L'attoseconde, c'est quoi ?

Le passage du temps est relatif, mais qu'y a-t-il de plus humain que de vouloir le définir ? Si beaucoup d'entre vous, dont moi, ont lâché les cours de physique après le lycée, c'est en partie à cause des nombreuses unités de mesures qui nous paraissent un tantinet trop abstraites pour une utilisation dans la «vie réelle».

Contrairement à nous, ces trois scientifiques ne se sont pas contentés d'abandonner, mais sont allé beaucoup plus loin grâce à leur nouvelle expérience. Jusqu'à présent, les différentes unités de mesure du temps inférieures à la seconde et utiles en pratique étaient les suivantes :

• La milliseconde, de symbole ms (équivalent à 0,001 seconde, ou 10⁻³ s)
• La microseconde, de symbole µs (10⁻⁶ s)
• La nanoseconde, de symbole ns (10⁻⁹ s)
• La picoseconde, de symbole ps (10⁻¹² s)
• La femtoseconde, de symbole fs (10⁻¹⁵ s)

Vous pensez que cela est suffisant ? Pas pour Pierre Agostini, Ferenc Krausz et Anne L'Huillier, qui avaient besoin de quelque chose d'encore plus court. Pour leur étude, ils ont créé des impulsions de lumière d'une extrême rapidité. Imaginez un appareil photo qui projette de la lumière durant un court instant pour capturer un sujet. Ici, c'est un peu pareil, mais avec une impulsion infiniment plus courte. En y parvenant, l'équipe prouve que cette pratique permet d'analyser le comportement des électrons de la meilleure des manières.

La vitesse des électrons se compte en milliardièmes de seconde, et leurs mouvements apparaissaient flous, même sur les meilleurs microscopes. Concrètement, ils sont parvenus à créer des impulsions lumineuses si courtes, qu'elles ne correspondent à aucune des unités de mesure citées plus haut. C'est donc tout naturel qu'ils sont allé chercher vers l'unité d'en-dessous : '''

• L'attoseconde, qui correspond à 10⁻¹⁸ secondes, soit 0,0000000000000000001 seconde.

Pour référence, une attoseconde est à une seconde ce qu'une seconde est à l'âge de l'Univers. Imaginez un peu ça. Pour le dire d'une autre manière, le ratio entre une attoseconde et seconde est le même que celui entre une seconde et la durée de l'existence de l'Univers. Je vous avoue, j'ai presque eu le tournis en visualisant cette donnée, mais en plus d'exister, elle possède donc enfin une véritable utilité, avec un premier cas pratique dans la réalité.

Encore des français Prix Nobel de physique

Les lauréats du Prix Nobel de physique 2023 sont donc au nombre de trois :

• Pierre Agostini, français et enseignant à l'université Ohio State
• Anne L'Huillier, franco-suédoise enseignant à l'université de Lund en Suède
• Ferenc Krausz, allemand enseignant à l'Institut of Quantum Optics en Allemagne

Anne L'Huillier, cinquième femme à remporter ce Prix, explique à Sciences et Avenir les applications de sa découverte :

Les applications concernent majoritairement les systèmes complexes, à savoir les molécules et la matière à l'état solide. Il s'agit de comprendre le couplage entre le mouvement des électrons et celui des noyaux par exemple. Mais ce que je trouve le plus passionnant, c'est l'exploration des propriétés quantiques de la matière, comme l'intrication. Alors nous développons des techniques pour mesurer ces états quantiques. C'est tout nouveau. Je ne sais pas où ça va. Mais nos mesures sont de plus en plus raffinées, complexes. Nous pouvons espérer que le rêve devienne réalité.

La France est de nouveau à l'honneur après Alain Aspect, qui a partagé le Prix l'année dernière pour une découverte qui rend la téléportation de particules théoriquement possible.