits sur le domaine d'un échassier vorace qui s'est mis à piocher allègrement dans ma petite troupe de radis vivants. Le spectacle était terrifiant et ceux qui ont survécu se sont laissés peu après piéger par une huître qui s'est refermée sur eux.
Déjà 29 jours depuis le crash. Je crois que je pourrai partir avant la tombée de la nuit si nous arrivons sans encombres jusqu'au vaisseau. Je vais devoir une dernière fois les répartir en trois groupes pour les enfermer dans leurs oignons respectifs. Je répugne à les abandonner, mais je ne crois pas qu'ils sauront me suivre à travers la galaxie. Je n'aurai pas le courage de leur dire au revoir, mais comprendraient-ils seulement ? A les entendre, je ne crois pas. « Chaque jour transporter, se battre, se multiplier et puis on est mangés, mais on ne vous demandera jamais de nous aimer. » Cette litanie qu'ils entonnent tous les soirs et que j'entends pour la dernière fois me donnerait presque des regrets.
- Graphismes16/20
Une esthétique irrésistible qui se traduit par des animations superbes, un design général carrément original et des créatures qui rappellent immanquablement ces adorables Lemmings chevelus. L'environnement aurait quand-même gagné à être un peu plus détaillé.
- Jouabilité15/20
Une apparente naïveté qui dissimule une étonnante profondeur de jeu. La maniabilité perturbe un peu au début, mais elle se dompte rapidement malgré une gestion des caméras parfois un peu lourde. Le jeu laisse la part belle à la stratégie et à l'exploration. Il arrive que les Pikmin se coincent parfois à certains endroits, mais leurs nombreuses aptitudes (ils peuvent combattre des ennemis, construire des ponts, démolir des murs, porter des objets) et l'efficacité du gameplay pallient ces quelques défauts. L'omniprésence du chrono met bien la pression.
- Durée de vie14/20
Le jeu n'est pas très long, mais on prend énormément de plaisir à le découvrir et presque autant à y rejouer.
- Bande son15/20
Une bande-son extra-terrestre constituée de cris étranges, de piaillements et de mélodies plutôt naïves.
- Scénario15/20
L'odyssée d'Olimar manque sans doute de rebondissements, mais les découvertes perpétuelles que l'on fait en avançant dans le jeu rendent l'aventure irrésistible.
Une fois encore, tout le monde n'accrochera pas forcément au concept de ce jeu de stratégie/exploration pas comme les autres. L'expérience est pourtant véritablement prenante et originale, et l'esthétique du soft devrait séduire n'importe quel amateur de titres un peu étranges.