Adapter un titre mythique du PC sur console est une initiative courageuse qui peut toutefois s'avérer payante à condition que l'essentiel de ce qui faisait la force du titre original soit conservé. Si un joueur n'ayant pas connu la version PC pourra peut-être se laisser berner par ce titre qui n'a d'Heroes of Might and Magic que le nom, ceux qui auront passé des heures sur la mouture PC ne pourront que constater le manque de saveur de cette nouvelle version. L'illusion est presque parfaite pourtant, puisque le jeu semble reprendre tous les ingrédients majeurs de la série : un univers d'Heroïc Fantasy en vue de dessus sur lequel le joueur fait évoluer un héros qui doit parcourir le monde en éliminant les armées adverses pour mener à bien sa quête et faire triompher son royaume, les combats au tour par tour qui opposent les forces démoniaques aux troupes de guerriers et de créatures recrutées par le héros, et même l'alternance des jours et la collecte de ressources.

Mais la volonté extrême de simplification du jeu d'origine fait que la magie n'opère plus du tout. Là où sur PC, le joueur avait en permanence des dizaines de choses à faire et disposait de possibilités tactiques infinies, sur PS2 le jeu devient répétitif et ennuyeux. On s'empresse de louer un bateau pour récupérer un maximum de richesse afin de recruter des armées puissantes, et lorsque l'on a récolté suffisamment d'informations concernant l'emplacement du fameux bâton, on met ses troupes à l'épreuve pour atteindre sa destination avant la fin du temps imparti. Mais ce qui ne passe pas du tout, c'est tous les éléments cruciaux du jeu d'origine qui n'ont pas été intégrés dans cette version PS2.

Première aberration : le jeu ne propose cette fois qu'une seule quête ! Difficile de ne pas sombrer dans l'ennui lorsque l'aventure se résume à nettoyer le monde des monstres qui le peuplent pour finalement déterminer l'emplacement d'un bâton. Et ce ne sera pas le fait que le monde se génère aléatoirement à chaque nouvelle partie qui pourra faire oublier l'absence des 40 missions et campagnes présentes dans la version d'origine. Seconde aberration, le joueur ne peut pas recruter de héros au cours de l'aventure ! Au début de la partie, le joueur choisit un personnage parmi quatre disponibles, ayant chacun des caractéristiques différentes qui n'auront d'ailleurs qu'une incidence très limitée sur le déroulement de la partie. Toute la dimension stratégique qui consistait à répartir au mieux ses troupes entre chaque héros a donc purement et simplement disparue, ce qui ne permet plus d'aller explorer la carte à différents endroits en même temps.

Troisième énorme aberration : le joueur n'a plus la possibilité de développer son château ! Tout l'aspect gestion de ressources est complètement absent, on ne peut pas prendre le contrôle d'une mine, on ne peut pas décider quelles créatures on va vouloir créer pour les enrôler par la suite, on ne peut que chercher sur toute la map des tours où l'on pourra se renouveler en créatures. Petite originalité : il est possible de jouer les chasseurs de prime en capturant des scélérats disséminés à travers tout le royaume pour obtenir des bonus auprès de la reine. Bien sûr, la souris ayant laissé la place au paddle, toute la dimension stratégique qui reposait sur le nombre limité de déplacements sur la carte a complètement disparu. Le tour par tour n'est plus d'actualité en ce qui concerne la phase de déplacements sur la carte, et demeure ici uniquement l'apanage des combats. L'intérêt de la succession des jours devient donc quasiment nul, et ne sert que de compte à rebours avant lequel le joueur doit avoir mené à bien sa quête.

En ce qui concerne les combats, la grille de batailles sur laquelle on déplace ses troupes case par case est heureusement présente, mais même si la visualisation en 3D s'avère plus jolie que sur PC, elle est aussi nettement moins pratique et lisible. Le joueur n'ayant à sa disposition qu'un seul héros, l'échec d'une bataille n'entraîne que la disparition de ses troupes et laisse la vie sauve à son personnage. Il est impossible d'apprécier le potentiel offensif de l'adversaire avant d'engager le combat, et il est seulement possible de recueillir des informations sur les châteaux environnants. Impossible également de diviser des troupes d'un même type de créatures, et l'on ne peut avoir que cinq catégories de créatures en même temps. Leur nombre étant limité, il sera parfois nécessaire de renvoyer certaines troupes pour en recruter des plus puissantes. Mais le pire, c'est tout de même la présence d'une option de combat automatique qui se charge de résoudre à votre place le combat à n'importe quel moment, auquel cas il ne reste plus grand chose à faire pour le joueur.

Que reste-t-il alors à cette version PS2 ? Peut-être une réalisation graphique plus moderne que sur PC, mais l'apport de la 3D ne pèse pas lourd face aux nombreuses lacunes dont souffre le soft. D'autant que le résultat n'est pas vraiment impressionnant : les bâtiments se ressemblent tous, les textures sont uniformes et les environnements manquent cruellement de détails. Après un Warriors of Might and Magic complètement différent mais tout aussi décevant, ce Heroes of Might and Magic fera à nouveau crier au scandale les fans de cette série qui compte encore parmi l'une des plus prestigieuses sur PC.