Les 4X sont coutumiers des extensions apportant leur lot de nouveautés et avec elles, un ensemble d’ajouts inédits et d’ajustements qui ne s’avère pas toujours heureux. Gathering Storm entend non seulement rééquilibrer un titre déjà réussi, mais aussi faire revenir la victoire diplomatique et la gestion de la question écologique. Y est-il parvenu ?
Ce test a été réalisé sur l’accès anticipé de l’extension, à laquelle 2K nous a permis d’accéder.
Teasée via quelques trailers et la présentation successive de ses nouvelles civilisations, cette nouvelle extension de Civilization VI apporte de nombreux petits ajouts, mais s’attarde tout de même principalement sur deux nouveautés majeures : la refonte d’une partie du volet diplomatique et le traitement de la question écologique.
L’écolo des fans
Sur ce dernier point, Gathering Storm a mis les petits plats dans les grands. Dès vos premiers tours, vous aurez ainsi l’occasion d’être confrontés à des catastrophes naturelles : tornades, ouragans, éruptions volcaniques, crues et sécheresses s’invitent dans vos parties en y ajoutant un soupçon de folie et de surprise. Des apparitions ayant pour conséquences la destruction d’aménagements et la perte de points de vie pour les cases et unités dans la zone du sinistre, mais qui peuvent aussi, dans certains cas, avoir des conséquences positives à long terme. Ainsi, les éruptions volcaniques et les crues (dont l’intensité est d’ailleurs variable) apportent également des bonus de nourriture ou de production aux cases touchées, rendant celles-ci plus intéressantes à exploiter sur le long terme malgré le risque apparent. La répartition entre les malus à court terme et les bonus très utiles à long terme est suffisamment bien dosée pour que la mécanique ne soit ni trop frustrante, ni trop permissive et apporte un vrai plus en dynamisant vos parties.
Le placement de vos villes est donc forcément impacté par l’ajout de ces zones potentiellement à risque, mais également par la présence d’un nouvelle icône indiquant les risques de montée des eaux. En effet, un nouvel écran indique le niveau de CO2 de la planète et à partir d’un certain nombre de paliers franchis, les catastrophes naturelles sont non seulement plus fréquentes, mais la fonte des glaces peut également enclencher une montée des eaux progressives. Le titre a la bonne idée d’indiquer de base ces zones à risque (il existe 3 niveaux possible de montée des eaux) pour éviter au joueur une mauvaise surprise à terme, mais surtout de mêler cette section à une gestion des énergies polluantes afin justement de réduire votre empreinte écologique.
Une riche idée qui a des influences sur le terrain, mais aussi diplomatiques. En revanche, le changement de type d’énergie à exploiter entre charbon, pétrole ou uranium se fait via l’onglet des projets et il faut de temps à autre penser à consacrer quelques tours à l’entretien des centrales pour éviter les catastrophes. Un ajout très immersif et appréciable, mais qui demanderait une meilleure mise en avant : son placement dans un onglet “projet” généralement moins exploité que le reste l’isole, il est donc fréquent de délaisser cette mécanique voire de l'oublier pendant vos premières parties.
Un écosystème repensé
Quelques nouveautés plus mineures sur le papier viennent graviter autour de l’ajout de cette dimension écologique. Par exemple, exploiter une case de ressource stratégique ne vous permet plus d’en jouir éternellement, puisque ladite ressource s’accumule à chaque tour et vous disposez d’un stock limité de cette dernière. Si vous comptez donc l’exploiter en tant qu’énergie pour vos centrales, vous devez vous assurer d’en générer suffisamment par tour pour que vos installations ne se retrouvent pas à court d’énergie. De même, ce choix de l’accumulation de ressources permet également d’éviter de créer une foule d’unités militaires dès la première exploitation du fer ou du salpêtre, par exemple, et rééquilibre donc mieux le titre sur ce point.
De même, quelques technologies et dogmes inédits s’ajoutent en fin de partie, venant notamment impacter la victoire scientifique qui sans changer fondamentalement propose désormais de nouvelles étapes, ajouter une nouvelle unité militaire, voire de nouvelles cartes de gouvernement qui viendront appuyer les différentes options de victoire en fin de partie. L’ajout de ces nouvelles branches s’avère bénéfique puisqu’il permet notamment de compenser quelques défauts initiaux du titre, comme la difficulté d’exploiter correctement les cases d’eau pour les villes côtières. Ainsi, la construction de quartiers flottants, ou la possibilité plus tôt dans la partie de creuser un tunnel pour passer sous une montagne, voire de relier deux mers via un canal ou éviter les crues grâce aux barrages facilitent votre maîtrise de l’environnement naturel. D’autant plus que sur la création des maps, un effort est également perceptible.
En plus de quelques ajouts cosmétiques comme les noms des fleuves, des déserts, des chaînes de montagne et autres volcans, la génération des maps a en effet légèrement été repensée pour s’avérer plus crédible. Les chaînes de montagne - avec un paramétrage “classique”, évidemment - sont désormais plus fréquentes et marquent une séparation plus nette entre continents, tandis que les constructions plus étranges de territoires se raréfient, rendant la génération des cartes plus réaliste.
Les griefs de la nuit
Le grand retour de la victoire diplomatique est une bonne chose, apportant un cinquième type de victoire à celles déjà existantes - culturelle, militaire, diplomatique, ou religieuse, sans compter celle au score - avec là aussi quelques bonnes mécaniques. La plus plaisante d’entre elles, c’est l’introduction du système de grief. Concrètement, chaque action désobligeante menée envers une autre civilisation (ne pas respecter une promesse, déclencher une guerre etc.) génère des points de grief dont celle-ci pourra se servir pour à son tour mener des actions de ce type contre la civilisation concernée sans provoquer l’ire des autres IA.
Simple, mais terriblement efficace, cet ajout permet d’offrir une vision plus logique de la diplomatie et évite les injustice présentes dans le titre d’origine, vous faisant notamment passer pour une civilisation belliqueuse lorsque vous preniez la ville d’un adversaire en représailles d’une attaque de ce dernier. Notons d’ailleurs que la victoire militaire s’avère un poil moins simple que par le passé du fait de cet ajout, puisque avoir généré trop de griefs vous apporte de gros malus dans vos relations avec les autres civilisations et entrave plus facilement votre progression que par le passé. Enfin, les griefs diminuent avec le temps, évitant tout de même de permettre aux civilisations outragées de pouvoir garder leur vengeance au chaud pendant des centaines d’année avant d’opérer une riposte. Une cohérence temporelle là aussi impeccable, qui témoigne du bon travail effectué sur ce système de grief franchement convaincant.
Un monde diplomatique
Le reste des nouveautés liées à la diplomatie s’avère malheureusement moins réussi, la faute à quelque choix discutables. Dans un premier lieu, la victoire en question se fait par le biais du congrès mondial, qui permet à toutes les civilisations de voter pour différentes lois en utilisant des faveurs diplomatiques. Ces dernières, dont l’accumulation dépend de plusieurs paramètres (suzeraineté des cités-états, gouvernement adopté…) font office de monnaie d’échange et de moyen de vote lors de ces fameuses assemblées. Plus vous en utilisez pour appuyer l’une des mesures, plus votre voix compte. Pour obtenir une victoire diplomatique, il vous faudra cumuler 10 points diplomatiques qui s’obtiennent de deux façons : soit en accomplissant les “urgences” visant à aider des civilisations atteintes par la guerre ou par une catastrophe climatique, soit en votant pour la mesure donnant 2 des points concernés à l’une des civilisations. La mesure n’apparaît toutefois qu’à l’ère moderne, rendant la victoire clairement plus difficile sur le court terme.
L’ensemble apparaît comme complet et plaisant sur le papier, mais souffre de quelques choix décevants. Le premier d’entre eux, c’est l’apparition du congrès mondial qui se fait systématiquement au moyen-âge, quel que soit la situation des rencontres entre civilisations. Il est donc fréquent que vous vous retrouviez à participer à un congrès sans connaître la moitié des dirigeants existants, encore marqués d’un point d’interrogation. L’idée est franchement peu crédible et non immersive, tranchant avec celle de Civilization V dans lequel le congrès apparaissait une fois qu’une personne avait rencontré toutes les autres civilisations. Certaines mesures ne concernant également que des civilisations qui vous sont inconnues, il est là aussi fréquent de voir une session de vote se dérouler sans que vous n’ayez droit à la parole. Un choix compréhensible, mais qui s’avère particulièrement confusant sur vos premières parties, surtout que les mesures sont proposées automatiquement par le jeu et ne vous laissent donc aucune liberté à ce sujet.
Le manque de contrôle sur les mesures proposées nuit à l’implication, mais reste heureusement compensé par la variété des propositions à travers les âges et un système de vote plus dynamique, qui implique une réelle gestion à long terme de vos faveurs diplomatiques. En revanche, nous regrettons que la victoire diplomatique dépende davantage des votes de l’ère moderne (accordant les points en question) que de vos actions vis-à-vis des autres joueurs, surtout que le système d’urgence s’avère un poil plus varié qu’à son introduction lors de la dernière extension. Dommage, car la victoire manque finalement de fluidité et de naturel, son obtention se faisant via un ensemble de ressorts trop mécaniques dans leur fonctionnement.
Aliénor, c’était pas les corons
Un petit mot s’impose sur les nouveaux dirigeants de l’extension, qui font assurément partie des atouts de cette extension. Au nombre de 9, dont aliénor d’Aquitaine qui peut être jouée avec la France ou l’Angleterre, ceux-ci disposent comme le veut la coutume d’atouts principalement liés aux nouveautés de l’extension. Cette fois-ci, Firaxis semble tout de même avoir poussé plus loin le concept en proposant des mécaniques de gameplay plus originales : nous pensons notamment aux Maoris, qui démarrent dans l’eau et bénéficient dès le début de la technologie de la navigation, au Canada, fortement avantagé avec les cases de Toundra qu’il peut aménager en fermes, voire la Phénicie qui peut outrepasser en partie le système de loyauté. Notons tout de même que la Hongrie nous a paru particulièrement puissante sur nos parties du fait de son atout avec les cités-états qui en fait un redoutable adversaire pour les victoires militaires et diplomatiques.
Quelques tours aux commandes du Canada
Tous en file
Sorti de ces deux volets diplomatiques et écologiques, Gathering Storm repense également plusieurs éléments du titre en introduisant une foule de petites nouveautés. Quelques unes sortent du lot, comme l’introduction des files de production - généralement fait par des mods avant cela - qui permettent enfin d’enchaîner plusieurs constructions sans être notifié à chaque fois que l’une d’entre elles se termine. L’ensemble s’accompagne d’un écran multi-file très utile, qui permet de voir d’un seul coup d’oeil toutes les productions en cours de vos différentes villes. Visuellement, les nouvelles merveilles mondiales s’avèrent une nouvelle fois réussies et forts utiles, mais les merveilles naturelles étonnent encore davantage par leur diversité et leur beauté qui contribuent à rendre le terrain de jeu plus agréable à regarder que jamais.
Quelques regrets demeurent tout de même sur d’autres choix : nous pensons notamment à l’introduction du système de prix nobel qui lance des compétitions entre les nations, mais n’est malheureusement présent que lorsque la Suède est dans la partie. Dommage, car cet atout aurait encore davantage contribué à renforcer le système d’urgence et de compétition, plaisant, mais encore sous-utilisé. Autre regret plus général cette fois, malgré un rééquilibrage très juste sur quelques points - comme les griefs évoqués plus haut - la difficulté dans les niveaux supérieurs s’avère toujours aussi artificielle, avantageant les autres civilisations en début de partie. Un point qui rend presque impossible la construction en difficulté divinité de certaines merveilles telles que le grand bain ou Stonehenge. Les joueurs aguerris trouveront donc encore une fois leur bonheur dans les parties multijoueur.
Points forts
- Catastrophes naturelles qui apportent du dynamisme à vos parties
- L'ajout des griefs rend la diplomatie de guerre bien plus logique
- Le système d’accumulation des ressources qui rééquilibre certains défaut du jeu
- Ajouts visuels et level design amélioré des maps, plus crédibles et immersives
- Bonnes idées de gameplay liées aux nouvelles civilisations
- Le retour de la victoire diplomatique...
Points faibles
- … Qui ne tire pas assez profit du système d’urgences, pourtant amélioré
- L’apparition du congrès mondial même quand personne n’a découvert toutes les civilisations
- Peu d’idées novatrices dans les mécaniques du congrès mondial
- Prix nobel uniquement présent quand la Suède est dans la partie
- Difficulté toujours aussi “artificielle” avantageant les IA sur les débuts de partie
S’il n’apporte pas des changements aussi forts que Rise And Fall avec son tryptique loyauté-gouverneurs-âges, Gathering Storm parvient à rééquilibrer Civilization VI par un cumul de petites idées intéressantes, qui mises bout-à-bout suffisent à rendre l’expérience plus complète et aboutie que jamais. Les griefs gomment une partie des défauts de la diplomatie, les catastrophes naturelles distillent malus et atouts avec beaucoup de doigté et les maps gagnent en immersion tout en s'avérant mieux construites. Notre principal regret vient donc de la mécanique du congrès mondial et du retour pourtant très attendu de la victoire diplomatique, aux idées trop timides et pas encore convaincantes. Gageons et surtout espérons qu’avec quelques mises à jour supplémentaires, l’ensemble pourrait encore gagner en cohérence.