Que vous aimiez ou non le virage opéré par la licence Jurassic Park avec Jurassic World, reconnaissez-le, la perspective de prendre les commandes d'un parc d'attractions de dinosaures est plutôt alléchante. C'est ce que vous propose Jurassic World Evolution, concocté par les équipes de Frontier Developments, notamment responsables du très bon Planet Coaster.
Basé sur le film Jurassic World de 2015, Jurassic World Evolution vous place donc aux commandes d'un entrepreneur désireux de bâtir et de faire fructifier des parcs d'attractions répartis sur 5 îles différentes, la sixième étant celle du film et constituant le mode bac à sable du jeu. Guidé par une poignée de personnages, dont Ian Malcom lui-même (doublé par Jeff Goldblum en VO et par le comédien de doublage original en VF), vous devrez remplir différents objectifs et faire face à de nombreuses situations de crise pour faire de votre parc l'attraction la plus prisée des touristes du monde entier.
Les dinos pour tous
L'une des grandes forces de Jurassic World Evolution est le challenge adapté au profil du joueur qu'il parvient à déployer. Effectivement, en début de partie, 4 îles sur 6 sont verrouillées. Une fois sur la première, il conviendra d'obtenir une note de prestige de 3 étoiles sur 5 afin d'accéder à la suivante, et cette contrainte est la même sur l'ensemble de la partie. Le novice du jeu de gestion, que l'on pensait être la cible principale du jeu, devra certes faire attention à la manière dont il gère son parc, mais ne devrait pas avoir trop de difficulté à déverrouiller l'ensemble des cartes du jeu. Le joueur plus expérimenté, lui, devra faire face à des défis plus poussés s'il désire obtenir la note maximale sur chacune des îles. Grâce à la présence d'un système d'objectifs se débloquant par paliers, se fixer pour but une notation de 5/5 n'est pas qu'une question de temps passé sur le jeu et de finesse de gestion, il est aussi conditionné par des récompenses supplémentaires. Jurassic World Evolution récompense autant le joueur désireux d'avancer vite que le gestionnaire plus persévérant en lui donnant des bâtiments supplémentaires ou l'accès à des dinosaures plus prestigieux.
La construction du jeu sera la même sur chaque île, même si bien sûr, chacune d'entre elles dispose de ses propres contraintes et de ses propres objectifs. La solidité de vos parcs réside sur trois piliers : science, divertissement et sécurité. Chaque branche dispose d'une jauge de réputation, divisée en paliers, qui augmentera à mesure que vous remplirez des contrats dans le domaine correspondant. Le responsable du divertissement vous demandera par exemple de construire plus de fast-food tandis que la personne en charge des sciences axera ses domaines sur la recherche et l'évolution des dinosaures. Le fait de remplir des objectifs pour tel ou tel domaine aura pour conséquence de déverrouiller de nouveaux bâtiments ou éléments de recherche pour par la suite vous conduire vers des missions proposant des objectifs plus complexes, mais aussi plus rémunérateurs.
C'est aussi pour cette raison que Jurassic World Evolution est à même de fonctionner très bien sur des profils de joueurs très différents. Perfectionner un parc demandera de nombreux bâtiments, de nombreuses améliorations et une grande variété de dinosaures, ce qui sera possible seulement en cas d'implication active du joueur. Le public désireux simplement progresser à son rythme, sans trop de contraintes, pourra lui aussi trouver son compte, chaque île proposant des challenges différents et variés, tout en restant suffisamment complet pour ne jamais paraître trop simple.
Des mécaniques complètes et équilibrées
Les éléments de gestion sont plutôt nombreux dans le jeu, et, petite originalité, Jurassic World Evolution ne propose pas la possibilité d'accélérer le temps, technique bien connue des amateurs d'avance rapide le temps que l'argent s'accumule. Il faudra parfois attendre quelques minutes qu'une recherche s'achève ou qu'une expédition rentre à sa base, mais soyez rassuré, le titre trouve toujours de quoi vous occuper, entre le bien-être de vos dinosaures et celui de vos visiteurs. En premier lieu, il conviendra toujours d'étudier la morphologie de l'île sur laquelle vous vous trouvez, la grande contrainte du jeu résidant dans l'aménagement de l'espace. Votre parc étant destiné à accueillir des créatures massives, autant dire qu'il faudra bien penser à gérer les dimensions que vous désirez attribuer à vos enclos, à plus forte raison que la construction des différentes infrastructures est assez peu permissive. C'est d'ailleurs là l'un des principaux reproches que l'on pourrait invoquer à l'encontre du jeu. Effectivement, c'est bien souvent que l'on se prendra à ajuster la position d'un bâtiment avec une minutie agaçante, juste pour que la construction soit possible, même lorsque visuellement aucune véritable raison géographique ne semble l'empêcher. Le titre ne va pas niveler le terrain automatiquement pour permettre de poser un édifice et l'outil de terraforming crée parfois plus de mal que de bien.
Notez d'ailleurs que vous ne retrouverez pas ici le degré de personnalisation ahurissant de Planet Coaster. Les bâtiments sont prédéfinis et vous devrez vous contenter des designs établis par les développeurs. Quoi qu'il en soit, à l'exception de ce pépin parfois agaçant, l'ensemble des éléments de construction est parfaitement intuitif, les bâtiments et leurs informations étant consultables en seulement quelques clics. On pestera aussi sur le zoom automatique réalisé sur l'édifice consulté par le joueur, car, compte tenu des dimensions des parcs construits, nous aurions préféré pouvoir conserver notre niveau de dézoom en permanence, même lorsque l'on désire en savoir plus sur tel ou tel bâtiment.
Passé l'observation de votre terrain et le positionnement des générateurs d'électricité, il sera nécessaire de construire un centre d'opération fonctionnel. Et, parce qu'un parc gavé de prédateur ne se gère pas tout seul, il faudra créer des unités de confinement ou des postes de garde si toutefois un dinosaure venait à tomber malade ou pire, s'il se décidait à se balader dans votre parc pour croquer des visiteurs. Mais pour avoir des dinosaures, il faudra d'abord en exhumer les fossiles et en extraire de l'ADN pour obtenir un génome d'au moins 50% pour une incubation viable. L'augmentation du génome passe en premier lieu par un centre d'expédition, qui vous permet de choisir quel site d'excavation fouiller pour exhumer une race donnée de dinosaure. Une fois l'expédition rentrée au bercail, passé quelques minutes et moyennant finances, il sera possible d'analyser les fossiles, chaque analyse permettant d'augmenter la qualité du génome et ainsi l'aura du futur dinosaure incubé. Si vos finances venaient à s'assécher, la revente des fossiles les plus purs pourra vous apporter également un afflux de trésorerie salutaire.
En parallèle, vous pourrez effectuer des recherches destinées à obtenir des bâtiments et leurs améliorations (production d'électricité accrue par exemple) ainsi que des éléments de modification des dinosaures ou des remèdes s'ils contractent des maladies. Une fois que vous vous sentez prêt, vous pouvez bâtir votre premier enclos, dans lequel il faudra aménager suffisamment de prairie, de forêt, d'eau et de nourriture pour satisfaire aux besoins primaires de vos bébés. Mais ce n'est pas tout, les dinosaures sont des créatures capricieuses et vous contenter de séparer les herbivores des carnivores ne suffira pas à garantir la stabilité de l'enclos. Effectivement, chaque dinosaure a des exigences concernant son groupe social. Certains désireront être solitaires, tandis que d'autres ne seront heureux qu'en compagnie d'un nombre minimal de ses congénères. S'il est bien possible d'incuber plusieurs espèces dans un même enclos, il faudra sans cesse garder un œil sur la jauge de confort de vos bêtes sous peine de les voir tenter de briser les clôtures et semer la panique dans votre parc. Le cas échéant, la panique s'emparera de la foule qui pourra être blessée ou tuée par les dinosaures, ce qui vous vaudra une facture de procès plus que coûteuse, pouvant mettre en péril la santé économique de votre parc.
Il est nécessaire de bien comprendre, pour apprécier le jeu et savoir vers quoi il nous emmène, que Jurassic World Evolution est davantage un jeu de gestion de parc d'attractions basé sur les dinosaures qu'une simulation de vie jurassique. Si certes, vous apprécierez les différentes exigences de chaque race ainsi que leur attitude générale en cas de combat, de panique ou de maladie, ne vous attendez pas à reproduire les comportements aperçus dans les films. Les toujours très populaires Vélociraptors peuvent effectivement socialiser avec leurs congénères au sein d'un même enclos, mais au cours de nos petites expériences un peu viles, nous ne sommes pas parvenus à créer des situations d'attaques groupées contre un T-Rex, par exemple. Ainsi, s'il n'existe pas d'aberrations niveau crédibilité de la mixité des enclos (un Triceraptos aura du mal à cohabiter avec l'insupportable Spinosaurus), l'intelligence des reptiles n'ira pas beaucoup plus loin qu'une simple fuite en cas d'agresseur trop fort. Cependant, la crédibilité reste de mise et l'on sent les prédateurs nettement plus vifs que d'autres bêtes, plus pacifiques. En somme, le travail réalisé sur le comportement est exemplaire, mais peut-être pas à la hauteur des espérances de tous.
Une question de prestige
Outre cet équilibre précaire qu'il faudra conserver au sein même de vos enclos, il faudra aussi garantir aux visiteurs un minimum de diversité d'espèces sous peine qu'ils trouvent votre parc un rien ennuyeux. Cet élément, pas nécessairement facile à atteindre en raison de l'espace des îles, peut être compensé par le prestige des dinosaures incubés. Effectivement, à mesure que vous avancerez dans vos recherches et après avoir rempli certains objectifs, vous étofferez le panel de mutations disponibles. Vous pourrez modifier la couleur de peau, la résistance ou encore l'agressivité de la bête de votre choix, augmentant par la même occasion son prestige. Plus ce dernier est élevé, plus les visiteurs se précipiteront dans vos allées pour observer le phénomène, mais il faut garder à l'esprit qu'un dinosaure lourdement modifié coûtera plus cher à produire et sa viabilité sera amoindrie.
Si vous ne désirez pas risquer de perdre un dinosaure en cours d'incubation, vous pouvez forcer un peu le destin pour créer des affrontements entre, au hasard, un T-Rex et des Vélociraptors. Le déclenchement d'un affrontement donnera au vainqueur un bonus d'infamie de combat, augmentant naturellement son prestige. En somme, les possibilités sont nombreuses et laissent une vraie liberté au joueur dans la manière de gérer son parc. Bâtir une île remplie de dinosaures herbivores ne sera pas forcément synonyme d'échec, si la diversité et le prestige sont au rendez-vous. Et compte tenu de la quantité honorable de créatures présentes dans le jeu, vous devriez avoir de quoi faire pour vous amuser un moment.
Mais bien évidemment, un parc sans visiteurs n'aurait pas grand intérêt et il faudra aussi soigner les attentes des braves gens, ce qui représente sans doute la partie la plus facile du titre. En plus des exigences concernant les dinosaures, les clients tiennent aussi à leur petit confort et vous devrez leur proposer une diversité de services (restauration, souvenirs, divertissement) à la hauteur de leurs attentes. En plus de naturellement proposer des boutiques et fast-foods à proximité des hôtels et enclos, il faudra également s'assurer que le nombre d'employés par bâtiment soit suffisamment élevé pour gérer le flux des clients. Très simple à paramétrer, la réduction ou augmentation d'effectif se fait d'un simple déplacement de curseur, indiquant en temps réel le coût engendré par la modification ainsi que son impact sur la capacité d'accueil des visiteurs. Il sera également nécessaire d'assurer un transport convenable entre les différents points d'intérêt de votre parc, mais aussi gérer la visibilité dans les enclos, que ce soit par le biais de tours panoramiques ou des fameuses gyrosphère dont vous pouvez effectuer le tracé manuellement. Globalement assez satisfaisante, la gestion de la clientèle semble toutefois parfois un rien obscure, obligeant le joueur à avancer un peu à tâtons pour savoir comment contenter les visiteurs. Chose étonnante, pour finir sur ce point, s'il est possible de changer la qualité des produits vendus dans les boutiques ainsi que leur prix, impossibles d'établir un prix de ticket d'entrée. Surprenant.
Les îles, vous l'aurez compris, se succèdent mais ne se ressemblent pas et il est tout à fait possible de quitter une carte notée 3 étoiles pour ne jamais y revenir. Cependant, Jurassic World Evolution permet de faire quelques allers-retours, choix qui peut s'avérer stratégique en certaines circonstances. S'il n'est malheureusement pas possible de faire de transfert de fonds d'une île rentable vers une autre en déficit, il est cependant permis d'exploiter des liquidités de l'archipel le plus profitable pour effectuer des expéditions et des recherches. Comme expliqué dans le test, le jeu étant « en temps réel » et les différentes actions coûteuses, rien n'interdit au joueur en difficulté de changer d'île, de se rendre (moyennant un temps de chargement) vers une autre, d'y lancer quelques recherches et excavations de fossiles et d'attendre patiemment pour que, une fois accomplies, ces tâches et leurs résultats soient appliqués sur la carte en cours de développement. Un bon moyen, par exemple, de lancer à moindres frais la recherche d'un remède indispensable aux dinosaures malades pour aider une île n'ayant pas les moyens de la financer.
Notez que cette technique est encouragée par le jeu qui ne permet pas la recherche des dinosaures les plus avancés sans un nombre minimum de centres de recherche. Sachant que l'édifice en question est limité à une unité par île, vous comprendrez que les dinosaures les plus attractifs ne seront débloqués qu'une fois toutes les cartes accessibles et les bâtiments adéquats construits. Un bon moyen, à nouveau, d'inciter le joueur à tenter d'accomplir tous les objectifs fixés par le jeu, de progresser dans chaque île, et de revenir dans les précédentes pour parfaire leur fonctionnement.
Jeu de gestion oblige, et même si vous vous avérez le gestionnaire le plus méticuleux du monde, vous ne pourrez pas faire sans quelques impondérables. Une tempête survient et vous n'avez pas pris les dispositions appropriées ? C'est une partie de vos enclos qui pourra être détruite et les dinosaures ne perdront pas de temps pour partir dans la nature. Il en ira de même en cas de coupure de courant, ou même dans le cas de plus rares sabotages des entreprises concurrentes. Dans ce cas, il faudra envoyer vous-même une équipe de gardiens réparer les dégâts et un hélicoptère afin de tranquilliser les dinosaures échappés. Cerise sur le gâteau, vous pouvez piloter vous-même les différents véhicules du jeu, et administrer manuellement médicaments et anesthésiants. Bien évidemment, cette fonctionnalité a ses limites, notamment concernant la réactivité en cas d'urgence, et le jeu permet de déclencher ces actions à distance, et ce d'une manière très intuitive. Mais reconnaissons tout de même qu'il faut aussi voir là une belle occasion de voir son parc à échelle humaine (la vue subjective n'étant malheureusement pas proposée) et aussi de s'adonner à des safaris photo assez rémunérateurs si l'on parvient à capter un moment unique, comme un dinosaure qui dévore un visiteur... par exemple.
Il resterait encore beaucoup à dire sur les multiples mécaniques qui existent pour peaufiner l'essor de son parc ou même sur le challenge que certaines missions ou situations de crise déploient même chez le joueur expérimenté. Nous en avons à peine parlé, mais, à l'image du savoir-faire déployé par Frontier sur Planet Coaster, Jurassic World Evolution est beau, très beau même. Les dinosaures sont criants de vérité, les effets de lumières sont très réussis, les bâtiments détaillés et la gestion de la foule est réaliste. Bref, c'est un régal pour les yeux, mais aussi pour les oreilles, les musiques de la saga Jurassic Park répondant présentes.
Alors, non, tout n'est pas tout à fait rose dans le monde jurassique et quelques petits défauts viennent émailler l'expérience. Outre les problèmes de construction et parfois d'interface mentionnés plus hauts, nous aurions sans doute aimé un nombre d'îles un peu plus élevé, permettant de développer des défis de construction supplémentaires, mais aussi le développement d'un vrai scénario, qui n'existe pas vraiment en l'occurrence. En outre, le mode bac à sable ne peut être convenablement paramétré et ne propose que l'argent illimité, amputant une bonne partie du plaisir. Et, petite déception, l'absence de dinosaures volants ou aquatiques a été très remarquée tout comme la certaine facilité à engranger de l'argent sans trop forcer. Pas de quoi bouder pour autant son plaisir, Jurassic World est excellent et particulièrement divertissant pour les quelques 25/30 heures qu'il vous demandera pour débloquer tout le contenu et finir toutes les missions.
Points forts
- Très beau
- Un challenge pour tous les profils
- Mécaniques de gestion solides et bien équilibrées
- Toujours quelque chose à faire ou à voir
- Les dinosaures, leur réalisme et leurs exigences
- La diversité des approches sur les îles de la carte
- Piloter les véhicules du film fait toujours son petit effet
- L'OST de la saga
- Jeff Goldbum en VO comme en VF
Points faibles
- Placement des bâtiments pas toujours évident
- Impossible de jouer en bac à sable sans argent illimité
- Pas d'attaques groupées pour les dinosaures
- Il n'y a jamais assez de Jeff Goldblum
Bien éloigné du simple jeu de commande, Jurassic World Evolution est un excellent jeu de gestion, très complet, qui offrira un challenge adapté selon que vous désiriez simplement progresser d'une île sur l'autre ou viser le parc ultime sur chacune des 5 cartes du jeu. Si l'on regrettera une construction pas très permissive, quelques pépins d'interface ou encore une économie un peu trop généreuse, le titre de Frontier, en plus d'être très rafraîchissant et agréable à l'oeil, offre des mécaniques de jeu équilibrées et cohérentes, qui demandent parfois du doigté pour être parfaitement maîtrisées. Pas exactement le jeu de gestion le plus complexe de ces dernières années, mais assurément l'un des plus fun et agréables.