Mais où vont-ils piocher toutes ces histoires, ces contes extravagants et merveilleux, au caractère souvent eschatologiques aussi ? Notre monde est-il si répugnant qu'il faut le fuir dans de tels délires fantasmatiques ? Bah ! cessons de nous torturer la moelle, et goûtons à la saveur de ce jeu, pourtant loin d'être exempt de tout reproche.
Aztec, Chine, Egypte, Atlantis... mille ans plus tard que ce dernier Cryo poursuit son parcours de la planète avec Atlantis II, dans ce que l'on peut appeler un myst-like en vue panoramique. Pas une suite, un "second volet" - la nuance est de l'éditeur - ce dernier projette le joueur en pleine montagne, au beau milieu de la nuit, dans la peau d'un jeune homme au visage giflé de neige et au souffle haletant. Comment il s'est retrouvé là, allez savoir... Notre jeune homme aperçoit un vaisseau étrange dans lequel il s'introduit, et y rencontre un curieux personnage en lévitation. Celui-ci lui explique - vous explique - qu'il incarne le côté clair de la force et a pour mission de rencontrer son antagoniste, porteur du côté sombre. L'unification des deux parties doit sceller le sort de l'Atlantide, en bien... ou en mal. Le mystère reste entier et vos tribulations commencent.
Vous avez là une version grossièrement simplifiée du scénario, torturé comme c'est pas permis à la base, et dont les méandres ne sont finalement pas indispensable pour avancer dans la partie. A la manière de Myst, vous allez vous balader dans différent mondes, quatre pour être précis, dans l'ordre que vous voulez : l'Irlande, la Chine, le Yucatan et le Shambala. Pour chaque décor une énigme de fond est à solutionner, tantôt en tripotant un peu à tout, tantôt en causant avec les indigènes (savants, guides, sorciers, ils sont soixante à végéter dans le jeu...), distillateurs de précieuses indications... Tout cela est parfois confus, voire tordu, mais c'est le lot des grandes légendes, après tout. Enfin, par on ne sait trop quelle prodige, le héros incarnera tour à tour un jeune fonctionnaire, un moine et un noble, une curieuse marque sur la main en témoigne pour chacun.
La qualité graphique est remarquable et une fois de plus, on peut admirer la griffe de Cryo, instigateur de cette fameuse "french touch" dont nous sommes si fiers et dont les anglo-saxons se fichent si flegmatiquement ! Il est vrai que derrière cette façade, les créations françaises cachent trop souvent une jouabilité limitée. Malheureusement Atlantis II est un produit de cette famille-là, d'une part à cause de la lourdeur des dialogues, trop longs pour souvent trop peu de matière à penser, et d'autre part relativement à la navigation qui dispense des emplacements de vue trop nombreux et pas toujours propices aux investigations. A côté de ça, les commandes sont réduites au maximum et semblent bien appropriées (par exemple chaque objet pris se glisse automatiquement dans l'inventaire d'un simple clic droit).
Par le système 'Omni Sync', les développeurs ont voulu pousser le réalisme au plus haut point, en synchronisant parfaitement les voix avec le mouvement des lèvres et les expressions du visage. L'effet est très bien rendu, on ne peut alors que rester admiratif devant ces faciès plus vrais que nature... c'est du grand art ! De surcroît, l'éclairage des mondes, les jeux de lumière, les sons en stéréo, les musiques si évasives contribuent grandement à faire basculer le joueur de l'autre côté de l'écran. C'est une nouvelle fois à un bien joli voyage que nous convie l'éditeur français... Pourtant la beauté perd peu à peu de son charme, car Atlantis II manque de rythme et traîne en longueur, les longs chargements entre les images (360 degrés oblige) n'y sont d'ailleurs pas pour rien. Dans un même registre, L'Amerzone a su tirer son épingle du jeu, grâce surtout à une trame de fond bien plus claire et originale.
- Graphismes18/20
Cryo ne faillit pas à ses habitudes : c'est fouillé, coloré, réaliste, en un mot... superbe. Le panoramique en 360 est un délice, même si, de fait, il rend le graphisme un peu granuleux.
- Jouabilité13/20
Décevant, les écrans panoramiques sont trop nombreux et souvent fallacieux ; de plus les dialogues freinent considérablement l'aventure, elle-même déjà ralentie par les temps de chargements poussifs. Bonne ergonomie.
- Durée de vie16/20
Quatre CD pleins c'est beaucoup, alors qu'en fait le jeu n'est pas aussi long qu'on pourrait le penser à priori. Les énigmes offrent quand même pas mal du fil à retordre.
- Bande son17/20
On est bercé continuellement par des sons, des musiques, des bruitages parfois angoissants, parfois reposants... toujours prenants (poil aux dents).
- Scénario12/20
Atlantis II n'est pas vraiment linéaire parce que l'on peut commencer où l'on veut, revenir, repartir etc ; le danger, c'est de tourner en rond. A part ça l'histoire, torturée et confuse, ne transpire pas suffisamment à l'écran pour être passionnante.
Atlantis II n'est pas vraiment la suite du premier, voyons plutôt ici une continuité, ou un second volet. S'il est facile de s'immerger dans le jeu au début, grâce à de sublimes graphismes et une bande son redoutable, on finit par ne plus se passionner, à cause de la jouabilité moyenne et de la lenteur du jeu (dialogues, déplacements, chargements). En résumé donc, on doit reconnaître une fois de plus le travail soigné et profond de Cryo, mais on doit aussi confronter Atlantis II à la concurrence de L'Amerzone, de Riven, de Faust ou même du vieux Myst, contre qui il peine à faire surface.