Promesse d’expériences immersives pour les uns, gadgets pour les autres, la réalité virtuelle s’est démocratisée et rendue accessible au grand public. Les éditeurs majeurs ont dès lors sauté sur l’occasion pour diversifier leur catalogue et profiter de l’engouement suscité par cette nouvelle technologie. Après l’ivresse d’une aventure aérienne dans Eagle Flight, Ubisoft nous sert le thriller psychologique Transference, une oeuvre à mi-chemin entre cinéma et jeu vidéo développée en collaboration avec SpectreVision - la société de production de l’acteur Elijah Wood.
Nos souvenirs brisés
La mémoire est une petite chose fragile, un amalgame en perpétuelle évolution de souvenirs érodés et/ou fantasmés. Et digitaliser cette complexité n’est pas chose aisée. Pourtant, Raymond Hayes, brillant scientifique pour Harmony Research Labs, parvient à recréer les méandres de son esprit à travers une simulation corrompue au possible et invite les joueurs à y plonger corps et âme afin de découvrir la destinée des trois membres de cette famille dysfonctionnelle. Une clé dénichée aux abords d’un immeuble abandonné et un premier sursaut plus tard… il est temps de pénétrer dans l’antre des Hayes.
Transference mise sur son ambiance pour distiller savamment la terreur et l’appréhension dans le coeur des joueurs. Les Jump Scare, extrêmement efficaces, se comptent dans le cas présent sur les doigts de la main au cours de ce périple horrifique à la durée de vie limitée (2h30 pour atteindre la lumière au bout du tunnel). Le titre de SpectreVision instaure ici une atmosphère pesante à souhait portée par les élans cinématographiques du studio. Le 7e Art est à l’honneur et la maîtrise des codes de l’horreur est à mettre au crédit des développeurs. Que ce soir par le son ou l’image, Ubisoft titille la santé mentale des pauvres bougres s’étant aventurés chez les Hayes avec malice et savoir-faire.
Et la réalité virtuelle accentue ce sentiment de mal être. La première personne donne des ailes à la VR et Transference en est une preuve édifiante avec sa réalisation soignée et son approche “film de genre”. Malheureusement, la mise en contexte sommaire, le scénario minimaliste et le rôle de spectateur du joueur dans ce récit intime minimisent l’impact d’une expédition oppressante à même de vous paralyser au moindre bruit ou la moindre lumière vacillant sous une porte. C’est la peur au ventre et le sourire aux lèvres que Transference se savoure.
Vivre par procuration les 5 premières minutes de l'aventure
Le miroir de la perception
Transference est une ode à l’exploration, une refonte des jeux d’aventure mû par la réalité virtuelle reposant sur des mécaniques de gameplay “old school”. Et si la structure ne surprend jamais avec sa progression linéaire et sa succession de puzzles, la première personne et la réalité virtuelle transcendent l’expérience. De plus, les énigmes nous poussent à l’observation et à la réflexion dans un environnement 3D, un appartement dans le cas présent. Dénicher le bon objet, trouver la bonne combinaison… rien de neuf à l’horizon, mais une volonté farouche de renouer avec les jeux d’antan.
L’alternance entre deux pans de réalité pimentent cette balade chaotique. Chacun se transformant à mesure que les souvenirs enfouis prennent formes. De simples interrupteurs, en apparence, permettent de passer d’une période à l’autre ainsi que de transférer des objets entre les deux. Une mécanique déjà-vu, mais à l’origine d’énigmes bien pensées et souvent originales. Néanmoins, l’absence de Game Over pénalise Transference qui se transforme alors en excursion malsaine. Et pourtant, la notion de mort, bien q'absente, émane de ce projet de par les thèmes abordés. Ubisoft y effleure même le concept de transcendance.
Le pouvoir immersif de la réalité virtuelle est sans pareil, mais nécessite une parfaite maîtrise pour s’exprimer. Et sur ce point, Transference joue les bons élèves en étant jamais mis en difficulté peu importe les interactions permises avec l’environnement. La prise d’objet se fait naturellement, tout comme l’ouverture de portes ou l’activation d’interrupteurs. On peut cependant regretter des interactions se limitant aux besoins du scénario et du lore. Quand bien même, le titre de SpectreVision est un modèle à suivre… un jeu en VR intuitif évitant habilement tout problème d’inconfort (communément appelé Motion Sickness) inhérent à cette technologie.
N.B. Transference propose un mode de jeu classique, sans réalité virtuelle.
Points forts
- L’atmosphère horrifique (Jump Scare, Sound Design…)
- La mise en scène cinématographique
- L’ingéniosité et le renouveau des énigmes
- L’alternance entre deux pans de réalité
- La maîtrise technique de la réalité virtuelle
- Des visuels dignes de l’ambiance macabre
Points faibles
- Un scénario expédié et des personnages sous-exploités
- Une durée de vie limitée (2h30)
- L’absence de notion de mort
Transference témoigne du pouvoir de la VR et se doit d’être joué de la sorte. Ce thriller psychologique à mi-chemin entre jeu vidéo et cinéma exploite à merveille la réalité virtuelle pour plonger les joueurs dans un univers sensoriel et chaotique. L’atmosphère suffocante et la mise en scène chahutent, tourmentent et acculent… malgré une durée de vie limitée et une aventure linéaire. SpectreVision transforme l’essai que représente Transference avec talent.