Chair de poule

La direction artistique singulière de Smoke and Sacrifice, qui rappelle à bien des égards celle d’un Broken Age qui aurait été régurgitée par un clown triste, interpelle presque autant que le sinistre premier objectif affiché. À l’occasion d’un mystérieux rituel, Sachi, l’héroïne, doit abandonner la chair de sa chair. Le nouveau-né disparaît dans une lumière aveuglante et laisse une mère éplorée en proie aux idées sombres. Des années plus tard, une catastrophe s’abat en même temps qu’une lueur d’espoir anime la villageoise. Un étrange autochtone lui assure en effet que son fils est toujours en vie, quelque part dans ce monde fait de vapeurs. Afin de retrouver, peut-être, la trace de son enfant, Sachi va devoir confectionner objets, armes et autres potions de santé pendant son dangereux voyage. Car les terres marécageuses sont particulièrement hostiles : si la peur ne tue pas Sachi, alors quelque chose d’autre s’en chargera, comme le froid, le feu, les sables mouvants ou une des terribles créatures qui hantent l’endroit. L’isométrie forcée conduit à quelques imprécisions (à la souris) lorsque le joueur souhaite ramasser un bonus qui a chuté derrière un autre élément graphique. Si une cervelle tombe dans l’ombre d’un arbre, alors cette dernière devient hors d’atteinte avec le clic qui s’aimante sur le tronc.

Les ressources, qui sont ici synonymes de survie et donc de réussite, sont heureusement abondantes et se dénichent aussi bien après une cueillette que suite à un affrontement. Soyons clairs d’emblée, si vous n’aimez pas crafter, il est peut-être temps de passer votre chemin. Smoke and Sacrifice nécessite d’effectuer de nombreux allers-retours pour fabriquer des objets de quête et les ramener aux multiples personnages qui les recherchent, quand il ne s’agit pas de se confectionner un équipement obligatoire dans le but de rejoindre une contrée plus éloignée. Cette construction, rythmée par l’élaboration, est la colonne vertébrale du projet édité par Curve Digital. Ici, les éléments se combinent avec le moindre bout de bois trouvé dans une forêt. Les objets fabriqués étant destructibles, il est préférable de vérifier régulièrement l’état de son matériel avant de traverser un terrain aux conditions hostiles.

Un prêté pour un rendu

La bonne gestion de l’écosystème est la clé de la survie, mais les serrures sont nombreuses, dans le monde de Smoke and Sacrifice. Tout d’abord, la brume qui tombe à intervalles réguliers retire de la vie si Sachi ne s’équipe pas d’un item lumineux. Ensuite, la faune comme la flore ont plus d’un tour pour jouer de mauvais coups. Certaines plantes explosives retirent facilement un quart de la barre de vie si l’on n’y prend garde, tandis que les ennemis ont de multiples attaques à distance qui demandent un bon timing du côté des esquives. Enfin, les denrées de base stockées dans l’inventaire sont périssables, ce qui nécessite de garder un oeil attentif sur ses réserves et ne manquer de rien en cas de fabrication dans l’urgence. Les potions et armes plus puissantes ne peuvent être créées à la volée n’importe où sur la carte. Il est effectivement nécessaire de se tenir près d’une marmite ou d’un établi afin de façonner des items plus costauds. Par chance, quelques locaux amicaux ont vite fait d’enseigner leurs recettes et astuces en prodiguant, par exemple, de précieux conseils sur la capture d’animaux grâce un bocal et un appât.

Rien n’est cependant gratuit dans le titre édité par Curve Digital, et un geste bienveillant s’échange contre pas mal d’huile de coude. Nous notons que beaucoup trop de quêtes sont basées sur des objets à rapporter, ce qui rappelle les RPG d’antan où le forgeron demande de lui faire une petite course en échange d’un élément indispensable à la poursuite de l’aventure. Cette récurrence devient malheureusement rébarbative, et hache le rythme de la progression. Smoke and Sacrifice se veut être un jeu de survie en monde ouvert narratif. Si l’univers est effectivement composé de grands espaces entourés de sables mouvants noyés dans un épais brouillard, l’aspect purement scénaristique est pourtant loin d’être dominant. La dimension sacerdotale qui sert de toile de fond à l’aventure n’est pas vraiment originale, et les protagonistes rencontrés n’existent que par leurs fonctions. La difficulté est en tout cas bien là : les monstres sont nombreux et frappent fort, faisant de chaque excursion, pour stocker ne serait-ce que quelques grammes de poudre, un traquenard potentiel. La réussite repose sur la connaissance de son environnement : un Polype explosif fait parfois bien plus de dégâts que n’importe quelle arme de l'inventaire. Cartographier un niveau est également l’assurance d’y dénicher les points de sauvegarde, qui permettront au joueur imprudent de retenter sa chance en cas d’une des nombreuses morts causées par une attaque mal esquivée.