Manga culte au même titre que Dragon Ball, Saint Seiya ou encore Captain Tsubasa, Fist of the North Star (Hokuto no Ken au Japon et Ken le survivant en France) a connu les joies de l'adaptation vidéoludique dès les années 80's. Et c'est désormais au tour du studio Ryu Ga Gotoku de s'attarder sur les aventures post-apocalyptiques de Kenshiro. Monde ouvert à la sauce Yakuza... Fist of the North Star Lost Paradise est-il le digne héritier de l'école du Hokuto Shinken ?
L'amour est dans le désert
Dernière décennie du XXe siècle. Année indéterminée (199X). La civilisation n'est plus qu'un lointain souvenir. L'Homme vagabonde à la surface d'une planète désertique calcinée par le feu nucléaire. Dans ce contexte post-apocalyptique, Kenshiro recherche désespérément sa fiancée Yuria, enlevée par Shin (maître du Nanto Seiken). Après un combat dantesque en guise d'introduction, le quatrième frère de l'Hokuto Shinken apprend la mort de sa bien-aimée. Incapable de faire son deuil, ce dernier ère dans le Wasteland bondissant de rumeurs en rumeurs... une quête qui le mènera aux portes de la ville d'Eden.
Le studio Ryu Ga Gotoku s'approprie ici l'oeuvre de Tetsuo Hara. Ce Fist of the North Star conte une histoire alternative, un arc narratif inédit piochant dans les principaux événements et faits marquants de la première série animée. Les principaux personnages (Bat, Rei, Thouzer, Jagi, Uighur, Toki, Devil Rebirth, Raoh...) et certains lieux de la saga (prison de Cassandra...) se sont donnés rendez-vous pour séduire les fans. Pour autant, Lost Paradise accompagne parfaitement les néophytes par l'intermédiaire de flashbacks et de discussions suffisamment verbeuses et riches en informations pour donner du sens au récit.
Cependant, cette aventure structurée autour d'une ville unique, à savoir la Cité des Miracles (City of Miracles), enchaîne les péripéties sans créer réellement de liant, sans consolider l'ensemble, au point d'en devenir par moment anecdotique. Il en résulte une suite de conversations fleuries et d'affrontements violents... tirant en longueur. La fin à elle seule avec sa suite “infinie” de combats met à l’épreuve la patience des joueurs les plus endurcis. Le rythme souffre de baisses d’intensité avant de repartir de plus belle.
Ce Fist of the North Star version 2018 ne se contente pas de recycler la vie de Kenshiro, bien au contraire. Le titre de Ryu Ga Gotoku ajoute de nouveaux personnages, parmi lesquels Xsana, Lord Nadai, une nouvelle menace en la personne de Kyo-oh et son Army of Ruin et bien entendu la cité d'Eden... point central du récit. Néanmoins, ces nouveaux éléments ne dénaturent à aucun moment le propos du manga et s'intègrent parfaitement. L'ultra violence des combats, le gore assumé, les hectolitres de sang, les poses exagérées et les situations toujours aussi Over The Top témoignent de l'amour du studio pour l’œuvre d'origine et sa volonté de rester fidèle à celle-ci.
La mise en scène, force du studio Yakuza, accentue la dimension épique des affrontements. Dans ce monde post-apocalyptique, l'exagération fait loi et Kenshiro exagère au-delà du réel pour le plus grand plaisir des fans au cours de cinématiques, piliers du récit, réalisées avec soin. Ces saynètes doublées au choix en anglais ou japonais et sous-titrées en anglais claquent à l'oreille des joueurs et leur arrachent un sourire sincère. Et la direction artistique "manga" rend hommage, non pas à la série de 1983, mais bien aux récents films et OAV. Ces graphismes Cel-Shading salis par des textures semi-réalistes apportent un cachet certain aux visuels, malgré une technique loin des standards actuels sur de nombreux aspects.
Fist of the North Star Lost Paradise se repose sur le moteur de Yakuza Zero : The Place of Oath et Yakuza Kiwami et cela se ressent. La rigidité des animations, la résolution de certaines textures, l'éclairage vintage et le manque de vie des environnements trahissent la vétusté d'un moteur qui a fait son temps. Toutefois, les artistes du studio retranscrivent parfaitement les accoutrements extravagants tout en cuir et en clous et le culte du corps de la franchise. Les punks post-apocalyptiques inspirés de Mad Max 2 hantent la cité d'Eden et le Wasteland avec un kitsch 100 % assumé qui plaira sans nul doute aux fans et séduira le quidam.
Le Colisée de la cité d'Eden
Yakuza’pocalypse
Fist of the North Star Lost Paradise promettait de fusionner l'univers post-apocalyptique de la licence et le système de jeu de la série Yakuza et sur ce point, le studio tient sa promesse en concoctant un monde ouvert vaste et riche en activités... sur le papier du moins. Seule la ville d'Eden présente un réel intérêt au cours de l'aventure. Kenshiro se balade dans les rues de la Cité des Miracles, discute avec ses citoyens, achète des vivres et des équipements grâce à la monnaie locale, et répond à l'appel du devoir lors de quêtes secondaires toujours aussi loufoques (et parfois inutiles).
Le quatrième frère du Hokuto Shinken troque également sa tenue de combat pour devenir barman, manager de club ou encore ostéopathe. Ces séquences de jeu aussi inattendues que fun ont l'intelligence de briser la linéarité de l'aventure et d'égayer les nuits citadines. Il en va de même pour les quelques activités et missions annexes. Combattre dans le Colisée, devenir chasseur de primes ou encore dépenser sa fortune au casino (Blackjack, Poker...), la vie de notre héros n'est pas de tout repos. Cerise sur le gâteau, Ken joue aussi les fossoyeurs rétro en déterrant littéralement des bornes d’arcade (Hokuto no Ken de 1986...).
De par sa taille et sa position géographique, Eden sert bien évidemment de Hub central, de point névralgique. Le récit et donc la majorité des quêtes débutent et se terminent ici, le Wasteland servant principalement à étendre artificiellement la zone de jeu. Fist of the North Star Lost Paradise essaye et cette tentative est louable, mais ne parvient pas à se hisser à la hauteur de la concurrence. Eden demeure une cité plaisante à parcourir et découvrir avant d'en avoir fait le tour... bien trop rapidement.
Les dangers du Wasteland
La voie du Hokuto Shinken
Fist of the North Star Lost Paradise tape du poing sur la table avec la manière. Kenshiro, passé maître de l'Hokuto Shinken, recouvre les dunes immaculées de cet univers post-apo avec le sang de ses ennemis. Le système de combat reprend effectivement les mécaniques de base de la série Yakuza. Combos, parades, contres, esquives et jauge de Heat font la sève de ce Beat'em All, mais l'art martial précédemment cité se démarque par l'exploitation des points de pression de l'adversaire pour le faire exploser. Kenshiro martèle l'ennemi afin de créer un choc méridien (Meridian Shock) nécessaire pour lancer des techniques spéciales aux noms évocateurs (One Hundred Fists Rush, Fist of Penitence...).
Le sang gicle à outrance. Le cri des ennemis perce les cieux avant de s'éteindre dans un râle explosif. Le titre de Ryu Ga Gotoku est une ode à l'Hokuto Shinken et cette violence si particulière qui se dégage de la série animée. Le studio maîtrise parfaitement son sujet et parvient à renouveler ces phases de combat au fil de l'aventure, grâce notamment à des boss retors aux attaques variées et à la mise en scène recherchée. Les séquences en QTE (actions contextuelles) et les cinématiques soulignent l'épique de l'instant.
Le système d'apprentissage épice également ces joutes par l'intermédiaire d'orbes à dépenser dans quatre arbres de talents dans le but de gagner en résistance ou encore de débloquer de nouvelles techniques. Au gré de son périple, Kenshiro intègre de nouveaux mouvements et enrichit son panel de solutions face à des adversaires toujours plus puissants et déterminés. Certes, le studio n'innove en rien avec ces mécaniques RPG, mais celles-ci ont le mérite d'exister et de pimenter les débats. De plus, les accessoires et les talismans de la destinée octroient au héros des bonus passifs non-négligeables. Ces derniers en particulier améliorent temporairement la défense, remplissent la jauge de Heat, etc. pour un résultat souvent probant une fois dans l'arène.
Très proche de la série Yakuza, Fist of the North Star s'approprie le système de combat pour transposer manettes en mains toute la spécificité des affrontements de Hokuto no Ken avec un talent certain. Redondantes de prime abord, ces phases de gameplay gagnent en intérêt et en intensité chapitres après chapitres. Kenshiro déploie toute sa puissance et démontre son savoir-faire avec style. Exploser du punks post-apocalyptiques est rarement aussi gratifiant.
Kenshiro versus Thouzer
Une sortie de route spectaculaire
En sortant de son domaine de prédilection, à savoir les mondes ouverts parcourus à pieds, Ryu Ga Gotoku prenait un risque et cela se confirme une fois au volant d'un buggy. La conduite frustre les joueurs les plus patients et ruine l'existence même du Wasteland au point d'en perdre patience. Le contrôle du véhicule est archaïque. Le seul fait de tourner est un acte de foi menant parfois à un tête-à-queue incompréhensible. Certes, l'univers de Fist of the North Star ne serait que l'ombre de lui-même sans ces fameuses course-poursuites motorisées dans le désert sur fond de Heavy Metal, mais en l'état la sortie de route est radicale.
Dans l'imaginaire collectif, l'exploration du Wasteland est gage de liberté et d'épopée cheveux au vent. En réalité, ces étendues de désert privées de vie ne présentent que trop peu d'intérêts. A l'exception des ennemis vous percutant pour déclencher un combat et les ressources à glaner, ce Wasteland est un "couloir" menant aux différentes zones scénaristiques et rien d'autre. Et pourtant, le Game Over vous pend au nez. L'essence est une denrée rare dans ce monde et tomber en panne sèche au milieu de nulle part est synonyme d'échec. Logique dans les faits, ce clou dans le pneu (épine dans le pied) transforme un raid épique en chemin de croix.
A noter, pour les amateurs de personnalisation, la possibilité de modifier le buggy à sa guise de la couleur de la carlingue aux différentes pièces qui le compose. Ces modifications sont incontournables pour participer aux différentes courses avec l'espoir de les remporter.
Points forts
- Un arc narratif inédit fidèle à l’œuvre de Tetsuo Hara...
- Une mise en scène épique et Over the Top
- Une direction artistique digne du manga
- Des combats tactiques et sanglants
- Une cité d’Eden vivante
- De multiples activités et métiers à découvrir
Points faibles
- … souffrant d’un manque de rythme par instant
- Un Wasteland sous-exploité
- Des phases de conduite capricieuses
- Un moteur de jeu vétuste
- L’absence de sous-titres en français
Fist of the North Star Lost Paradise frappe fort et touche en plein coeur le fan... à défaut de viser juste. Le titre de Sega rend hommage à l’œuvre originelle et offre une aventure épique allaitée au fan service. Les combats à eux seuls justifient de se perdre dans cet univers post-apocalyptique ultra violent. Malheureusement, un Open World vide, un manque flagrant de rythme et des phases de conduite capricieuses égratignent la patience des joueurs et donc l'expérience de jeu. L'art du Hokuto Shinken attend toujours un héritier digne de sa légende.