Limbo n'est pas le seul à avoir droit à une sortie sur Switch. Le second titre des Danois de Playdead, Inside, s'offre lui aussi une seconde jeunesse en débarquant sur la petite console hybride de Nintendo. Vous ne serez pas étonnés d'apprendre qu'il est toujours aussi bon.
Inside the Switch
Tout comme Limbo, que nous avons également retesté tout récemment, Inside n'est pas un jeu gourmand, ni même un jeu requérant l'utilisation de cinquante boutons différents. De fait, on savait d'avance que le dernier né de Playdead fonctionnerait à merveille sur Switch. Et on ne s'était pas trompé. Toujours aussi beau, toujours aussi énigmatique, Inside dévoile rapidement toutes ses petites subtilités et malgré la petitesse de son écran, jamais l'on ne ressent de handicap, quel qu'il soit. La seule critique que nous avions faite au portage Switch de Limbo, on ne peut même pas la faire à Inside : si le premier jeu des Danois manque parfois de lisibilité, la faute à un écran trop réfléchissant, le problème est moindre sur Inside. D'abord parce qu'il utilise une palette de couleurs plus étoffée (ce qui n'est pas bien dur), mais surtout parce que le jeu permet de gérer soit-même le niveau de luminosité que l'on souhaite appliquer. Une option bien utile sur console portable comme la Switch.
Bien entendu ces considérations ne vous intéresseront pas si vous comptez jouer à Inside avec votre console dockée, mais on le sait, l'intérêt de la console de Nintendo, c'est précisément qu'elle permet de jouer absolument partout, sans se soucier d'avoir sous la main un téléviseur. Même sur ce point donc, Inside paraît plus abouti que son prédécesseur.
Le test original de Inside, par MrDeriv (le 05/07/2016)
En référence directe à son prédécesseur, Inside débute de la même manière que Limbo. Le joueur incarne un petit garçon au visage effacé fuyant au plus profond d’une sombre forêt. Les similitudes avec son aîné ne s’arrêtent pas là puisque les deux titres reposent sur un concept similaire : de la plateforme ponctuée de pièges mortels à éviter et d’énigmes retorses à résoudre, tels sont les ingrédients de la formule Playdead. Nous voilà donc recherché après quelques pas de course peu assurés par de mystérieux hommes en costume noir. Les bougres mettent d’ailleurs les bouchées doubles pour nous mettre le grappin dessus. Plein phare sur leurs camionnettes, pistolets tranquillisants et molosses au flair tout aussi aiguisé que leurs mâchoires nous donnent les premiers éléments de l’intrigue du jeu : nous sommes traqué et il faudra fuir ou se cacher pour espérer survivre. Les bois laissent rapidement place à un décor plus industriel où d’étranges pantins avancent en file indienne telles des marionnettes animées par un but inconnu.
Au fil de la progression, Inside distille quelques éléments de compréhension de son scénario, non pas par les traditionnels moyens du texte ou de la cinématique, mais de façon subtile par la simple interprétation des évènements en cours. Malgré son absence de narration directe, le jeu parvient à raconter quelque chose de puissant avec seulement son souci du détail et un sens maîtrisé de la mise en scène. Si rien ne sera jamais dit de façon explicite, on comprend que le jeune garçon évolue dans une société dystopique en proie à de violents troubles. Les décors, tout droit inspirés des romans d’anticipation poursuivent - et surtout subliment - l’élan artistique entamé par le studio en 2012 avec Limbo. Ils font la part belle à la profondeur avec des scènes découpées en plusieurs plans et utilisent une palette de couleurs toute en sourdine afin de transmettre un panel d’émotions allant de l’angoisse au dégoût en passant par quelques moments d’espoir.
Derrière ses éléments de parenté évidente, Inside se montre en tout point supérieur à son aîné : plus macabre, plus sordide, plus profond, le titre de Playdead est aussi bien mieux construit sur la longueur. Je n’irai volontairement pas plus loin dans le descriptif de peur de trop vous en révéler. Il serait dommage de vous gâcher ces formidables moments de montée en puissance narrative dont certains resteront gravés de manière indélébile dans votre mémoire de joueur.
Le silence éternel de ces espaces m'effraie
Qu’on se le dise, l’expérience sera linéaire, puisque l’essentiel du gameplay se résume toujours à avancer coûte que coûte de gauche à droite de l’écran en évitant (autant que possible) les pièges les plus mortels. Derrière son apparent minimalisme, Inside regorge de bonnes idées de plateforme et de casse-tête retors. Nos interactions se limitent à quelques simples actions : avancer, sauter, tirer des objets ou des leviers, appuyer sur des boutons, monter des cordes et nager. Ces restrictions ouvrent cependant les portes à de nombreuses variations de mécaniques de jeu et démontrent le fantastique boulot des développeurs en matière de maintien du rythme de progression. Car encore plus que dans Limbo, Inside ne tombe jamais dans l’écueil d’user jusqu’à la corde ses différents gimmicks de gameplay. On réemploiera certes les mêmes actions pour résoudre certaines énigmes, mais elles seront toujours accompagnées d’une nouvelle mécanique apte à renouveler notre intérêt. Citons ici sans trop rentrer dans les détails ces phases diablement bien conçues pendant lesquelles le jeune garçon est capable de contrôler par la pensée des homoncules désarticulés pour l’aider à franchir certains obstacles.
Les énigmes gagnent peu à peu en complexité, elles utilisent à la fois votre sens du timing et votre capacité à associer plusieurs actions pour déjouer à la fois les obstacles et la mort. Le tout s’enchaîne avec sens du rythme parfaitement maîtrisé dont le flow soutenu vous conduira à vivre un final grandiose qui restera probablement dans les anales du jeu vidéo. Il est possible de rester bloqué quelques minutes sur certaines énigmes sans pour autant ressentir de sentiment de frustration lié à un quelconque souci du jeu à transmettre sa logique interne. La solution se trouve toujours dans les parages, évidente pour qui saura envisager les choses dans leur globalité.
Aussi sordide que fascinant
Si Inside est plus coloré que son prédécesseur monochromatique, il joue toutefois encore la retenue sur la palette de teintes utilisées afin d’instaurer une ambiance atypique. Il se dégage de cet univers sombre une rare beauté sinistre sublimée par un travail plus marqué sur la profondeur des plans et les animations des personnages. Chaque situation mortelle est l’occasion de constater le travail tout en finesse opéré par le studio sur la mise en mouvement de son jeune héros. S’il reste une figure sans visage, notre personnage dégage une aura exceptionnelle grâce à des mouvements toujours très naturels. Le travail sur le moteur physique du jeu offre un rendu parfaitement dosé de l’élan, du poids et de la dynamique des objets. Il en résulte une prise en main sans faille et cohérente dont le répondant participe à nous happer de la première à la dernière minute du jeu.
Limbo suggérait de nombreuses situations grâce à son travail sur les silhouettes et les jeux d’ombres, Inside n’hésite pas de son côté à se montrer beaucoup plus figuratif dans l’exposition de son univers dérangeant. Playdead fait preuve d’un souci du détail constant sur des environnements d’une cohérence folle. Effrayant à de nombreuses reprises, le titre n’hésite pas à vous mettre le nez dans le sordide afin de soulever de nombreuses questions sur l’existence, le libre-arbitre et la nature humaine. La caméra tantôt proche de l’action tantôt assez éloignée participe à cette plongée dans la noirceur soulignée par d’habiles jeux de lumière et d’effets de profondeur à l’impact parfois direct sur le gameplay.
Tout comme Limbo, Inside fait dans le minimaliste du côté de sa bande sonore. Les quelques airs entendus restent discrets et nos oreilles sont le plus souvent bercées par le son ambiant des sombres espaces visités. Murmures du vent, cliquetis métalliques, sons distants angoissants, l’économie volontaire d’habillage sonore est toute au service de l’ambiance pesante du jeu. Le titre n’hésite d’ailleurs pas à accorder une belle place au silence afin de renforcer notre immersion. Testé sur Xbox One et PS4, la technique ne fait pas d’ombre au projet. Fluide, rapide à charger, esthétiquement simple mais doté d’une élégance rare, Inside est un jeu que l’on sent peaufiné durant de nombreuses sessions de tests internes avant sa mise sur le marché.
Les plus râleurs pourront lui reprocher sa durée de vie assez courte comprise entre quatre et cinq heures je jeu lors de la première découverte. C’est sans doute le prix à payer pour maintenir ce niveau d’excellence sans tomber dans la redite ou essouffler le crescendo émotionnel de cette fuite en avant.
Points forts
- Une ambiance sombre, énigmatique et captivante
- Mécaniques de jeu huilées basées sur des énigmes ingénieuses
- Un rythme soutenu, des énigmes qui se renouvellent à chaque instant
- Superbement animé, mis en scène avec élégance, un modèle du genre !
- Bande sonore minimaliste du plus bel effet
- Ce final mémorable !
Points faibles
- Euh... que dire ?
On n'en attendait pas moins de lui. Deux ans après sa sortie, Inside n'a pas perdu de son charme et cette version Switch lui fait honneur. Toujours aussi beau et malin, son ambiance noire et oppressante prend aux tripes et ne vous lâche jamais, de quoi poursuivre la partie sans jamais se lasser. Inside était un petit chef d'oeuvre en 2016, les choses n'ont pas changé en 2018. Si vous n'avez jamais eu l'occasion d'y jouer, mais que vous disposez d'une Switch, c'est un indispensable que vous ne regretterez pas d'ajouter à votre collection.