Far Cry 5 est-il l’épisode du renouvellement ? La question mérite d’être posée après deux opus certes dépaysants, mais qui peinaient à se démarquer d’un Far Cry 3 ayant posé les nouvelles bases de la série. Bonne nouvelle, Far Cry 5 compte justement dépoussiérer l’ensemble en revoyant ses fondamentaux, tout en gardant son style narratif atypique. Suffisant pour en faire le nouveau roi de la saga de FPS d’Ubisoft ?
Revenue d’un périple de plusieurs milliers d’années, la série Far Cry s’offre un retour à l’ère moderne dans une Amérique rurale apeurée. Les survivalistes y sont légion et une horde de fanatiques religieux s’est progressivement emparée des terres locales. C’est dans ce contexte que vous débarquez, accompagné du Marshall et d’un shérif du coin, afin de mettre aux fers l’instigateur de ce joyeux foutoir : Joseph Seed. Évidemment, rien ne se passera comme prévu.
Un bol de Seed brut
Far Cry 5 fait honneur à ses prédécesseurs en proposant à son tour une introduction forte, capable d’imposer une tension d’emblée en nous présentant au passage le principal antagoniste de l’aventure. C’est d’ailleurs une constante générale de l’aventure, qui soigne sa narration sur la durée en offrant nombre de séquences marquantes et riches en tension. Chaque personnage bénéficie par ailleurs de son propre background et d’une utilité diverse au sein de l’organisation, qu’il met à profit dans l’une des régions sous son contrôle. En revanche, la qualité des arcs narratifs proposés diffère. Celui de Jacob brille par la pertinence de sa mise en scène, tandis que ceux de John et Faith reprennent nombre de codes de la série et instaurent souvent chez le joueur une sensation de déjà-vu.
D’une manière générale, nous pouvons d’ailleurs regretter le manque d’audace de l’ensemble, le cahier des charges scénaristique de Far Cry est en effet presque un peu trop respecté à la lettre, contribuant à la sensation de déjà-vu évoquée plus haut : séquences hallucinatoires, torture psychologique… Dommage, car il faudra attendre la fin de l’aventure pour que le titre fasse enfin preuve d’une audace folle, livrant par la même occasion une fin mémorable qui devrait alimenter quelques conversations et théories et fera date dans l’histoire de la série.
Une progression fluide et naturelle
Si le renouvellement s’avère limité sur le scénario, la progression a bénéficié d’un sacré coup de neuf. L’affrontement avec les sous-fifres dirigeant les 3 régions du titre (Faith, John et Jacob) doit ainsi être provoqué en faisant grimper la jauge de résistance de chacune. Une action qui peut désormais être menée avec l’ensemble des missions, principales comme annexes, et dans l’ordre souhaité par le joueur ici capable d’explorer librement l’intégralité du monde ouvert une fois passée l’introduction du jeu. Ce choix salutaire accentue la liberté de progression et rend la narration d’autant plus fluide que les missions liées aux 3 lieutenants de la secte viennent s’incruster par surprise dans la trame, cassant ainsi régulièrement la routine de l’ensemble.
Notre Gaming Live sur le système de progression et les quêtes annexes
Nous saluerons également la décision de sacrifier certaines mécaniques vieillissantes, comme les tours radio, le craft contraignant à base de recherches spécifiques de peaux d’animaux ou les compétences basées sur l’expérience accumulée. La chasse ne sert à présent que pour certaines missions ou faire gonfler votre compte en banque, les tours radio ont un rôle très limité et l’acquisition des points de talent passe désormais par la complétion des défis. Ce dernier point peut sembler pénible au premier abord, mais n’empêche finalement pas de progresser à votre rythme sans vous sentir obligé de jeter un coup d’oeil en permanence au tableau des défis.
Si quelques quêtes de collecte sont encore présentes, celles-ci sont maintenant minoritaires et la possibilité d’aller chasser, pêcher ou d’accomplir les quêtes annexes scénarisées centrées autour de personnages hauts en couleur suffit à instaurer un minimum de variété à l’ensemble. L’ensemble du soft est d’ailleurs tourné autour des citoyens du Montana, qui vous donneront au détour d’une conversation des informations sur une cache de survivaliste oubliée ou des rumeurs de présence d’un personnage dans la région, débloquant ainsi de nouveaux points d’intérêt sur la carte. Il en est de même pour les missions principales, 9 d’entre elles donnant accès à des compagnons de jeu aux styles et caractéristiques différentes.
Vertical no limit
Reprenant un système instauré dans Primal, Far Cry 5 vous permet en effet de réaliser toute l’aventure en coopération avec un voire deux personnages dirigés par l’IA (ou même un joueur en ligne si le coeur vous en dit). Ces derniers sont intégrés au scénario et s’avèrent fort utiles, offrant un soutien tactique différent selon votre style de jeu. Le reste s’avère plus classique, s’appuyant sur la verticalité du terrain afin de nous permettre d’utiliser grappin, wingsuit, parachutes, mais aussi quelques avions et hélicoptères. Ces derniers s’avèrent souvent mis en avant dans les missions et font ici office de principaux dangers si vous faites l’erreur de vous déplacer à découvert. Nous noterons tout de même la richesse des approches ici accentuée par la variété des camps à attaquer, puisqu’il est encore une fois possible d’opter pour une discrétion totale ou de faire parler la poudre sans que le plaisir de jeu fluctue pour autant.
Les compagnons présentés en Gaming Live
En revanche, le titre montre ses limites lors des affrontements contre les principaux ennemis. S’ils ne manquent pas d’idées, ceux-ci s’avèrent brouillons et finalement peu adaptés à un soft surtout à l’aise dans les grands espaces, lorsqu’il nous offre une liberté d’approche totale. Enfin, difficile de ne pas évoquer l’intelligence artificielle des ennemis, particulièrement difficile à cerner et proposant des réactions souvent à côté de la plaque. Il s’agit sans nul doute du plus gros point noir de l'épisode, car si ces derniers ont un champ de détection souvent bien senti, leur manque de discernement nuit à l’immersion et la crédibilité des assauts menés. Plus généralement, et en dehors de ce dernier point qui devra être corrigé à l’avenir, Far Cry semble atteindre avec cet opus son plein potentiel en termes de mécaniques de jeu. Une bonne nouvelle certes, mais qui rendra toute volonté de renouvellement plus difficile à l’avenir.
Tonique Montana
Les productions d’Ubisoft déçoivent rarement sur ce point et le dernier-né de la licence Far Cry ne fait pas exception à la règle : la reconstitution du Montana est ici absolument exemplaire. Le travail d’immersion et le soin porté à l’ambiance suffisent à nous happer dans cet état rural habité par la peur. Difficile aussi d’ignorer le travail effectué sur le son, qui permet le plus souvent de repérer nombre de points d’intérêts (routes, camps, fusillades et attaque par les airs) simplement en tendant l’oreille. La bande-son s’avère également exemplaire, jonglant entre des pistes rock/folk/country et des compositions originales parfaitement intégrées à l’ensemble et contribuant au caractère inquiétant du culte, qui bénéficie ici de son propre thème.
Une infiltration de camp en toute discrétion
Du point de vue purement esthétique, Far Cry 5 fait une nouvelle fois honneur aux qualités habituelles de la série en nous proposant une direction artistique colorée qui met parfaitement en valeur la richesse des paysages du Montana. Le niveau de détails est aussi particulièrement impressionnant sur la végétation, et nous ne pouvons finalement déplorer que quelques (rares) textures baveuses ainsi qu’un clipping omniprésent sur consoles. Les ralentissements sont en revanche plus rares, ne pointant le bout de leur nez que sur les éditions classiques des consoles de dernière génération. Et comme le HUD a eu le bon goût de se débarrasser de la minimap pour le remplacer par un système de boussole bien moins intrusif, vous n’aurez aucune raison de ne pas profiter du superbe environnement qui s’offre ici à vous.
Le terrain de jeu s’avère d’ailleurs immense, suffisamment pour proposer une durée de vie copieuse d’au minimum une vingtaine d’heures, voire plus du double si vous comptez boucler le titre à 100%. Pour prolonger le plaisir, le multi (deathmatch en équipe ou en solo allant jusqu'à 12 joueurs) s’invite également via le mode Arcade. Ce dernier propose également un outil intégré permettant ensuite de partager vos créations en ligne. Escape room labyrinthique, carte multijoueur classique ou défi d’élimination d’ennemi, l’outil offre suffisamment de choix pour laisser libre cours à vos idées créatrices, intégrant de surcroît les assets tirés des univers de Far Cry, Watch Dogs et Assassin's Creed. Les joueurs uniquement équipés d'une manette devront toutefois faire preuve de doigté pour maîtriser pleinement l’ensemble, l’interface étant forcément plus adaptée à un support PC malgré des efforts visibles d’accessibilité. Dernier point avant de nous quitter : des microtransactions sont effectivement présentes dans le jeu, via l'acquisition de lingots d'argent permettant d'obtenir plus facilement des éléments cosmétiques ou véhicules rares. L'ensemble du contenu de Far Cry 5 peut cependant être débloqué avec l'argent in-game, qu'il est assez facile d'entasser après quelques bonnes séances de chasse ou une complétion totale des missions. En bref, celles-ci s'avèrent donc discrètes et ne gâchent en rien le reste du jeu.
L'introduction du jeu en vidéo
Points forts
- HUD simplifié et moins envahissant
- Progression naturelle et fluide
- Liberté d’approche totale
- Le travail réalisé sur l’ambiance et le son
- Un quatuor d’antagonistes crédible et réussi
- Visuellement magnifique
- Une fin audacieuse...
Points faibles
- … Contrairement au reste de l’aventure
- Pas mal de clipping et encore quelques bugs
- Combats de boss brouillons ou peu inspirés
- Sentiment de déjà-vu permanent
- IA souvent à la ramasse
Outre un renouvellement louable de son système de progression, Far Cry 5 a eu la bonne idée de s’affranchir des éléments parasites - tours radios, craft fastidieux en tête - des précédents opus et d’épurer son HUD pour nous offrir une aventure immersive et fluide. Le dépoussiérage de la licence est donc bien visible et très appréciable sur le fond, mais s’avère plus discret sur la forme. En effet, malgré une histoire plaisante portée par des antagonistes convaincants, ce nouvel opus reprend religieusement le cahier des charges de ses aînés et ne s’avère audacieux que par sa conclusion, provoquant ainsi chez le joueur un sentiment trop régulier de déjà-vu. À cela, il faut ajouter une intelligence artificielle laborieuse qui commence à accuser le poids des années et des mécaniques de jeux certes excellentes, mais qui semblent déjà avoir atteint leur potentiel maximum. Si le caractère un brin redondant de la formule ne vous gêne pas ou si vous n’avez encore jamais touché un Far Cry, n’hésitez pas, l’épisode garde suffisamment d’atouts pour vous convaincre. Dans le cas contraire, la question de son acquisition peut se poser.